Résumé :
- La NASA a choisi SpaceX pour ramener les astronautes américains bloqués sur l’ISS
- Mission d’une semaine transformée en séjour de 8 mois pour les astronautes
- Surcoût de 1,6 milliard de dollars pour Boeing dû aux problèmes du Starliner
- Risque pour les futurs contrats de Boeing avec la NASA
Le sauvetage embarrassant de Boeing par SpaceX
Face aux problèmes persistants du vaisseau Starliner de Boeing, la NASA s’est vue contrainte de prendre une décision radicale. Hier, l’agence spatiale américaine a annoncé qu’elle ferait appel à SpaceX pour ramener sur Terre les astronautes Barry « Butch » Wilmore et Sunita « Suni » Williams. Une décision qualifiée d' »embarrassante » par Erik Seedhouse, professeur associé à l’université d’aéronautique Embry-Riddle.
La capsule Dragon de SpaceX, qui a déjà prouvé sa fiabilité avec neuf vols habités réussis depuis 2020, sera utilisée pour cette mission de sauvetage. Ce choix souligne non seulement les problèmes techniques rencontrés par Boeing, mais aussi la montée en puissance de SpaceX dans le domaine du transport spatial habité.
Pour les astronautes Wilmore et Williams, ce qui devait être une mission test d’une semaine s’est transformé en un séjour prolongé de plus de huit mois sur l’ISS. Ces vétérans de l’espace, âgés respectivement de 61 et 58 ans, se retrouvent involontairement au cœur d’une situation sans précédent.
Leur retour sur Terre, initialement prévu pour juin 2024, est maintenant programmé pour février 2025. Cette prolongation inattendue de leur mission soulève des questions sur l’impact psychologique et physique d’un tel séjour prolongé dans l’espace, même pour des astronautes expérimentés.
Les problèmes techniques du Starliner de Boeing
Les difficultés rencontrées par le Starliner de Boeing sont multiples et préoccupantes. Lors de son voyage vers l’ISS en juin 2024, le vaisseau a été confronté à une série de problèmes techniques majeurs. Une fuite d’hélium dans le système de propulsion et la défaillance de cinq propulseurs ont sérieusement compromis la fiabilité du vaisseau.
Leur dysfonctionnement pose donc un risque sérieux pour la sécurité des astronautes, ce qui a conduit la NASA à juger trop risqué le retour des astronautes à bord du Starliner.
Les problèmes du Starliner ne datent pas d’hier. Le programme a connu une série d’échecs et de retards depuis son lancement :
- En 2019, un premier test sans équipage a échoué en raison de problèmes logiciels.
- Un nouveau test a dû être effectué en 2022, retardant considérablement le programme.
- En mai 2024, une tentative de lancement a été annulée à cause d’une fuite d’hélium dans le système de propulsion.
Cette accumulation de problèmes techniques a non seulement retardé le programme, mais a aussi considérablement augmenté son coût, mettant en question la capacité de Boeing à rivaliser avec SpaceX dans le domaine du transport spatial habité.
Les enjeux financiers et stratégiques pour Boeing
Le programme Starliner a déjà entraîné un surcoût colossal de 1,6 milliard de dollars pour Boeing. Ce montant, bien que considérable, doit être mis en perspective avec le chiffre d’affaires de 24,93 milliards de dollars de la branche Défense, Espace et Services de Boeing en 2023.
Cependant, l’impact de ce fiasco va bien au-delà des chiffres. Comme le souligne Cai Von Rumohr, analyste chez TD Cowen, cette situation « pose un problème d’image » pour Boeing et pourrait « mettre en danger de futurs contrats avec la NASA ». Dans un contexte où la branche aviation de l’entreprise est déjà dans la tourmente suite à des dysfonctionnements en série et deux crashs meurtriers en 2018 et 2019, ce nouveau revers dans le domaine spatial pourrait avoir des conséquences à long terme sur la réputation et la position de Boeing dans l’industrie aérospatiale.
En 2014, lorsque la NASA a attribué des contrats pour le développement de vaisseaux spatiaux habités, SpaceX était considéré comme l' »outsider ». Pourtant, l’entreprise d’Elon Musk a reçu un contrat moins élevé (2,6 milliards de dollars contre 4,2 milliards pour Boeing) et a réussi à mettre en service son vaisseau Dragon dès 2020.
LIVE: We're discussing NASA's @BoeingSpace Crew Flight Test following the completion of today's Agency Test Flight Readiness Review. Listen in for the latest #Starliner updates. https://t.co/M2ODFmLuTj
— NASA (@NASA) August 24, 2024
Cette différence de performance soulève des questions sur l’efficacité et la gestion de projet chez Boeing. Erik Seedhouse pointe du doigt des « problèmes de contrôle qualité » dans les branches spatiale et aérienne de l’entreprise, ainsi qu’une structure plus bureaucratique que celle de SpaceX, où les décisions peuvent être prises plus rapidement.
L’avenir incertain du programme spatial de Boeing
Malgré ces revers, la NASA n’a pas abandonné Boeing. L’agence spatiale américaine maintient son objectif de disposer de deux véhicules pour acheminer ses astronautes, afin de ne pas dépendre d’un seul fournisseur. Cette stratégie de redondance est cruciale pour assurer l’accès continu à l’espace en cas de défaillance de l’un des systèmes.
Glenn Lightsey, professeur à la Guggenheim School of Aerospace Engineering, tempère les critiques en rappelant que le Starliner en est encore au début de son développement. Selon lui, il faut environ cinq missions pour vraiment vérifier tous les sous-systèmes d’un nouveau vaisseau spatial.
Pour Boeing, le défi est maintenant de surmonter ces difficultés techniques et de regagner la confiance de la NASA et du public. Comme le suggère Erik Seedhouse, « la seule manière de regagner la confiance des gens est de réussir à refaire voler une mission, avec un autre équipage ».
