Résumé :
- Altice France entre en procédure de sauvegarde accélérée devant le tribunal de commerce de Paris pour finaliser la restructuration de sa dette colossale de 23,7 milliards d’euros
- Un accord avec 90% des créanciers permet de réduire la dette de 8,6 milliards d’euros en échange de 45% du capital et 1,6 milliard d’euros en cash
- SFR pourrait être vendu selon des rumeurs de marché, avec une valorisation estimée à 30 milliards d’euros qui bouleverserait le paysage des télécoms français
- L’empire Patrick Drahi s’effrite après une décennie d’acquisitions financées par l’endettement, obligeant le groupe à céder ses actifs (BFM TV, RMC, centres de données)
- Premiers signes de redressement avec un rebond de 17.000 abonnés mobiles au premier trimestre 2025, mais l’avenir du groupe reste incertain
L’heure de vérité a sonné
Dans les couloirs feutrés du tribunal de commerce de Paris, une bataille silencieuse se prépare. Le groupe Altice France, propriété du milliardaire Patrick Drahi, franchit une nouvelle étape cruciale de sa restructuration. Cette procédure de sauvegarde accélérée n’est pas un coup de théâtre – elle était attendue, programmée, inévitable.
« Comme nous l’avons annoncé fin février, pour entériner l’accord sur la dette, nous devons mettre en place un processus juridico-administratif », explique une source proche du dossier. Derrière cette formule technique se cache une réalité brutale : l’empire Drahi se bat pour sa survie.
Une dette qui étouffe tout
Les chiffres donnent le vertige. 23,7 milliards d’euros de dette au troisième trimestre 2024. Pour mesurer l’ampleur du gouffre, imaginez : c’est plus que le PIB de certains pays européens. Cette montagne d’argent due plombe depuis des années la capacité du groupe à respirer, à investir, à se développer.
Mais voilà qu’un accord salvateur émerge des négociations. Plus de 90% des créanciers ont accepté de jouer le jeu. Le marché ? Une réduction spectaculaire de 8,6 milliards d’euros, ramenant la dette à 15,5 milliards. En échange, 45% du capital d’Altice France passera entre les mains des créanciers, accompagnés d’un chèque de 1,6 milliard d’euros.
De l’ascension fulgurante à la chute vertigineuse
Pour comprendre cette débâcle, il faut remonter le temps. 2014 : Patrick Drahi réalise « l’opération de sa vie » en s’offrant SFR pour 13,5 milliards d’euros. L’homme d’affaires ne s’arrête pas là. Virgin Mobile, Portugal Telecom, Libération, BFM TV… son appétit semble insatiable.
Le problème ? Cette frénésie d’acquisitions se finance à crédit. De 2,7 milliards d’euros en 2013, la dette explose à 54 milliards en 2017. Michel Combes, alors directeur général, assure pourtant que « la situation est d’un confort absolu ». Une confiance qui ne sera pas partagée par les marchés.
2017 marque le tournant. Le cours de Bourse dégringole, la stratégie d’endettement ne fait plus recette. Michel Combes fait ses cartons avec une prime dorée de six millions d’euros, laissant Patrick Drahi face à ses responsabilités.
SFR sur le marché ? La rumeur qui secoue le secteur
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Alors qu’Altice tente de panser ses plaies, une rumeur enflamme le marché des télécoms : SFR pourrait être vendu. Selon Bloomberg, l’opérateur serait valorisé à 30 milliards d’euros.
Une vente qui bouleverserait complètement le paysage français des télécommunications. Depuis l’arrivée fracassante de Free en 2012, aucun mouvement de cette ampleur n’avait été envisagé. Qui rachèterait SFR ? Orange, Bouygues Telecom, ou un acteur étranger ? Le suspense est total.
Les signes d’un renouveau ?
Malgré cette tempête, Altice France affiche quelques signaux encourageants. Après des trimestres de saignée, le groupe a enregistré un rebond au premier trimestre 2025 : +17.000 abonnés mobiles particuliers. Un maigre gain, certes, mais symbolique d’une possible remontée.
Le groupe mise tout sur « la relance commerciale de SFR et l’amélioration de la qualité de service ». Une stratégie de reconquête qui devra faire ses preuves dans un marché ultra-concurrentiel.
Le grand déballage continue
Pour alléger le fardeau, Altice France a déjà vendu les bijoux de famille. BFM TV et RMC ? Cédés à CMA Media. Les centres de données ? Vendus. Les parts de La Poste Mobile ? Envolées. Même le réseau de fibre optique SFR FTTH a trouvé preneur.
Cette cure d’amaigrissement drastique témoigne de la détermination du groupe à retrouver des marges de manœuvre. Mais à quel prix ? Chaque cession affaiblit un peu plus l’écosystème Altice.
D’ici fin septembre à début octobre, la procédure de sauvegarde accélérée devrait aboutir. Patrick Drahi saura alors s’il a réussi son pari fou : transformer une quasi-faillite en renaissance. Ou si son empire s’effritera définitivement sous le poids de ses ambitions passées.
Une chose est certaine : l’histoire d’Altice France s’écrit en temps réel, et chaque chapitre pourrait être le dernier. Dans ce thriller économique grandeur nature, Patrick Drahi joue sa survie, SFR son avenir, et la France ses télécoms. Le dénouement approche.