Résumé :
- Sanction record de 6 millions d’euros infligée à Ohm Energie
- L’entreprise est accusée d’avoir abusé du système Arenh pendant la crise énergétique de 2021-2022
- Il s’agit de la première sanction de ce type sur le marché de détail de l’électricité
- D’autres fournisseurs font l’objet d’enquêtes pour des pratiques similaires
Le 15 juillet 2024, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a frappé un grand coup en infligeant une amende record de 6 millions d’euros à Ohm Energie. Cette sanction, la plus importante jamais prononcée par le régulateur, marque un tournant dans la surveillance du marché de l’électricité en France. Au cœur de l’affaire : des accusations d’abus du système Arenh, un mécanisme censé favoriser la concurrence mais qui semble avoir été détourné de son objectif initial.
Alors que la crise énergétique de 2021-2022 a mis à rude épreuve le secteur de l’énergie, cette affaire soulève de nombreuses questions sur la régulation du marché et la protection des consommateurs. Plongeons dans les détails de ce scandale qui pourrait bien rebattre les cartes du paysage énergétique français.
Ohm Energie : du nouveau venu prometteur au fournisseur controversé
Fondée en 2018 par François Joubert, un ancien cadre d’EDF, Ohm Energie s’est rapidement imposée comme un acteur dynamique sur le marché de la fourniture d’électricité. Profitant de l’ouverture à la concurrence du secteur, l’entreprise a su séduire de nombreux clients avec des offres attractives et une communication efficace.
Cependant, les stratégies commerciales agressives d’Ohm Energie ont rapidement attiré l’attention des autorités de régulation. Dès 2022, le Médiateur de l’énergie pointait du doigt certaines pratiques de l’entreprise, notamment la sous-évaluation délibérée des mensualités des clients, entraînant par la suite des factures de régularisation astronomiques.
Le mécanisme Arenh : une faille dans le système ?
Pour comprendre les accusations portées contre Ohm Energie, il est essentiel de se pencher sur le mécanisme Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique). Instauré en 2011, ce dispositif visait à stimuler la concurrence sur le marché de l’électricité en obligeant EDF à vendre une partie de sa production nucléaire à ses concurrents à un prix fixe de 42 euros le mégawattheure.
🔴 L’ancien directeur financier d’Ohm Energie révèle les pratiques spéculatives de son ancien employeur.
— Complément d'enquête (@Cdenquete) March 7, 2024
🗣️ Il dénonce un “détournement de 2 milliards € d’argent public au profit d'entreprises privées” et affirme que le cas Ohm Énergie “ne serait pas un cas isolé”. @revue_xxi pic.twitter.com/iywgbM5HNP
L’objectif initial était louable : permettre aux nouveaux entrants de proposer des offres compétitives tout en bénéficiant de la stabilité des coûts de production nucléaire. Cependant, la crise énergétique de 2021-2022 a mis en lumière les potentielles dérives de ce système. Avec l’envolée des prix de l’électricité sur les marchés de gros, l’écart entre le tarif Arenh et les prix du marché est devenu considérable, créant une opportunité de profit pour les fournisseurs alternatifs.
Les pratiques abusives d’Ohm Energie sous la loupe
Selon les accusations de la CRE, Ohm Energie aurait mis en place une stratégie visant à maximiser ses profits en abusant du système Arenh. L’entreprise aurait délibérément gonflé son portefeuille de clients en proposant des tarifs très attractifs, dans le but d’obtenir des quotas plus importants d’électricité nucléaire à bas prix.
Une fois ces quotas obtenus, Ohm Energie se serait ensuite débarrassée de ses nouveaux clients en augmentant brutalement ses tarifs, juste avant l’hiver, période où la demande et les prix sont les plus élevés. L’électricité acquise à bas prix via l’Arenh aurait alors été revendue sur le marché de gros à des tarifs bien plus élevés, générant ainsi des profits considérables.
Cette pratique, si elle est avérée, constitue un détournement flagrant de l’esprit du mécanisme Arenh, censé bénéficier aux consommateurs et non enrichir les fournisseurs alternatifs.
Réactions et conséquences sur le marché de l’électricité
La sanction infligée à Ohm Energie a provoqué de vives réactions dans le secteur de l’énergie. EDF, qui avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur les « comportements opportunistes » de certains fournisseurs, a salué la décision de la CRE, appelant à une « plus grande fermeté des pouvoirs publics ».
« Notre rôle est de s’assurer que tous les acteurs respectent les règles du jeu et leurs engagements vis-à-vis de leurs clients. Cette sanction envoie un message clair : les abus ne seront pas tolérés sur le marché de l’électricité. »
Emmanuelle Wargon, présidente de la CRE
Pour les consommateurs, cette affaire soulève des inquiétudes légitimes sur la fiabilité des offres proposées par les fournisseurs alternatifs. Elle pourrait conduire à un renforcement de la réglementation et à une surveillance accrue des pratiques commerciales dans le secteur.
Vers une refonte du système Arenh ?
L’affaire Ohm Energie n’est peut-être que la partie émergée de l’iceberg. La CRE a confirmé que d’autres fournisseurs, dont Mint Energie, font l’objet d’enquêtes pour des pratiques similaires. Ces investigations pourraient bien révéler des problèmes systémiques dans le fonctionnement du marché de l’électricité en France.
🔴 L’ancien directeur financier d’Ohm Energie révèle les pratiques spéculatives de son ancien employeur.
— Complément d'enquête (@Cdenquete) March 7, 2024
🗣️ Il dénonce un “détournement de 2 milliards € d’argent public au profit d'entreprises privées” et affirme que le cas Ohm Énergie “ne serait pas un cas isolé”. @revue_xxi pic.twitter.com/iywgbM5HNP
Face à ces dérives, une refonte du système Arenh semble inévitable. Plusieurs pistes sont envisagées, comme un ajustement plus fréquent du prix de l’Arenh en fonction des conditions du marché, ou encore un renforcement des contrôles sur l’utilisation des quotas par les fournisseurs alternatifs.
La crise énergétique a mis en lumière les limites du modèle actuel de régulation du marché de l’électricité. L’affaire Ohm Energie pourrait bien être le catalyseur d’une réforme en profondeur, visant à concilier l’ouverture à la concurrence avec une meilleure protection des consommateurs et une gestion plus équitable des ressources énergétiques du pays.