Résumé :
- Moody’s accorde un sursis à la France en maintenant sa note Aa2 mais émet un sérieux avertissement
- Le déficit public français atteint un niveau alarmant de 6% du PIB, loin des standards européens
- Le gouvernement Barnier s’engage sur des économies massives de 60 milliards d’euros pour 2025
- Une dégradation majeure de la note française pourrait survenir dès avril 2025
- La dette française conserve son attrait malgré un contexte tendu
La France vit des heures décisives pour sa crédibilité financière. Dans un contexte de tension budgétaire extrême, l’agence de notation Moody’s vient de rendre son verdict tant attendu ce vendredi. Si l’institution new-yorkaise a choisi de maintenir la note prestigieuse Aa2 de la dette française, elle l’assortit désormais d’une perspective négative qui sonne comme un avertissement sans frais. Cette décision, qui intervient deux semaines après un jugement similaire de l’agence Fitch, place le gouvernement de Michel Barnier face à ses responsabilités.
Entre clémence et avertissement : le double message de Moody’s
La décision de Moody’s a surpris plus d’un observateur sur les marchés financiers. Alors que la plupart des analystes anticipaient une dégradation immédiate, l’agence américaine a choisi la voie de la patience. Un choix qui peut sembler clément au regard de la situation actuelle des finances publiques françaises, mais qui s’accompagne d’une mise en garde claire : la perspective négative désormais associée à la note Aa2 laisse planer le spectre d’une dégradation dans les prochains mois.
Le ministre de l’Économie, Antoine Armand, s’est empressé de « prendre note » de cette décision, rappelant que « la France dispose de forces économiques réelles ». Une réaction qui traduit le soulagement de Bercy, mais qui ne dissipe pas les inquiétudes quant à la capacité du gouvernement à redresser la barre.
DETTE FRANÇAISE 🇫🇷
— Loris Dalleau (@Loris_Dalleau) October 25, 2024
Moody's maintient la note de la France (Aa2) mais avec une perspective de stable à négative pic.twitter.com/xB6TsZnKup
La paralysie politique française inquiète les marchés
Le réquisitoire dressé par Moody’s est sans appel. L’agence pointe du doigt un déficit public qui culmine à 6% du PIB, un niveau qui a déjà déclenché une procédure pour déficit excessif de la part de l’Union européenne. Plus préoccupant encore, l’agence souligne :
dans toutes les catégories de dépenses, la France dépense actuellement plus que la moyenne de la zone euro.
Cette situation est aggravée par un contexte politique particulièrement instable. La fragmentation de l’Assemblée nationale complique considérablement l’adoption des réformes nécessaires. Moody’s n’hésite d’ailleurs pas à qualifier la situation politique française de « sans précédent », un constat qui soulève « des risques quant à la capacité des institutions à réduire durablement le déficit ».
60 milliards d’économies : le pari risqué du gouvernement Barnier
Face à ces critiques, le gouvernement Barnier s’est engagé sur un plan d’économies ambitieux de 60 milliards d’euros pour 2025. Un objectif qui suscite le scepticisme de Moody’s, l’agence estimant que « les réductions de dépenses à grande échelle seront difficiles » et que nombre des mesures proposées « ne sont pas de nature structurelle ».
L’enjeu est d’autant plus crucial que le Trésor français prévoit un programme d’émission record de 300 milliards d’euros en 2025. Dans ce contexte, une nouvelle dégradation de la note souveraine française lors de la prochaine revue en avril 2025 pourrait avoir des conséquences dramatiques, notamment si elle fait basculer la France dans la catégorie « Simple A ».
Les investisseurs gardent confiance : les forces de l’économie française
Malgré ces perspectives inquiétantes, la France conserve des atouts majeurs. Sa dette reste attractive pour les investisseurs, même si ces derniers exigent désormais une prime de risque plus élevée. Le spread (écart entre les taux d’emprunt français et allemand) oscille entre 70 et 80 points de base, un niveau qui reste gérable.
Les fondamentaux économiques du pays demeurent solides, avec une épargne importante, des actifs conséquents et une capacité éprouvée à lever l’impôt. Plus encore, dans un contexte international marqué par les tensions géopolitiques et les conflits armés, la France apparaît comme une valeur refuge relative.
La décision de Moody’s place la France à la croisée des chemins. Si le maintien de la note Aa2 offre un répit bienvenu au gouvernement Barnier, la perspective négative qui l’accompagne dessine les contours d’une année 2025 qui s’annonce décisive. La France dispose désormais de six mois pour prouver sa capacité à mener des réformes structurelles ambitieuses et tenir ses engagements budgétaires.
Dans ce contexte, la réussite du plan d’économies de 60 milliards d’euros devient une nécessité absolue. L’alternative – une dégradation en catégorie « Simple A » – aurait des conséquences trop lourdes pour être envisagée sereinement. La France, qui reste une valeur refuge dans un monde instable, doit absolument préserver cette confiance des marchés. Le véritable test de crédibilité commencera dès le vote du budget 2025. C’est à ce moment-là que le gouvernement devra transformer ses promesses en actes concrets, sous le regard attentif des agences de notation qui n’hésiteront plus à sanctionner tout nouveau dérapage.