Élection US 2024 : la guerre pour la domination financière mondiale a commencé

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À l’automne 2024, les Américains seront appelés aux urnes pour désigner leur prochain président pour les quatre années à venir. Mais au-delà du choix d’un homme ou d’une femme à la Maison Blanche, c’est un véritable tournant historique pour l’économie mondiale qui se jouera dans les bureaux de vote.

Rarement une élection n’aura concentré autant d’enjeux et de perspectives diamétralement opposées pour l’avenir. 

D’un côté, le président sortant démocrate Joe Biden incarnera la vision d’un monde économique toujours plus ouvert et interdépendant. De l’autre, son rival républicain Donald Trump portera les couleurs d’un repli sur les intérêts américains « d’abord », quitte à remettre en cause les fondements du libre-échange et de la mondialisation.

Entre ces deux modèles, c’est une véritable rupture paradigmatique qui se profile pour les prochaines années. Bien au-delà des frontières des États-Unis, les implications d’un tel choix pour la planète entière seront considérables, qu’elles soient économiques, financières, commerciales ou géopolitiques.

Dans un monde déjà fragilisé par les séquelles de la pandémie, miné par les tensions protectionnistes et les conflits sanglants, l’élection de novembre 2024 fait figure de tournant décisif. 

Les impacts pour les entreprises, les investisseurs et tous les acteurs économiques majeurs seront immanquables et de longue portée, quel que soit le vainqueur.

Un cycle électoral sous haute tension

L’élection présidentielle américaine de 2024 se déroule dans un contexte de vives tensions politiques aux États-Unis. Jamais la société n’a paru aussi divisée depuis des décennies. 

Le président sortant Joe Biden, à 81 ans, brigue un second mandat malgré une impopularité grandissante. Face à lui, son ancien rival Donald Trump, ombragé par ses démêlés judiciaires, fait figure d’outsider déterminé à reprendre les rênes du pouvoir. 

Les démocrates prônent la poursuite d’une vision multilatérale et interventionniste des États-Unis sur la scène internationale. Les républicains, menés par Trump, défendent au contraire un repli isolationniste, plaçant les intérêts américains au-dessus de toute autre considération géopolitique.

Le parti démocrate américain est né en 1828 et le parti républicain en 1854, il a fêté ses 170 ans le 20 mars

Cette polarisation extrême attise un climat de méfiance généralisée et fait peser un risque majeur d’instabilité politique dans les mois à venir. Chaque camp semble prêt à tout pour s’assurer la victoire, sans véritable recherche de compromis

Les appels au dépassement des clivages se font rares dans un pays où le débat public laisse de moins en moins de place aux nuances.

Des affrontements violents ne sont pas à exclure avant, pendant et après le scrutin, comme ce fut le cas lors de la dernière élection en 2020. De nombreux observateurs craignent déjà des remises en cause des résultats par le camp vaincu

Une telle situation de chaos prolongé aurait inévitablement un lourd impact économique et financier aux États-Unis et dans le monde.

Le saviez-vous?

2024 sera l’année des élections bien au-delà des limites des États-Unis puisque 70 pays, soit plus de 4,2 milliards de personnes, vont voter pour des élections présidentielles ou législatives. 

Le bilan économique en demi-teinte de l’ère Biden

Sur le plan économique, le bilan du président sortant Joe Biden apparaît en demi-teinte après quatre années à la Maison Blanche. S’il peut se prévaloir de certaines performances indéniables, d’importantes fragilités persistent à l’orée de cette année électorale 2024.

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Du côté des éléments positifs, les États-Unis ont déjoué les pronostics en 2023 avec une croissance du PIB de 2,5%, supérieure à l’année précédente. 

Le marché de l’emploi s’est également montré d’une solidité remarquable, avec de nombreuses créations de postes ces derniers mois. Surtout, l’objectif crucial de désinflation semble en bonne voie, l’inflation reculant progressivement pour s’établir désormais autour de 3%.

Selon Jerome Powell, président de la Réserve fédérale des États-Unis, il est encore trop tôt pour diminuer les taux directeurs.

Cependant, ce début de rééquilibrage a un coût. Pour juguler la spirale des prix, la Réserve fédérale a dû relever ses taux directeurs de manière historique, entre 5,25 à 5,5%. Un niveau qui fait peser un lourd tribut sur la compétitivité des entreprises américaines et la vigueur de la consommation des ménages.

Autre point d’inquiétude, si les États-Unis s’en sortent mieux que la plupart des autres grandes puissances économiques comme l’Europe ou la Chine, les prévisions de croissance pour 2024 restent très modérées, entre 2 et 2,5% selon les institutions. Un rythme qui marque le pas après le rebond de 2023.

Dans ce contexte contrasté, la campagne de Joe Biden pour sa réélection risque d’être compliquée. Son plan de relance économique et son programme environnemental peinent à créer un véritable enthousiasme dans l’électorat. Les défis économiques à relever dans un second mandat potentiel s’annoncent rudes.

Le saviez-vous?

Sur l’année 2023, quand les États-Unis affichaient une croissance à 2,5%, l’Europe affichait un timide 0,5%. Du côté allemand, on était malheureusement à -0,3% de croissance l’année dernière. 

Les défis géopolitiques comme variables d’ajustement

Au-delà des enjeux de politique intérieure, ce sont les défis géopolitiques majeurs qui risquent de peser lourdement sur les résultats économiques des prochaines années aux États-Unis. Les positions divergentes des deux camps au cœur de cette campagne présidentielle pourraient avoir des implications considérables en la matière.

