Impôts : La France va-t-elle traquer ses citoyens expatriés jusqu’aux paradis fiscaux ?

La France s'apprête à révolutionner son système fiscal ! Un amendement choc vise à traquer les expatriés fiscaux jusque dans leurs paradis fiscaux. Découvrez comment cette mesure pourrait bouleverser la vie de milliers de Français à l'étranger et secouer le monde de la finance internationale.

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Résumé :

  • Un amendement pour un « impôt universel ciblé » lié à la nationalité française vient d’être adopté en commission des Finances
  • La mesure ciblerait les expatriés fiscaux dans des pays à fiscalité réduite, pas tous les Français de l’étranger
  • L’amendement obligerait certains expatriés à payer des impôts en France pendant plusieurs années après leur départ
  • Des dispositions similaires existent déjà en Allemagne, Suède et Finlande
  • Le projet divise la classe politique française et soulève des questions sur l’équité fiscale et l’attractivité de la France

Alors que la France cherche désespérément à renflouer ses caisses, une idée audacieuse fait son chemin à l’Assemblée nationale. Un amendement adopté par la commission des Finances propose de créer un « impôt universel ciblé » lié à la nationalité française. Cette mesure, qui vise à traquer les expatriés fiscaux, pourrait marquer un tournant dans la politique fiscale hexagonale.

Mais que se cache-t-il réellement derrière ce concept d' »impôt universel ciblé » ? Comment cette mesure pourrait-elle affecter les Français de l’étranger et quelles sont les réactions de la classe politique ? Plongeons dans les détails de cet amendement controversé qui pourrait bien redéfinir les contours de la citoyenneté fiscale française.

Les détails de l’amendement proposé

L’amendement, déposé par le groupe LFI-NFP (La France Insoumise – Nouveau Front Populaire), introduit le concept d' »impôt universel ciblé ». Contrairement au système fiscal actuel basé sur la résidence, cette nouvelle approche lierait l’impôt à la nationalité française, mais de manière ciblée.

Concrètement, l’amendement viserait les Français ayant résidé au moins 3 ans en France sur les 10 dernières années avant de déménager dans un pays à fiscalité réduite. Ces personnes seraient tenues de payer un impôt équivalent à ce qu’elles auraient payé en restant en France, et ce pendant une durée limitée après leur départ.

« Cette mesure a pour objectif de développer en France un principe d’impôt universel ciblé, notamment sur les paradis fiscaux », explique le groupe LFI-NFP dans l’exposé des motifs de l’amendement. Il est important de noter que cette disposition ne s’appliquerait qu’aux pays dont la fiscalité est inférieure de plus de 50% à celle de la France en matière d’imposition sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine.

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Les réactions politiques à l’amendement

Comme on pouvait s’y attendre, cet amendement a provoqué des réactions contrastées au sein de la classe politique française.

Du côté des soutiens, on retrouve l’ensemble des partis de gauche, qui voient dans cette mesure un moyen de lutter contre l’évasion fiscale. Philippe Brun, député PS de l’Eure, s’est ainsi déclaré « favorable » à l’amendement, tout en soulignant la complexité de sa mise en œuvre du fait des nombreuses conventions fiscales bilatérales signées par la France.

Plus surprenant, le Rassemblement National s’est également prononcé en faveur de l’amendement. Jean-Philippe Tanguy, député RN de la Somme, a déclaré : « Nous défendons la priorité nationale, et donc la conséquence de cela c’est d’avoir des droits, et aussi des devoirs. C’est pour cela que nous avons toujours défendu une forme d’impôt par nationalité ».

En revanche, l’opposition à cette mesure est farouche du côté de l’ancienne majorité présidentielle et des Républicains. Roland Lescure, député des Français de l’étranger pour les États-Unis et le Canada, a qualifié l’amendement de « mesure inique, inapplicable qui stigmatise nos concitoyens de l’étranger ».

Le MoDem, quant à lui, semble divisé sur la question. Si Jean-Paul Mattei, député des Pyrénées-Atlantiques, s’est prononcé en faveur de cet impôt au passeport, il a néanmoins rappelé que « l’impôt universel était inopérant » selon un rapport qu’il avait co-rédigé en 2019.

Les précédents et comparaisons internationales

Si l’idée d’un impôt lié à la nationalité peut sembler révolutionnaire en France, elle n’est pas sans précédent à l’échelle internationale. Des dispositions similaires existent déjà en Allemagne, en Suède et en Finlande, comme le rappelle Éric Coquerel, président de la commission des Finances.

Cependant, seuls deux pays dans le monde ont adopté un système fiscal entièrement basé sur la nationalité : les États-Unis et l’Érythrée. Le cas américain est particulier, car le pays dispose de la puissance du dollar et peut ainsi forcer les banques étrangères à communiquer les données personnelles de leurs clients américains.

La proposition française se distingue de ces modèles en ciblant spécifiquement les expatriés fiscaux dans des pays à fiscalité réduite, et non l’ensemble des ressortissants français à l’étranger.

Les enjeux et implications de la mesure

L’adoption d’un tel amendement soulèverait de nombreuses questions quant à son impact sur les expatriés et l’attractivité de la France. Jean-Paul Mattei insiste sur la nécessité de ne pas sanctionner ceux qui partent à l’étranger pour faire carrière : « Les impôts servant essentiellement à financer les services publics et les personnes vivant à l’étranger ne bénéficiant pas de ces services, il n’y a pas de raison qu’elles payent autant que les autres ».

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La mise en œuvre de cette mesure se heurterait également à des difficultés pratiques, notamment en ce qui concerne les conventions fiscales bilatérales. Comme le souligne Éric Coquerel, « Il faudrait qu’on change les 129 accords passés en bilatéral avec les autres pays. C’est strictement impossible. Et on n’y gagnerait pas forcément ».

Mais quelle est l’ampleur réelle de l’exil fiscal en France ? Selon Laurent Simula, économiste spécialiste des questions d’exil fiscal, les derniers chiffres publics de la direction générale des impôts remontent à 2005. À cette époque, environ 34 000 redevables de l’impôt sur le revenu quittaient la France chaque année, principalement pour le Royaume-Uni, la Suisse, le Luxembourg et les États-Unis.

Il est important de noter que tous ces départs ne sont pas nécessairement motivés par des raisons fiscales. Cependant, la littérature scientifique semble montrer que les ménages les plus riches tiennent effectivement compte des différences de fiscalité dans le choix de leur lieu de résidence.

Le parcours législatif à venir

Bien que l’amendement ait été adopté en commission des Finances, son parcours législatif est loin d’être terminé. La prochaine étape sera le vote de l’ensemble des députés dans l’hémicycle. Eric Coquerel, président de la commission des Finances, a d’ailleurs reconnu que le texte « pouvait être amélioré » et qu’il était ouvert à une nouvelle rédaction avant le vote final.

Cependant, même si l’amendement était adopté par l’Assemblée nationale, le gouvernement pourrait encore le balayer en utilisant l’article 49.3 de la Constitution, comme cela a été le cas pour des amendements similaires lors des deux derniers projets de loi de finances.

Néanmoins, les rapports de force à l’Assemblée nationale ont évolué, avec 126 députés RN et apparentés et 193 députés NFP. Comme le souligne Éric Coquerel, « un 49.3 serait pour [le gouvernement] beaucoup moins indolore » dans cette configuration.

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