Résumé :
- Altice USA perd 37 000 abonnés haut débit au T1 2025, soit plus de la moitié des pertes de Charter malgré une base client huit fois plus petite
- Exclu de l’accord historique Comcast-Charter-Verizon de 2008, Altice ne compte que 500 000 lignes mobiles contre 10 millions pour Charter, avec un taux de pénétration dérisoire de 6%
- Malgré des renégociations de contenu réussies (baisse MSG Networks de 10$ à 8$ par abonné) et le lancement de nouveaux services, l’entreprise ne parvient pas à enrayer sa chute
- L’évolution du marché vers des offres convergentes condamne les opérateurs sans accès mobile compétitif, plaçant Altice dans un cercle vicieux de pertes d’abonnés
- Seul un rachat par Charter ou Comcast pourrait sauver Altice, mais les chevauchements géographiques compliquent l’approbation réglementaire de cette solution de dernier recours
Altice USA fait face à une hémorragie d’abonnés qui révèle les failles profondes de son modèle économique. Au premier trimestre 2025, l’entreprise a perdu 37 000 abonnés haut débit, un chiffre qui représente plus de la moitié des pertes de Charter Communications malgré une base client huit fois plus petite. Cette performance désastreuse place Altice dans une situation plus critique que Comcast, pourtant confronté à ses propres difficultés avec 199 000 départs d’abonnés.
Un handicap mobile structurel qui plombe la croissance
Le véritable problème d’Altice ne réside pas dans ses infrastructures haut débit mais dans son positionnement mobile catastrophique. L’entreprise paie aujourd’hui le prix de décisions stratégiques prises il y a quinze ans, quand ses prédécesseurs ont refusé de participer aux enchères de spectre qui ont permis à Comcast et Charter de sécuriser un accord révolutionnaire avec Verizon.
Cet accord de 2008 offre aux deux géants du câble un accès perpétuel au réseau Verizon dans des conditions exceptionnelles, en échange du spectre nécessaire au déploiement de la 4G LTE. Altice, exclu de cette manne, s’est rabattu sur un accord de revente avec Sprint, désormais intégré à T-Mobile, dans des conditions bien moins favorables.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : Altice peine à dépasser les 500 000 lignes mobiles quand Charter en revendique plus de 10 millions. Le taux de pénétration mobile d’Altice stagne à 6% de ses foyers haut débit, un niveau dérisoire qui témoigne de l’inadéquation de son offre face à la concurrence.
Des initiatives palliatives face à l’urgence financière
Le nouveau management tente de colmater les brèches par des mesures d’urgence. La renégociation musclée des contrats de contenu a porté ses fruits, notamment avec MSG Networks où Altice a obtenu une baisse tarifaire de 10 à 8 dollars par abonné et l’élimination de l’obligation de diffusion en bouquet de base. Ces blackouts assumés marquent une rupture avec la stratégie précédente qui privilégiait le maintien des contenus à tout prix.
L’entreprise lance parallèlement de nouveaux services pour diversifier ses revenus. « Whole Home WiFi » facturé 10 dollars mensuels propose des routeurs plus performants, tandis que « Connection Backup » cible les entreprises avec une solution de sauvegarde cellulaire à 30 dollars par mois. Ces initiatives restent néanmoins marginales face à l’ampleur des défis structurels.
Un modèle économique fragilisé par la convergence
L’évolution du marché télécoms vers la convergence fixe-mobile expose crûment les faiblesses d’Altice. Les frontières entre services filaires et sans fil s’estompent, rendant indispensable une offre mobile compétitive pour conserver les abonnés haut débit. Cette réalité condamne les opérateurs incapables de proposer des services mobiles attractifs, faute d’accords de revente avantageux.
La stabilisation récente de l’ARPU haut débit résidentiel d’Altice, en hausse de 2,4% en glissement annuel, ne suffit pas à compenser cette faiblesse structurelle. L’entreprise reste prisonnière d’un cercle vicieux où ses tarifs mobiles peu compétitifs alimentent la fuite d’abonnés vers des concurrents proposant des offres convergentes.
Fusion ou disparition : l’alternative cornélienne
Altice se trouve dans une impasse stratégique où seule une fusion semble pouvoir la sauver. Charter et Comcast, forts de leur accord Verizon, constituent les seuls partenaires capables d’offrir à Altice l’accès mobile indispensable à sa survie. Cette dépendance place l’entreprise dans une position de faiblesse extrême lors d’éventuelles négociations.
Les obstacles réglementaires compliquent cette option de sortie. Contrairement à Cox Communications, dont le rachat par Charter bénéficie de zones de service distinctes, Altice présente des chevauchements géographiques significatifs avec les géants du câble. Ces recoupements risquent de susciter l’opposition des autorités antitrust, même dans le contexte actuel d’application relativement souple de la réglementation.
L’hypothèse d’un partenariat avec EchoStar, en quête de liquidités, reste peu crédible compte tenu des difficultés de déploiement du réseau de cet opérateur satellite. Cette option n’offrirait pas les garanties techniques et commerciales nécessaires à un redressement durable.
Perspectives sombres pour les investisseurs
L’action Altice USA, qui ne vaut plus que 5% de sa valorisation lors des précédentes recommandations négatives, reflète la défiance des marchés. Cette chute vertigineuse témoigne de la prise de conscience progressive des investisseurs face aux défis insurmontables de l’entreprise.
Les tentatives de diversification via de nouveaux services peinent à convaincre. « Whole Home WiFi » risque de souligner les carences des équipements de base d’Altice, tandis que « Connection Backup » expose l’entreprise à la concurrence directe des opérateurs mobiles qui pourraient reprendre ce marché en main.
La trajectoire d’Altice illustre les conséquences dramatiques de choix stratégiques défaillants dans un secteur en mutation accélérée. Sans accès privilégié aux réseaux mobiles, l’entreprise semble condamnée à un déclin inexorable, faisant d’une éventuelle fusion sa dernière carte à jouer dans un jeu où elle ne maîtrise plus les règles.
