Résumé :
- Pernod Ricard affiche des améliorations séquentielles en volumes mais reste à la traîne par rapport à ses concurrents, avec une sous-performance notable aux États-Unis malgré un marché en croissance.
- La Chine représente un défi majeur avec des baisses régionales d’environ 25% et des droits de douane sur le Cognac, contribuant à un déclin global de 7% au premier semestre.
- Malgré le contexte difficile, l’entreprise a réussi à améliorer sa marge opérationnelle de 65 points de base grâce à un programme d’efficacité de 900 millions d’euros.
- La direction considère 2025 et 2026 comme des années de transition, avec un retour à la croissance attendu seulement en 2027.
- Le titre se négocie à des multiples inférieurs à ses pairs (11x EV/EBITDA contre 15x en moyenne), reflétant ces perspectives incertaines et soulevant des questions sur les défis structurels potentiels du secteur.
Un portefeuille prestigieux mais des ventes en berne
Avec un arsenal impressionnant de marques internationales – Ballantine’s, Chivas, Jameson, Malibu, Ricard, Havana Club, Perrier-Jouët et Absolut Vodka – Pernod Ricard possède l’un des portefeuilles les plus enviables du secteur. La famille Ricard reste d’ailleurs solidement ancrée à la tête de l’actionnariat avec une participation de 14,27%.
Pourtant, les chiffres récents ne font pas rêver. Bien que l’on observe quelques améliorations séquentielles en termes de volumes sur les quatre derniers trimestres, les performances globales restent inférieures à celles des concurrents. Plus inquiétant encore, le groupe sous-performe aux États-Unis, un marché pourtant en croissance où d’autres acteurs du secteur tirent leur épingle du jeu.
La Chine, un cauchemar pour le luxe français
C’est peut-être en Chine que la situation est la plus préoccupante. Les produits de luxe du groupe y subissent une véritable douche froide avec des baisses régionales avoisinant les 25%. À cela s’ajoutent les droits de douane sur le Cognac, imposés en représailles aux tarifs européens sur les véhicules électriques chinois. Au total, le déclin sur le premier semestre atteint 7%.
« La pression macroéconomique générale en Chine a considérablement affecté nos produits de luxe », peut-on lire entre les lignes des rapports du groupe. Un euphémisme pour décrire une situation qui ne semble pas près de s’améliorer.
Des marges qui résistent malgré tout
Dans ce paysage morose, Pernod Ricard peut tout de même se targuer d’avoir amélioré sa marge opérationnelle de 65 points de base au premier semestre. Une prouesse notable quand on sait que le chiffre d’affaires a chuté de plusieurs points sur la même période.
Cette performance s’explique par un programme d’efficacité de 900 millions d’euros lancé en 2023. Malheureusement, ces progrès sont partiellement effacés par des coûts financiers plus élevés, conséquence d’une dette importante et de refinancements coûteux.
La menace Trump moins inquiétante que prévu ?
Bonne nouvelle dans ce tableau morose : les risques liés aux tarifs douaniers semblent plus limités qu’on ne pourrait le craindre. Selon le directeur financier du groupe, l’impact potentiel des droits de douane – y compris ceux qui pourraient être imposés par l’administration Trump sur le Mexique, la Chine, le Canada et l’UE – se chiffrerait à environ 200 millions d’euros par an, soit moins de 2% du chiffre d’affaires annuel.
Ces tarifs toucheraient principalement la tequila, les whiskies canadiens et d’autres marques à base d’agave importées aux États-Unis depuis les pays voisins. Un coup dur, certes, mais pas catastrophique.
Des perspectives en demi-teinte
La direction de Pernod Ricard ne cache pas sa prudence pour l’avenir proche. Malgré les améliorations séquentielles, l’exercice fiscal 2025 en cours et l’année 2026 sont clairement identifiés comme des années de transition. Selon les prévisions internes, il faudra attendre 2027 pour espérer un véritable retour à la croissance.
Cette vision à long terme explique probablement pourquoi le titre de Pernod Ricard se négocie actuellement à des multiples inférieurs à ceux de ses concurrents européens : environ 11 fois l’EV/EBITDA contre une moyenne de 15 pour le secteur, et un ratio cours/bénéfice prévisionnel de 15 contre 25 pour ses pairs.
Un secteur face à des défis structurels
Au-delà des difficultés propres à Pernod Ricard, c’est tout le secteur des spiritueux qui semble confronté à des vents contraires. Les préférences des consommateurs évoluent dans les marchés occidentaux, tandis que la concurrence s’intensifie et que le « downtrading » (passage à des produits moins chers) gagne du terrain, particulièrement sur les marchés émergents.
La question qui se pose alors est de savoir si ces défis sont simplement conjoncturels ou s’ils reflètent un changement plus profond et durable des habitudes de consommation. Dans ce dernier cas, même les valorisations actuelles pourraient sembler élevées, surtout comparées à celles d’autres secteurs « de vice » comme le tabac ou les jeux d’argent en ligne, qui offrent des multiples bien plus attractifs malgré leur potentiel de croissance.
Pernod Ricard, un verre à moitié vide ou à moitié plein ?
Pour les investisseurs, Pernod Ricard représente aujourd’hui une opportunité de valorisation relative dans le secteur des spiritueux, mais avec des perspectives de croissance qui restent floues à court terme. La solidité de son portefeuille de marques et sa capacité à améliorer ses marges malgré un contexte difficile plaident en sa faveur.
Cependant, les incertitudes structurelles qui pèsent sur l’ensemble du secteur des spiritueux, conjuguées aux défis spécifiques du groupe sur des marchés clés comme la Chine et les États-Unis, incitent à la prudence.
Dans ce contexte, la patience semble être la meilleure alliée pour qui souhaite miser sur le géant français des spiritueux. Une chose est sûre : il faudra plus qu’un petit remontant pour que Pernod Ricard retrouve pleinement sa superbe d’antan.