Résumé :
- Sanofi vend environ 50% d’Opella au fonds américain CD&R pour 15,5 milliards d’euros
- Opella produit le Doliprane, médicament le plus consommé en France
- Le gouvernement français exige des garanties pour maintenir la production en France
- Cette vente s’inscrit dans la stratégie de Sanofi de se recentrer sur les médicaments innovants
Une transacaction majeure dans l’industrie pharmaceutique
Le conseil d’administration de Sanofi a tranché le 10 octobre 2024 en faveur de l’offre du fonds américain CD&R. Cette décision fait suite à des négociations serrées et une compétition acharnée avec d’autres prétendants, notamment le fonds français PAI Partners. L’offre de CD&R, d’un montant de 15,5 milliards d’euros pour l’acquisition d’environ 50% d’Opella, a finalement remporté la mise. Cette valorisation impressionnante, de l’ordre de 11 à 13 fois le résultat opérationnel d’Opella, témoigne de l’attractivité de cette filiale de santé grand public.
Avant de se décider pour la cession à CD&R, Sanofi avait exploré diverses options pour l’avenir d’Opella. Une introduction en bourse était sérieusement envisagée, à l’instar de ce qu’avait fait le laboratoire britannique GSK avec sa division santé grand public, Haleon, en 2022. Par ailleurs, l’offre du fonds français PAI Partners, bien que finalement écartée, avait suscité un vif intérêt, notamment en raison des engagements sociaux conséquents qu’elle comportait.
La décision de Sanofi de se séparer d’Opella s’inscrit dans une stratégie plus large du groupe, annoncée dès octobre 2023. L’objectif affiché est de recentrer ses efforts et ses investissements sur le développement de médicaments innovants, généralement plus lucratifs que les produits grand public. Cette réorientation stratégique vise à renforcer la position de Sanofi dans les domaines de pointe de la recherche pharmaceutique, tout en lui permettant de dégager des fonds substantiels pour financer cette ambition.
Opella : un acteur majeur de la santé grand public
Opella, avec ses 11 000 salariés répartis dans 150 pays, représente un acteur incontournable du marché de la santé grand public. Son portefeuille impressionnant compte plus d’une centaine de marques, dont certaines sont des noms familiers dans de nombreux foyers. Outre le célèbre Doliprane, on peut citer le Dulcolax, la Lysopaïne, ou encore le Maalox. Ces produits, présents dans les armoires à pharmacie de millions de consommateurs, témoignent de l’ancrage profond d’Opella dans le quotidien des patients du monde entier.
La performance financière d’Opella est à la hauteur de sa renommée. Avec un chiffre d’affaires de 5,2 milliards d’euros en 2023, la filiale démontre sa solidité et son potentiel de croissance. Sa présence internationale est particulièrement notable, avec les États-Unis comme premier marché, représentant 24% de son chiffre d’affaires. Cependant, les ventes sur le marché américain ont connu une légère baisse de 0,9% en 2023, s’établissant à 1,247 milliard d’euros. Pour contrer cette tendance, Opella a fait l’acquisition de Qunol en septembre 2023 pour 1,4 milliard de dollars, renforçant ainsi sa position outre-Atlantique. L’Europe n’est pas en reste, représentant 30% des ventes d’Opella, avec la France comme deuxième marché mondial, principalement grâce au Doliprane.
🚨 Un fonds américain attaque la sécurité sanitaire française !
— MoneyRadar (@MoneyRadar_FR) October 11, 2024
Sanofi vient de céder le contrôle de plus de 100 médicaments sans ordonnance, dont notre emblématique #Doliprane. 😱
Le prix ?👇
15,5 MILLIARDS € !
Cette vente massive fragilise dangereusement notre autonomie… pic.twitter.com/E7s5IhW6Mb
Le Doliprane occupe une place particulière dans le paysage pharmaceutique français. Médicament le plus consommé en France, il est devenu au fil des années un véritable pilier de la santé publique. Son importance a été particulièrement mise en lumière lors de la pénurie de paracétamol (son principe actif) qui a frappé le pays fin 2022.
Les enjeux stratégiques et politiques de la transaction
L’annonce de la cession d’Opella à un fonds américain n’a pas manqué de faire réagir le gouvernement français. Marc Ferracci, ministre de l’Industrie, a rapidement pris acte de la décision de Sanofi, tout en soulignant l’importance stratégique de ce dossier. Bien que qualifiant CD&R de « fonds d’investissement sérieux », le gouvernement a clairement exprimé ses exigences. Parmi celles-ci figurent le maintien du siège et des centres de décision d’Opella en France, ainsi que la préservation de l’empreinte industrielle française de l’entreprise. Ces demandes visent à garantir la souveraineté sanitaire du pays et à protéger les emplois liés à la production de médicaments essentiels comme le Doliprane.
Si le gouvernement ne s’oppose pas par principe à l’arrivée de capitaux étrangers, il reste vigilant quant aux implications à long terme de telles opérations. L’enjeu est de taille : maintenir une capacité de production nationale pour des médicaments stratégiques tout en restant attractif pour les investissements internationaux. Le cas d’Opella pourrait ainsi servir de test pour l’équilibre délicat entre ouverture économique et protection des intérêts nationaux dans un secteur aussi sensible que la santé.
L’arrivée de CD&R à la tête d’Opella ouvre un nouveau chapitre pour l’entreprise. Le fonds américain, reconnu pour son expertise dans la gestion d’entreprises de santé, pourrait apporter un nouveau dynamisme à Opella. Cependant, la structure de l’accord, qui prévoit que Sanofi conserve environ 50% du capital pendant quelques années, assure une certaine continuité. De plus, l’entrée annoncée de Bpifrance au capital à moyen terme devrait permettre de maintenir un ancrage français dans la gouvernance de l’entreprise. L’avenir dira si cette nouvelle configuration permettra à Opella de renforcer sa position sur le marché mondial de la santé grand public tout en préservant son héritage français.
