Résumé :
- Les banques centrales ont acheté 483 tonnes d’or au premier semestre 2024, établissant un nouveau record historique.
- Un ralentissement modéré a été observé au deuxième trimestre, principalement dû à une pause des achats chinois.
- La Turquie, l’Inde et la Pologne émergent comme les principaux acheteurs d’or en 2024.
- Les analystes prévoient que cette tendance d’achats massifs d’or par les banques centrales se maintiendra pendant au moins six ans.
Les banques centrales, gardiennes traditionnelles de la stabilité économique, se livrent à une véritable ruée vers le métal jaune, pulvérisant tous les records d’achats. Ce phénomène, loin d’être anodin, pourrait bien redessiner les contours de l’économie mondiale telle que nous la connaissons.
Au cœur de cette révolution dorée, un chiffre frappe les esprits : 483 tonnes. C’est la quantité astronomique d’or achetée par les banques centrales au cours du premier semestre 2024, dépassant de 5% le précédent record établi en 2023. Alors pourquoi les institutions financières les plus puissantes du monde se tournent-elles massivement vers cette relique barbare ? Quelles conséquences cette ruée aura-t-elle sur l’économie mondiale et sur nos économies personnelles ?
La ruée vers l’or des banques centrales
Le World Gold Council a récemment révélé des chiffres qui ont fait l’effet d’un séisme dans le monde financier. Avec 483 tonnes d’or achetées au cours des six premiers mois de 2024, les banques centrales ont non seulement maintenu leur appétit pour le métal précieux, mais l’ont considérablement accru. Cette quantité dépasse de 5% le record précédent de 460 tonnes établi au premier semestre 2023, témoignant d’une tendance qui ne semble pas près de s’essouffler.
Ce comportement d’achat agressif s’inscrit dans une dynamique pluriannuelle. En effet, l’année 2023 avait déjà vu les banques centrales acheter 1 037 tonnes d’or, un chiffre à peine inférieur au record absolu de 1 136 tonnes établi en 2022. Cette continuité dans les achats massifs suggère une stratégie délibérée et à long terme de la part des institutions financières mondiales.
Malgré l’euphorie générale, le deuxième trimestre 2024 a connu un ralentissement modéré des achats. Les banques centrales ont ajouté 183 tonnes à leurs réserves, soit une augmentation de 6% par rapport à la même période en 2023, mais une baisse de 39% par rapport au rythme effréné du premier trimestre 2024.
Ce ralentissement est principalement attribuable à un acteur majeur : la Chine. La Banque populaire de Chine, qui avait augmenté ses réserves d’or pendant 18 mois consécutifs, a brusquement mis ses achats en pause en mai et juin, n’ajoutant que 2 tonnes en avril. Cette décision a suscité de nombreuses spéculations parmi les analystes.
Les principaux acteurs du marché
Contre toute attente, c’est la Turquie qui s’est imposée comme le plus gros acheteur d’or au cours du premier semestre 2024. Le pays a ajouté 45 tonnes à ses réserves, dont la majeure partie au premier trimestre. Ce comportement d’achat s’inscrit dans une tendance de longue durée, la banque centrale turque ayant acheté de l’or pendant 12 mois consécutifs après avoir liquidé 160 tonnes au printemps 2023.
L’Inde se positionne comme le deuxième plus gros acheteur d’or au cours du premier semestre 2024. La Reserve Bank of India a ajouté de l’or à ses réserves chaque mois de l’année, pour un total impressionnant de 37 tonnes. Cette stratégie s’inscrit dans la continuité des années précédentes, l’Inde ayant augmenté ses réserves d’or de plus de 260 tonnes depuis 2017.
Les motivations de l’Inde semblent multiples. Selon des économistes indiens, cette ruée vers l’or serait motivée à la fois par des raisons politiques et économiques. La « fiabilité » diminuée du dollar américain et la volonté de diversifier les réserves face à la volatilité des marchés des changes sont souvent citées comme des facteurs clés de cette stratégie.
La Pologne s’est distinguée comme le plus gros acheteur d’or au deuxième trimestre 2024, augmentant ses avoirs de 19 tonnes. Cette décision s’inscrit dans un plan ambitieux annoncé par le gouverneur de la Banque nationale de Pologne, Adam Glapiński, visant à porter la part de l’or dans les réserves totales du pays à 20%.
La motivation de la Pologne est clairement exprimée par Glapiński lui-même : il s’agit d’une question de sécurité et de stabilité financières.
Tendances et perspectives du marché de l’or
La pause dans les achats officiels d’or par la Chine au deuxième trimestre 2024 a semé le doute sur les marchés. Malgré cette interruption, la Chine a tout de même ajouté près de 30 tonnes d’or à ses réserves au cours du premier semestre 2024. Ce comportement erratique alimente les spéculations sur la véritable stratégie chinoise en matière d’or.
Certains analystes soupçonnent que la Chine pourrait ajouter des quantités significatives d’or à ses réserves de manière non officielle. Cette théorie s’appuie sur le fait que la Chine a déjà, par le passé, surpris les marchés en révélant soudainement des augmentations massives de ses réserves d’or après des années de silence. Cette opacité autour des achats d’or chinois ajoute une couche de complexité à l’analyse du marché mondial de l’or.
La Banque centrale chinoise (PBoC) n'a PAS arrêté d'acheter de l'or en mai 2024, contrairement à ce qu'elle prétend !
— MoneyRadar (@MoneyRadar_FR) August 6, 2024
Elle en a plutôt stratégiquement accumulé en toute discrétion.
Décryptage 👇 pic.twitter.com/PdpUJsMEUR
Bien que la tendance générale soit à l’achat, certains pays ont surpris les observateurs par leurs ventes d’or. Les Philippines ont été le plus gros vendeur au cours du premier semestre, réduisant leurs réserves d’or d’environ 25 tonnes. La Thaïlande a également été un vendeur notable, réduisant ses avoirs d’un peu moins de 10 tonnes.
À l’inverse, des pays comme l’Ouzbékistan, la République tchèque, le Qatar, et même la Russie malgré les sanctions internationales, ont continué à acheter de l’or, bien qu’en quantités plus modestes.
Malgré le léger ralentissement observé au deuxième trimestre, les analystes restent optimistes quant à l’avenir des achats d’or par les banques centrales. Selon la dernière enquête du World Gold Council, 29% des banques centrales prévoient d’ajouter plus d’or à leurs réserves au cours des 12 prochains mois, le niveau le plus élevé depuis le début de l’enquête en 2018.
Pour les analystes de ANZ Bank, les achats d’or des banques centrales resteront élevés pendant au moins les six prochaines années. Ils citent la méfiance croissante envers les actifs à revenu fixe américains et la montée en puissance des monnaies non-réserves comme des facteurs susceptibles de soutenir cette tendance à long terme.