Résumé :
- Une amnistie fiscale qui permet de récupérer 18 milliards de dollars, soit l’équivalent de 16,5 milliards d’euros
- Une régularisation sans frais jusqu’à 100 000 dollars et des taux très avantageux au-delà
- Des effets positifs immédiats sur l’économie avec une baisse du risque pays sous les 1 000 points
- Des experts divisés sur la pérennité de cette mesure à long terme
L’Argentine traverse actuellement une période économique délicate, marquée par une récession technique et une inflation annuelle à trois chiffres. Face à cette situation, le président Javier Milei a choisi une approche audacieuse : proposer une amnistie fiscale d’une ampleur sans précédent pour rapatrier les capitaux qui échappent au système bancaire officiel.
Cette stratégie s’attaque à un problème majeur de l’économie argentine : la méfiance historique des citoyens envers leur système bancaire. En effet, près de la moitié du PIB du pays, soit environ 277 milliards de dollars, échappe au contrôle des autorités financières.
Un programme d’amnistie sans précédent
Le programme baptisé « blanqueo » propose des conditions particulièrement attractives pour inciter les Argentins à régulariser leur situation. Concrètement, les participants peuvent déclarer jusqu’à 100 000 dollars sans payer le moindre impôt. Au-delà de ce montant, un système de taxation progressive a été mis en place, débutant à seulement 5% jusqu’au 31 octobre 2024.
Pour participer à ce programme, les citoyens doivent ouvrir un Compte spécial de régularisation d’actifs (CERA) dans une banque locale. La mesure est particulièrement innovante car elle inclut une large variété de sources de capitaux : de l’argent liquide caché sous les matelas aux portefeuilles de cryptomonnaies, en passant par les comptes à l’étranger.
Le calendrier de l’opération est soigneusement échelonné pour encourager une participation rapide. Si la taxation passe à 10% fin janvier 2025, elle atteindra 15% fin avril. Une seule condition majeure : les fonds rapatriés devront rester dans le pays au moins jusqu’au 31 décembre 2025.
🔥 "Ramenez votre cash, on pose pas de questions"
— MoneyRadar (@MoneyRadar_FR) November 5, 2024
C'est l'arme secrète de Javier Milei…
Zéro impôt jusqu'à 100.000 $, 5% au-delà.
Résultat, les Argentins rapatrient massivement leur cash planqué à l'étranger.
18 milliards $ sont déjà retourné dans les banques argentines. pic.twitter.com/XLCnidgqmS
Des premiers résultats encouregeants
Les effets de cette amnistie fiscale ne se sont pas fait attendre. En à peine quelques mois, plus de 280 000 Argentins ont choisi de régulariser leur situation, permettant de récupérer 18 milliards de dollars. Cette manne financière a eu des répercussions immédiates sur l’économie nationale.
Tout d’abord, le marché des changes s’est stabilisé, apportant un peu de répit à un peso en difficulté chronique. Plus significatif encore, le risque pays est passé sous la barre symbolique des 1 000 points, une première depuis 2019. Les dépôts en dollars dans les banques privées ont bondi pour atteindre 32,5 milliards de dollars depuis le lancement du programme mi-juillet.
Le gouvernement a également prévu des incitations pour que cet argent ne reste pas dormant. Les secteurs stratégiques comme le pétrole, l’énergie et l’agroalimentaire sont particulièrement ciblés pour les investissements. Les autorités espèrent ainsi que ces capitaux fraîchement régularisés stimuleront la croissance via de nouvelles lignes de crédit.
Un pari risqué pour l’avenir
Si les résultats immédiats semblent prometteurs, cette stratégie ne fait pas l’unanimité. Il faut dire que les positions du président Milei sur la fiscalité sont pour le moins controversées. En avril 2024, il n’a pas hésité à qualifier l’impôt de « vol » et les évadés fiscaux de « héros », des déclarations qui ont fait grincer bien des dents.
Cette amnistie, la huitième en 40 ans, soulève également des questions sur son efficacité à long terme. Plusieurs économistes, dont Sebastian Dominguez, mettent en garde contre une probable fuite des capitaux une fois la période de rétention obligatoire terminée. La pression fiscale, jugée encore trop élevée, pourrait en effet pousser certains à retirer leurs fonds dès que possible.
J.P. Morgan, dans une analyse récente, souligne que l’impact réel sur les réserves nettes dépendra largement de la capacité du système bancaire à transformer ces dépôts en crédits productifs. Un défi de taille dans un pays où la méfiance envers les institutions financières reste profondément ancrée, nourrie par des décennies d’instabilité économique, d’hyperinflation et de dévaluation du peso.