Résumé :
- Un achat suspect de 225 000 actions Ubisoft a eu lieu 45 minutes avant une annonce cruciale
- Le cours de l’action Ubisoft a grimpé de 30% suite à la révélation d’un possible rachat par Tencent
- Des experts financiers pointent du doigt un potentiel délit d’initié
- Une députée française réclame l’ouverture d’une enquête officielle
- Ubisoft a déjà été impliqué dans une affaire de délit d’initié en 2016
Le monde de la finance est en ébullition. Ubisoft, géant français du jeu vidéo, se retrouve au cœur d’une tempête boursière qui pourrait bien ébranler sa réputation. Tout a commencé avec un mystérieux achat massif d’actions, survenu quelques minutes seulement avant l’annonce d’un possible rachat par le géant chinois Tencent. Cette transaction, d’une ampleur inhabituelle, a immédiatement éveillé les soupçons des observateurs les plus avisés du marché.
Alors que le cours de l’action Ubisoft s’est envolé de 30% suite à cette annonce, les regards se tournent vers les coulisses de l’opération. S’agit-il d’un simple coup de chance ou d’un délit d’initié savamment orchestré ? L’affaire prend une dimension politique avec l’intervention d’une députée qui exige des réponses. Plongeons dans les méandres de cette affaire qui pourrait bien secouer le monde de la finance et du jeu vidéo.
Le mystérieux achat massif qui soulève des questions
Le 4 octobre dernier, à 14h57 précisément, soit 45 minutes avant la publication d’un article crucial de Bloomberg, un événement inhabituel secoue le marché boursier. En l’espace d’une minute, pas moins de 225 000 titres Ubisoft sont échangés, pour une valeur estimée à 2,4 millions d’euros. Cette transaction massive et soudaine a immédiatement attiré l’attention des experts.
Nicolas Chéron, stratégiste boursier indépendant, a été l’un des premiers à tirer la sonnette d’alarme. « Ce qu’il s’est passé est assez fou, » explique-t-il. « Quelqu’un a acheté tous les ordres à la vente, d’un coup. Il y a une très grosse probabilité que ce soit un seul ordre et une seule personne derrière. »
Ubisoft
— Nicolas Chéron (@NCheron_bourse) October 4, 2024
Jean michel délit d'initié,
a eu la news à 14H30,
en a acheté 300 000,
une heure plus tard +25% pic.twitter.com/olmVlAGvxn
Cette analyse est corroborée par plusieurs spécialistes des marchés financiers, qui confirment le caractère exceptionnel de cette opération. « Sur une telle action, il n’y a jamais un volume aussi puissant en séance, » ajoute Chéron. L’ampleur et la rapidité de cet achat soulèvent de sérieuses questions quant à son origine et sa motivation.
Les indices pointant vers un potentiel délit d’initié
Face à ces événements troublants, l’hypothèse d’un délit d’initié ne peut être écartée. Mais qu’est-ce exactement qu’un délit d’initié ? Il s’agit d’une infraction boursière commise par un investisseur qui utilise des informations confidentielles pour réaliser des gains ou éviter des pertes sur les marchés.
Yamina Tadjeddine, professeure d’économie à l’Université de Lorraine, explique les critères qui permettent de suspecter un tel délit : « Il y a deux critères qui vont faire qu’on suspecte un délit d’initié : l’anormalité et la proximité. Le premier critère consiste à constater une opération anormale par rapport aux transactions des jours précédents, sur le volume notamment. Le second, c’est de regarder s’il y a une proximité entre cette opération et une annonce importante. »
Dans le cas d’Ubisoft, ces deux critères semblent bel et bien réunis. L’achat massif de titres est clairement anormal en termes de volume, et sa proximité temporelle avec l’annonce de Bloomberg est pour le moins troublante. De plus, le contexte boursier d’Ubisoft rend cette transaction d’autant plus suspecte. Avant cet événement, le titre était dans une véritable « spirale infernale », ayant perdu plus de 80% de sa valeur sur trois ans.
Les conséquences immédiates sur le cours de l’action Ubisoft
L’impact de cette transaction suspecte et de l’annonce qui a suivi a été immédiat et spectaculaire. Le cours de l’action Ubisoft a bondi d’environ 30%, marquant ainsi sa plus forte hausse journalière depuis l’introduction en bourse de l’entreprise.
Cette hausse fulgurante contraste fortement avec les difficultés financières récentes d’Ubisoft. Comme le souligne le journal Les Echos, le titre avait perdu « plus de la moitié de sa valeur depuis le début de l’année, mais surtout 80% sur trois ans et près de 90% sur cinq ans ». Cette situation précaire était due à plusieurs déceptions commerciales et à l’annonce du report de la sortie du prochain Assassin’s Creed, franchise phare de l’éditeur.
L’ampleur de cette hausse soulève des questions quant aux potentiels gains réalisés par l’acheteur mystérieux. Comme le fait remarquer Nicolas Chéron, « Si elle a l’information d’une vente, elle va probablement les garder bien au chaud. Elle peut facilement revendre à +50%, soit un million d’euros empoché. »
La réaction des autorités et du monde politique
L’affaire a rapidement dépassé le cadre strictement financier pour atteindre la sphère politique. Christine Pirès Beaune, députée socialiste du Puy-de-Dôme, a pris l’initiative d’adresser un courrier à Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l’Autorité des marchés financiers (AMF), pour s’assurer qu’une enquête serait bien ouverte.
Dans sa lettre, la députée souligne l’importance de cette affaire dans le contexte économique et social actuel : « Eu égard au contexte économique et budgétaire actuel, où des efforts significatifs vont être demandés à tous nos concitoyens, ce type d’annonce est de nature à saper davantage le contrat social entre Français, si vient à planer un sentiment d’impunité pour les (généralement) très riches se livrant à ces manœuvres. »
De son côté, l’AMF reste discrète sur le sujet, indiquant simplement « ne pas faire de commentaire s’agissant de sociétés cotées en particulier ». Cependant, une source proche du dossier a précisé que l’AMF est toujours plus « vigilante » dans « les périodes de forte activité ou de grosse actualité sur un titre ». Il est important de noter que l’ouverture d’une enquête par l’AMF ne fait jamais l’objet d’une annonce publique.
Les antécédents d’Ubisoft en matière de délit d’initié
Cette affaire prend une dimension particulière lorsqu’on la replace dans le contexte des antécédents d’Ubisoft. En effet, l’entreprise a déjà été impliquée dans une affaire de délit d’initié par le passé. En 2016, trois dirigeants de l’entreprise ont été condamnés pour avoir vendu des titres en 2013, juste avant l’annonce du report de deux jeux majeurs, Watch Dogs et The Crew.
Cette précédente affaire avait déjà entaché la réputation d’Ubisoft et soulevé des questions sur les pratiques de gouvernance au sein de l’entreprise. Le fait qu’une nouvelle suspicion de délit d’initié émerge aujourd’hui pourrait avoir des conséquences significatives sur la confiance des investisseurs et l’image publique de l’entreprise.