Tesla se rebelle contre la guerre commerciale de Trump, à l’abri de son patron Elon Musk

La scène relève presque de la comédie shakespearienne. D'un côté, un PDG milliardaire qui a injecté 250 millions de dollars dans la campagne présidentielle de Donald Trump et occupe désormais un poste officiel dans son administration. De l'autre, cette même entreprise qui envoie discrètement une lettre non signée pour supplier le gouvernement américain de calmer ses ardeurs protectionnistes.

Tesla écrit à Trump

Résumé :

  • Tesla a envoyé une lettre non signée à l’administration Trump avertissant que les droits de douane américains exposent l’entreprise à des « impacts disproportionnés » via les mesures de rétorsion d’autres pays.
  • Cette situation est paradoxale car Elon Musk, PDG de Tesla, est un proche conseiller de Trump ayant dépensé 250 millions de dollars pour sa campagne et dirige le « Département de l’Efficacité Gouvernementale ».
  • La lettre n’est signée par personne car « personne dans l’entreprise ne veut être licencié pour l’avoir envoyée« , selon une source proche du dossier.
  • Tesla traverse une crise majeure avec des ventes en chute libre (-44% en France, -76% en Allemagne, -51% en Chine) et son action a perdu la moitié de sa valeur depuis décembre.
  • Trump a tenté de soutenir l’entreprise en achetant publiquement une Tesla Model S, mais les dirigeants demandent plutôt une révision de la politique commerciale.

Une lettre clandestine qui défie le patron

Selon des révélations du Financial Times et de Reuters, Tesla vient d’adresser une lettre au représentant américain au commerce, Jamieson Greer, pour l’avertir que les entreprises exportatrices américaines sont « exposées à des impacts disproportionnés lorsque d’autres pays réagissent aux mesures commerciales américaines. »

Le document, remarquablement, n’est signé par personne. Une source proche du dossier explique au Financial Times : « C’est une façon polie de dire que le régime tarifaire bipolaire nuit à Tesla » avant d’ajouter, non sans ironie : « Il n’est pas signé parce que personne dans l’entreprise ne veut être licencié pour l’avoir envoyé. »

Cette précaution n’est pas sans fondement. Fin février, Jared Ottmann, ingénieur et manager chez Tesla, a été licencié pour avoir simplement critiqué une « blague » d’Elon Musk sur X, où le milliardaire s’amusait avec les noms de dignitaires nazis comme Goebbels, Goering et Himmler.

Des inquiétudes concrètes face aux représailles commerciales

Au-delà du spectacle politique, Tesla exprime des préoccupations économiques très concrètes. La marque américaine affirme que l’augmentation des droits de douane pourrait faire grimper les coûts de fabrication de ses véhicules aux États-Unis, les rendant moins compétitifs à l’exportation.

L’entreprise s’inquiète particulièrement des difficultés d’approvisionnement en lithium et en cobalt, composants essentiels pour ses batteries. « Même avec une localisation agressive de la chaîne d’approvisionnement, il est difficile, voire impossible, de s’approvisionner aux États-Unis pour certaines pièces et composants », précise la lettre.

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La situation est d’autant plus préoccupante que les tensions commerciales s’intensifient de jour en jour. Après des semaines d’escalade entre les États-Unis et la Chine, mais aussi avec des partenaires historiques comme le Canada, le Mexique ou l’Union européenne, les représailles se multiplient.

La Commission européenne a annoncé mercredi qu’elle appliquerait des droits de douane « forts mais proportionnés » sur une série de produits américains à partir du 1er avril. Le Canada menace d’imposer des taxes sur l’acier et l’aluminium, ce dernier étant très utilisé dans les voitures électriques. Et pour couronner le tout, Trump vient de décider d’imposer 200% de taxes sur les vins, champagnes et spiritueux européens.

Une entreprise déjà fragilisée par la chute des ventes

Cette bataille commerciale tombe au pire moment pour Tesla. Le constructeur traverse une période particulièrement difficile, avec un effondrement spectaculaire de ses ventes en ce début d’année 2025.

Les chiffres donnent le vertige : -44% en France comme en Norvège, -76% en Allemagne, et -51% en Chine en février, son plus mauvais mois depuis deux ans et demi dans ce marché crucial. L’analyste d’UBS Group AG, Joseph Spak, a revu à la baisse ses prévisions pour le premier trimestre (-16%) et anticipe même une chute de 5% des ventes sur l’année.

Ces prévisions pessimistes contredisent frontalement les promesses des dirigeants de l’entreprise, qui avaient annoncé le retour de la croissance en 2025, après une baisse annuelle inédite pour la firme d’Austin l’an dernier.

L’action en bourse reflète cette descente aux enfers : depuis son pic du 17 décembre, le titre Tesla s’est tout simplement effondré de moitié.

L’effet Musk : quand l’image du patron devient un handicap

Si une partie de ces baisses peut s’expliquer par des facteurs techniques, comme la suspension des livraisons du Model Y en Chine et en Europe en raison d’une nouvelle version du véhicule, ou par la concurrence croissante des constructeurs électriques chinois, de nombreux analystes pointent un autre coupable : Elon Musk lui-même.

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Son image controversée, entre provocations sur les réseaux sociaux, décisions autoritaires et alliance visible avec Donald Trump, semble avoir un impact significatif sur les ventes de Tesla. Le lien est devenu si évident que même Donald Trump l’a reconnu implicitement.

Lundi dernier, le président américain a déclaré : « Je vais acheter une Tesla toute neuve demain matin en signe de confiance et de soutien à Elon Musk. » Une mise en scène médiatique qui s’est poursuivie à la Maison Blanche, où Trump a posé avec plusieurs véhicules Tesla avant de choisir une Model S.

Donald Trump posant avec sa nouvelle Tesla Model S à la Maison Blanche

Un PDG pris entre deux feux

La situation place Elon Musk dans une position pour le moins inconfortable. D’un côté, il est devenu l’un des conseillers les plus influents de Donald Trump, ayant investi massivement dans sa campagne et obtenu en retour un mandat étendu pour influencer la politique et réduire l’administration fédérale. Il dirige même le soi-disant « Département de l’Efficacité Gouvernementale » (DOGE).

De l’autre côté, l’entreprise qu’il a fondée et qu’il dirige toujours implore désormais l’administration Trump de reconsidérer sa politique commerciale agressive, signalant clairement que cette guerre des tarifs douaniers menace directement ses intérêts.

Ce paradoxe illustre parfaitement les contradictions inhérentes à la position d’Elon Musk, tiraillé entre ses ambitions politiques personnelles et les réalités économiques de son entreprise. Pour Tesla, la situation est claire : plutôt qu’un achat symbolique d’une voiture par le président, ce sont des changements concrets dans la politique commerciale qui pourraient véritablement aider l’entreprise à traverser cette période tumultueuse.

La question reste entière : Musk choisira-t-il de défendre les intérêts de Tesla ou poursuivra-t-il sa croisade politique aux côtés de Trump, potentiellement au détriment de sa propre entreprise? L’avenir nous le dira, mais pour l’instant, les employés de Tesla semblent avoir choisi leur camp, même s’ils doivent le faire dans l’anonymat.

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