La guerre en Ukraine représente un premier point de fracture entre démocrates et républicains. Tandis que Joe Biden défend un soutien indéfectible à Kiev aux côtés des alliés européens et de l’OTAN, Donald Trump prône une forme de désengagement assumé. 

L’ancien président s’est même enorgueilli de pouvoir régler le conflit en 24 heures, douchant les espoirs d’une résolution rapide. Un revirement aussi soudain des États-Unis pourrait déstabiliser les équilibres actuels.

Malgré les divergences de points de vue au sein du parti démocrate, Bernie Sanders a exprimé dans l’émission Late Show que pour le bien des Américains, “Joe Biden doit être réélu”.

Le conflit israélo-palestinien soulève une autre ligne de tensions au sein même du parti démocrate. Si Biden tente des positions plus nuancées pour ménager son aile gauche qui dénonce les exactions de l’armée israélienne, les républicains affichent un soutien indéfectible à l’État hébreu. Toute accalmie durable semble difficile dans ce contexte.

Plus largement, c’est la place et le rôle même des États-Unis dans les affaires du monde qui divise profondément. La vision isolationniste de Trump s’oppose au multilatéralisme historique des démocrates. Une redéfinition des priorités géostratégiques de Washington ne manquerait pas d’impacter les échanges commerciaux planétaires.

Ces différents points de crispation géopolitique placent l’économie mondiale dans une situation d’incertitudes majeures. Les scénarios de résolution des conflits ou d’enlisement conditionneront très largement les perspectives de croissance future à l’échelle globale.

Mondialisation ou repli ? Deux visions économiques incompatibles

Au cœur des divergences entre démocrates et républicains lors de cette campagne se trouve une opposition fondamentale de visions économiques

D’un côté, le camp de Joe Biden prône la poursuite d’un mouvement de mondialisation désormais ancien. De l’autre, Donald Trump fait de la remise en cause de ce modèle l’un de ses chevaux de bataille, au profit d’un repli économique sur les intérêts américains.

Pour les démocrates, l’intégration toujours plus poussée des économies nationales dans les échanges commerciaux et financiers mondialisés reste un objectif à poursuivre. Cette approche coopérative et multilatérale, basée sur le libre-échange et les alliances commerciales, est censée favoriser la stabilité et la prospérité à long terme.

Mais ses détracteurs, emmenés par Trump, y voient surtout un système profitant aux grandes entreprises et aux élites économiques mondialisées, au détriment des travailleurs et des économies locales. Le slogan « America First » résume cette vision d’un Occident qui doit se protéger en réaffirmant la primauté de ses intérêts nationaux.

Balance et exportations et importations américaines au cours des dernières années. Source : Bureau of Economic Analysis

Dans les faits, un second mandat Trump pourrait voir la généralisation de droits de douane très élevés sur les importations, de l’ordre de 60% ou plus selon ses déclarations. Une telle politique protectionniste marquerait la fin du libre-échange à l’américaine et la fragmentation des chaînes d’approvisionnement internationales.

Les impacts seraient considérables pour de nombreux secteurs industriels et de services, contraints de relocaliser massivement leurs activités pour continuer à écouler leurs produits aux États-Unis. Une recomposition profonde du commerce mondial serait inévitable si cette logique de repli venait à s’installer durablement.

Le saviez-vous?

Les différences de législations entre les différents états des États-Unis concernent aussi les produits qu’il est possible ou non d’importer. À titre d’exemple, impossible d’importer du foie gras en Californie ou dans l’état de New York.

Les anticipations des marchés financiers

Face à ces enjeux économiques et politiques majeurs, les marchés financiers n’ont d’autre choix que de tenter d’anticiper au mieux les différents scénarios envisageables.

Si les investisseurs restent pour l’heure optimistes, comme en témoignent les niveaux records atteints par les grands indices boursiers américains, la prudence devrait progressivement revenir à l’approche du scrutin.

Certains grands investisseurs institutionnels semblent d’ores et déjà préparer leurs positions. À l’image de BlackRock, JPMorgan ou State Street qui prennent leurs distances avec les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), leurs mouvements récents peuvent être interprétés comme une forme d’anticipation d’une victoire de Donald Trump.

De fait, les politiques défendues par le camp républicain en matière environnementale ou sociale apparaissent en rupture avec les exigences croissantes de « l’investissement responsable ». Un désengagement de poids comme BlackRock sur ces sujets fait figure de prise de position assumée.

Jamie Dimon, Larry Fink et Ronald O’Hanley, les CEO de JPMorgan, Blackrock et StateStreet

Plus concrètement, la prime de risque devrait s’accroître sur les marchés actions à l’approche de novembre 2024 et du verdict des urnes. Une incertitude électorale prolongée pourrait même entraîner une forte volatilité, voire des chocs marqués en cas de remise en cause des résultats.

Les investisseurs les plus prudents pourraient alors préférer rester à l’écart en attendant la dissipation des doutes. Un phénomène amplifié par le poids électoral potentiel des « petits » candidats, à même de jouer les trouble-fêtes en grignotant des voix aux deux favoris.

Quelle que soit l’issue, les marchés devraient finalement reprendre leur marche en avant en 2025, une fois le nouveau locataire de la Maison Blanche installé et les nouvelles orientations politiques et économiques formellement actées.

Le saviez-vous?

La dette publique américaine a dépassé en ce début d’année les 34 mille milliards de dollars, soit près de 6 fois son niveau de 2000.

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