Résumé :
- 54% des salariés sont à l’aise pour parler salaire avec leurs collègues en 2024
- Les offres mentionnant le salaire attirent jusqu’à 50% de candidatures en plus
- Une directive européenne va imposer plus de transparence d’ici 2026
La fin d’un tabou : les chiffres qui prouvent le changement
L’évolution des mentalités en quelques années est frappante. Selon une enquête récente menée par le site d’emploi Hellowork, 54% des salariés se disent aujourd’hui à l’aise pour parler rémunération avec leurs collègues. Ce chiffre est d’autant plus impressionnant qu’il n’était que de 17% en 2019. En l’espace de cinq ans, la proportion de personnes prêtes à aborder ouvertement le sujet a plus que triplé.
Cette tendance se confirme également du côté des candidats à l’embauche. Une étude publiée par le cabinet de recrutement PageGroup révèle que 70% des salariés sont désormais prêts à demander le salaire médian de leurs collègues. Cette nouvelle transparence bouleverse les codes du recrutement.
L’impact sur le processus d’embauche est significatif. Les entreprises qui jouent le jeu de la transparence en sortent gagnantes : une offre d’emploi mentionnant une fourchette de rémunération attire entre 30% et 50% de candidatures supplémentaires. À l’inverse, 40% des candidats affirment qu’ils ne postuleraient pas à une offre où le salaire n’est pas précisé. Ces chiffres montrent à quel point la transparence est devenue un atout majeur pour attirer les talents.
Les raisons de cette révolution
L’influence des nouvelles générations joue un rôle crucial dans cette évolution. Les millennials (génération Y) et la génération Z, qui constituent une part croissante de la population active, abordent le sujet de l’argent avec beaucoup plus de naturel que leurs aînés. Comme l’observe une cadre dans la finance citée dans notre article source, les plus jeunes « n’ont aucun problème » à parler ouvertement de leur rémunération.
Cette aisance s’explique en partie par le rôle des réseaux sociaux et des comparateurs en ligne. Des plateformes comme LinkedIn ont habitué les jeunes professionnels à partager des informations sur leur carrière, y compris leurs succès financiers. Parallèlement, des sites comme Glassdoor permettent de comparer facilement les salaires entre entreprises et secteurs. Cette démocratisation de l’information a considérablement réduit l’opacité qui entourait autrefois les questions de rémunération.
De plus, le contexte économique et social joue un rôle non négligeable. Dans un marché de l’emploi tendu, où de nombreux secteurs peinent à recruter, les candidats se sentent plus légitimes pour aborder franchement la question du salaire. Le rapport de force entre employeurs et employés s’est quelque peu rééquilibré, donnant plus de pouvoir aux salariés pour négocier et s’informer sur les rémunérations.
Vers une transparence totale : la directive européenne de 2026
Cette évolution des mentalités s’inscrit dans un mouvement plus large, qui trouve un écho au niveau législatif. Une directive européenne adoptée en 2023 prévoit d’imposer une plus grande transparence sur les rémunérations d’ici juin 2026. Cette loi va considérablement changer la donne dans les entreprises françaises.
Concrètement, la directive prévoit plusieurs mesures phares. Les entreprises devront publier des fourchettes de rémunération dans leurs offres d’emploi, mettant ainsi fin au flou qui entoure souvent les salaires proposés. De plus, les salariés auront le droit d’obtenir des informations précises sur leur niveau de rémunération individuel, ainsi que sur les niveaux de rémunération moyens des employés effectuant un travail de même valeur.
Cette transparence accrue présente de nombreux avantages. Elle permet de lutter contre les discriminations salariales, notamment entre hommes et femmes, en rendant les écarts plus visibles et donc plus faciles à corriger. Elle favorise également une meilleure adéquation entre les attentes des candidats et les offres des entreprises, fluidifiant ainsi le marché du travail.
Cependant, certains experts mettent en garde contre les risques potentiels de cette transparence totale. Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des DRH, souligne notamment le risque d’une « tendance à aligner les salaires ». Or, les employés sont également en demande de « reconnaissance individuelle ». L’enjeu pour les entreprises sera donc de trouver un équilibre entre transparence et personnalisation des rémunérations.