Le fondateur de Microsoft s’empare du secteur agricole à coups de milliards. Découvrez comment Bill Gates, désormais le plus grand propriétaire terrien des États-Unis, transforme l’agriculture mondiale et influence les politiques alimentaires internationales. Une enquête exclusive qui dévoile les dessous d’une stratégie controversée et son impact sur l’avenir de notre alimentation.
Résumé :
- La Fondation Bill & Melinda Gates (BMGF) est le plus gros investisseur philanthropique en agriculture
- Bill Gates possède environ 100 000 hectares de terres agricoles aux États-Unis
- La BMGF promeut une vision productiviste et technocentriste de l’agriculture
- Le programme phare Agra de la fondation fait l’objet de nombreuses critiques
- La fondation exerce une influence croissante dans les instances internationales comme la COP28
- 85% des projets financés par la BMGF soutiennent une industrialisation de l’agriculture
- Des experts remettent en question l’efficacité de ce modèle pour aider les petits paysans
Lorsqu’on pense à Bill Gates, on imagine d’abord le génie de l’informatique qui a révolutionné notre quotidien avec Microsoft. Pourtant, depuis quelques années, le milliardaire s’est lancé dans une nouvelle conquête : celle de l’agriculture mondiale. Avec sa fortune colossale estimée à 128 milliards de dollars en 2024, Gates a fait de sa fondation, la Bill & Melinda Gates Foundation (BMGF), le plus important investisseur philanthropique au monde dans le domaine agricole.
Mais derrière cette générosité apparente se cache une stratégie qui soulève de nombreuses questions. Comment un homme d’affaires tech en est-il venu à façonner l’avenir de notre alimentation ? Quels sont les véritables enjeux de cette nouvelle révolution verte orchestrée par Gates ? Plongeons au cœur de cette transformation agricole qui pourrait bien redéfinir l’assiette de demain.
L’empire agricole de Bill Gates
Bill Gates n’est pas seulement le fondateur de Microsoft, il est aussi devenu un acteur incontournable du monde agricole. Sa fortune colossale, estimée à 128 milliards de dollars début 2024, lui permet d’investir massivement dans ce secteur. Mais ce qui surprend davantage, c’est son statut de plus grand propriétaire agricole des États-Unis.
Avec environ 100 000 hectares répartis sur dix-sept États américains, Gates a discrètement bâti un empire terrien impressionnant. Cette acquisition massive de terres agricoles soulève des questions sur ses intentions à long terme et son influence potentielle sur la production alimentaire américaine.
Cependant, c’est surtout à travers la Fondation Bill & Melinda Gates (BMGF) que le milliardaire exerce son influence sur l’agriculture mondiale. Depuis sa création en 2000, la fondation a reçu plus de 59 milliards de dollars de son fondateur, devenant ainsi le géant philanthropique de l’agriculture. Cette manne financière considérable permet à la BMGF de peser lourdement sur les orientations agricoles, particulièrement dans les pays en développement.
La BMGF, architecte d’une nouvelle révolution verte
Au cœur de la stratégie de la BMGF se trouve l’Alliance pour la révolution verte en Afrique (Agra), un programme phare lancé en 2006. L’ambition affichée était noble : doubler les rendements agricoles et les revenus de 30 millions de petits producteurs africains d’ici 2020. Pourtant, les résultats sont loin d’être à la hauteur des promesses.

Une étude publiée en 2020 par la Fondation Rosa-Luxembourg dresse un bilan sévère de l’Agra. Non seulement les augmentations de rendement des principales cultures n’ont pas été significatives, mais la situation de la faim dans les treize pays concernés se serait même aggravée depuis le lancement du programme. Malgré ces critiques, la BMGF a remis 200 millions de dollars au pot d’Agra en 2023, portant à près de 800 millions les aides versées au programme.
La vision portée par la fondation Gates est résolument productiviste et technosolutionniste. Elle mise sur l’augmentation de la productivité agricole grâce à l’utilisation accrue d’intrants, de biotechnologies et de nouvelles technologies. Cette approche est en phase avec les intérêts des géants industriels du secteur, mais elle soulève des interrogations quant à sa pertinence pour répondre aux véritables causes de la faim dans le monde.
Le financement massif de la recherche agricole par la BMGF illustre cette orientation. Entre 2015 et 2018, sur les 807 millions de dollars investis dans la recherche agricole, 85% des projets finançaient une industrialisation de l’agriculture. Seuls 3% étaient consacrés à des approches agroécologiques. Cette répartition des fonds témoigne d’une vision très orientée du développement agricole, privilégiant les solutions technologiques rapides au détriment d’approches plus systémiques et durables.
Les coulisses du pouvoir : Gates à la table des décideurs mondiaux
L’influence de Bill Gates et de sa fondation ne se limite pas au financement de projets sur le terrain. Elle s’exerce également au plus haut niveau des instances internationales traitant des questions agricoles et alimentaires.

La présence remarquée de Gates à la COP28 à Dubaï en décembre 2023 en est un exemple frappant. Accueilli comme une véritable star, le milliardaire a promis une enveloppe de 200 millions de dollars pour l’innovation en agriculture. Cette annonce, faite lors du premier sommet dédié à la transformation des systèmes alimentaires dans le cadre d’une COP, illustre le poids croissant de la BMGF dans le cadrage international de la question agricole.
De plus, la BMGF est devenue le deuxième plus grand financeur du CGIAR, un groupe international de quinze centres de recherche agricole. Cette position lui permet d’influencer considérablement les orientations de la recherche agricole mondiale. La fondation a notamment poussé à une centralisation du pouvoir de décision au sein du CGIAR, suscitant des inquiétudes quant à la prise en compte des besoins et des points de vue des pays du Sud.
Un modèle agricole sous le feu des critiques
L’omniprésence de la fondation Gates dans le domaine agricole soulève de nombreuses critiques et controverses. Les liens étroits entre la BMGF et l’agro-industrie sont régulièrement pointés du doigt, alimentant des soupçons de conflits d’intérêts.
La surreprésentation des géants de l’agro-industrie dans les événements soutenus par la fondation, comme à la COP28, au détriment des organisations paysannes et des ONG, illustre cette proximité problématique. De même, la marginalisation des approches agroécologiques dans les financements de la BMGF soulève des questions sur la diversité des solutions envisagées pour répondre aux défis agricoles mondiaux.
Plus fondamentalement, c’est le modèle même proposé par la fondation Gates qui est remis en question par de nombreux experts. L’accent mis sur les solutions technologiques et l’augmentation de la productivité ne semble pas apporter de réponses satisfaisantes aux problèmes structurels rencontrés par les petits paysans des pays du Sud. La pauvreté, le manque d’accès à la terre et les conflits sont souvent cités comme les principales causes de la faim dans le monde, bien avant un déficit de production.
Enfin, l’asymétrie de pouvoir créée par l’influence considérable de la BMGF sur les politiques agricoles mondiales pose question en termes de gouvernance démocratique. La capacité d’un acteur privé à orienter aussi fortement les décisions qui affectent l’alimentation de millions de personnes soulève des enjeux éthiques et politiques majeurs.