Résumé :
- Fidelity Investments a déposé auprès de la SEC un dossier pour créer une classe d’actions tokenisées de son Treasury Digital Fund sur la blockchain Ethereum.
- Ce fonds investit principalement dans des bons du Trésor américain à court terme (au moins 80% de ses actifs) et des liquidités.
- Selon les dirigeants de Fidelity, la tokenisation permettra d’améliorer l’efficacité des transactions, l’accès au capital et d’offrir de nouvelles possibilités comme l’utilisation d’actifs tokenisés en tant que garantie.
- Cette initiative s’inscrit dans une tendance plus large, avec des protocoles d’actifs du monde réel (RWA) ayant récemment dépassé 10 milliards de dollars en valeur totale verrouillée.
- D’autres institutions comme BlackRock et Franklin Templeton ont déjà lancé des initiatives similaires dans le domaine des actifs tokenisés.
Cette annonce, qui pourrait sembler anodine aux yeux du grand public, représente en réalité une évolution majeure dans l’adoption institutionnelle de la blockchain. Explications.
Un pas de géant pour la tokenisation des actifs réels
Le Treasury Digital Fund de Fidelity, qui investit principalement dans des bons du Trésor américain à court terme et des liquidités, sera désormais accessible sous forme de tokens sur la blockchain Ethereum.
Ce fonds, qui s’échange actuellement sous le ticker FYHXX à la Bourse de New York, place au moins 80% de ses actifs dans des bons du Trésor américain – considérés comme les actifs les plus sûrs au monde. En tokenisant ces actifs « premiers de la classe », Fidelity envoie un signal fort au marché.
« Nous voyons dans la tokenisation un potentiel de transformation pour l’industrie des services financiers en stimulant l’efficacité des transactions, l’accès et l’allocation des capitaux sur les marchés »
Cynthia Lo Bessette, responsable de la gestion des actifs numériques chez Fidelity.
Pourquoi tokeniser des bons du Trésor américain ?
À première vue, on pourrait se demander l’intérêt de représenter sur blockchain des actifs aussi traditionnels que des bons du Trésor. La réponse tient en trois mots-clés : efficacité, accessibilité et innovation.
Selon une source proche du dossier, cette démarche permettrait notamment de :
- Réduire considérablement les coûts de transaction
- Diminuer les risques de marché
- Élargir l’accès des investisseurs à ces marchés
- Augmenter la liquidité globale
- Permettre le trading 24h/24, 7j/7
- Assurer un règlement instantané des transactions
Plus concrètement, imaginez la possibilité d’utiliser ces actifs tokenisés comme garantie non monétaire pour satisfaire des exigences de marge. Cette simple application pourrait révolutionner les infrastructures opérationnelles du secteur financier.
Une concurrence qui s’intensifie
Fidelity n’est pas le seul mastodonte à s’intéresser à ce marché en pleine expansion. Les protocoles d’actifs du monde réel (RWA ou Real World Assets) viennent récemment de franchir la barre symbolique des 10 milliards de dollars en valeur totale verrouillée.
Le fonds BUIDL de BlackRock, lancé en mars dernier, représente déjà 1,2 milliard de dollars de cette valeur. De son côté, Franklin Templeton a déjà activé les transferts pair-à-pair pour son propre fonds monétaire tokenisé.
« En numérisant des actifs sur une blockchain, la propriété fractionnée devient également possible« , explique Timo Lehes, co-fondateur de la plateforme allemande Swarm, spécialisée dans le trading d’actifs tokenisés. « Cela permet aux petits investisseurs d’acquérir des actifs de grande valeur avec des mises de fonds bien plus accessibles. »
Un futur encore incertain mais prometteur
Pour l’instant, Fidelity précise qu’il n’existe aucun accord pour rendre les actions tokenisées disponibles sur les marchés secondaires, mais cette possibilité reste ouverte pour l’avenir.
Le géant américain maintiendra en parallèle un registre officiel des propriétaires d’actions « sous forme d’inscription en compte », tout en réconciliant ces données avec les enregistrements blockchain.
Cette double approche illustre bien la phase de transition que traverse actuellement le secteur financier : un pied dans le monde traditionnel, l’autre dans l’univers blockchain.
Une révolution silencieuse en marche
Si les grandes institutions financières s’intéressent autant à la tokenisation, c’est qu’elles y voient bien plus qu’une simple tendance technologique. La programmabilité offerte par les smart contracts (ou contrats intelligents) pourrait transformer radicalement certains processus financiers, notamment l’automatisation des dividendes ou la mise en conformité directement sur la blockchain.
Pour les investisseurs français qui suivent ces développements, l’initiative de Fidelity offre un aperçu fascinant de l’avenir potentiel de la finance. La tokenisation des actifs du monde réel pourrait bien être la passerelle qui connectera définitivement la finance traditionnelle et la finance décentralisée.
Reste à voir si les régulateurs européens, notamment l’AMF, emboîteront le pas à leurs homologues américains pour permettre des innovations similaires sur le Vieux Continent.