La Chine raffole du Boeing 737 MAX : analyse d’un retour en grâce inattendu

L'avion qui devait être banni du ciel chinois fait un come-back spectaculaire. Malgré les tensions géopolitiques et les défis industriels, Boeing reprend pied dans l'Empire du Milieu avec son 737 MAX. Décryptage d'une renaissance qui défie tous les pronostics.

Boeing 737 MAX Chine

Résumé :

  • Malgré les tensions géopolitiques, les livraisons de Boeing 737 MAX à la Chine ont repris, avec 59 avions livrés sur les 85 prévus depuis début 2024.
  • Boeing maintient une part de marché solide de 47% des livraisons d’avions monocouloirs en Chine sur les 12 derniers mois, contredisant les prédictions d’un pivot complet vers Airbus.
  • La Chine continue d’avoir besoin du 737 MAX pour répondre à sa demande croissante de voyages aériens, les compagnies chinoises exploitant désormais 154 appareils.
  • Le nouveau PDG Kelly Ortberg a amélioré la transparence et mis en place un cadre basé sur des indicateurs de performance pour redresser Boeing après des années difficiles.
  • Les relations sino-américaines influencent le rythme des livraisons, comme l’a montré le ralentissement observé lors de la visite du Congrès américain à Taïwan.

Le renouveau de Boeing sous la houlette d’Ortberg

Difficile d’imaginer pire scénario pour Boeing ces dernières années. Entre les crashs du 737 MAX, la pandémie et les problèmes de production, le géant américain semblait au bord du gouffre. Mais un vent nouveau souffle sur l’entreprise depuis l’arrivée aux commandes de Kelly Ortberg.

Contrairement à son prédécesseur David Calhoun, qui n’avait pas réussi à redresser la barre, Ortberg imprime sa marque avec une stratégie claire : transparence accrue et mise en place d’indicateurs de performance rigoureux pour augmenter la production tout en maintenant la qualité.

Cette nouvelle approche commence à porter ses fruits, notamment sur le marché chinois, pourtant réputé impénétrable depuis la crise du 737 MAX.

La Chine et le 737 MAX : une histoire mouvementée

Souvenez-vous : en 2019, la Chine avait été l’un des premiers pays à clouer au sol le 737 MAX après les accidents mortels de Lion Air et d’Ethiopian Airlines. À l’époque, 95 appareils opéraient déjà dans le ciel chinois.

Ironie du sort, la Chine a aussi été le dernier pays à autoriser le retour en service de l’appareil, attendant début 2023 pour donner son feu vert. Une manœuvre qui sentait bon la stratégie politique, dans un contexte de tensions commerciales croissantes avec les États-Unis et de crispations autour de la question taïwanaise.

La pandémie a d’ailleurs servi d’excuse parfaite pour retarder cette décision : pourquoi se presser quand la demande intérieure pour les voyages aériens était au point mort ?

Lire aussi :  L'industrie automobile européenne prise au piège : des millions d'euros vont s'envoler vers la Chine en 2025

Un retournement de situation spectaculaire

Ce qui semblait être un blocage définitif s’est pourtant transformé en opportunité pour Boeing. Face à l‘explosion de la demande post-Covid, les compagnies aériennes chinoises se sont retrouvées dans une position délicate : elles avaient besoin d’avions, et vite.

Boeing a joué finement ses cartes en exerçant une pression calculée. La menace de remettre sur le marché 120 Boeing 737 MAX initialement destinés à la Chine a fonctionné comme un puissant levier de négociation. Message implicite : ces avions iront ailleurs si vous n’en voulez pas.

Résultat ? Non seulement les 95 appareils déjà présents en Chine ont tous repris du service avant fin 2023, mais les nouvelles livraisons ont commencé à affluer en 2024.

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes

Les données sont éloquentes. Fin février 2025, la flotte chinoise de 737 MAX comptait 154 appareils en service, totalisant plus de 250 000 vols et près de 700 000 heures de vol. Les nouveaux appareils livrés représentent déjà 18% de ces heures de vol, contribuant à une croissance de 35% du temps de vol total de la flotte.

Le rythme des livraisons a connu quelques soubresauts, notamment entre mai et juillet 2024, période qui coïncidait, surprise, avec une visite controversée de représentants du Congrès américain à Taïwan. La grève chez Boeing a également ralenti la cadence. Malgré ces obstacles, 9 appareils ont été livrés en janvier et février 2025, portant le total à 59 sur les 85 appareils en attente de livraison début 2024.

Pourquoi la Chine ne peut pas se passer de Boeing

Contrairement aux prédictions alarmistes annonçant que la Chine se détournerait définitivement de Boeing au profit d’Airbus et du C919 fabriqué localement, la réalité du terrain raconte une tout autre histoire.

Sur les 12 derniers mois, Boeing a assuré 47% des livraisons d’avions monocouloirs aux compagnies chinoises. Un chiffre qui pulvérise la théorie selon laquelle Airbus « mange le déjeuner » de Boeing sur ce marché stratégique.

Cette situation s’explique par trois facteurs clés :

  1. La demande chinoise pour les voyages aériens explose, et les taux d’utilisation des avions actuels approchent leurs limites.
  2. Ni Airbus ni COMAC (avec son C919) ne disposent de la capacité de production nécessaire pour répondre seuls à cette demande.
  3. La reconversion des pilotes de Boeing vers Airbus représenterait un défi logistique et financier colossal.
Lire aussi :  Evergrande : Les liquidateurs passent à l'offensive, PwC dans la tourmente
Intérieur du Boeing 737 MAX

L’équilibre pragmatique de la Chine

Ce qui se dessine sous nos yeux est l’illustration parfaite du pragmatisme chinois en matière de politique commerciale. Malgré les tensions géopolitiques, Pékin continue de jouer sur les deux tableaux, maintenant un équilibre délicat entre Boeing et Airbus.

Cette stratégie n’est pas nouvelle. La Chine a toujours pris soin de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier aéronautique, utilisant habilement la concurrence entre les deux géants pour obtenir de meilleures conditions.

Les récentes livraisons de 737 MAX témoignent également du rôle crucial que joue Boeing dans l’équation commerciale sino-américaine. Ces transactions contribuent à réduire le déficit commercial des États-Unis vis-à-vis de la Chine, un point particulièrement sensible dans les relations bilatérales.

Des perspectives encourageantes mais fragiles

Pour Boeing, ces signaux positifs arrivent à point nommé. L’entreprise doit encore réduire son impressionnant inventaire de 83 milliards de dollars et augmenter sa production pour retrouver une santé financière solide.

La reprise des livraisons à la Chine s’inscrit dans cette dynamique de redressement, même si des nuages persistent à l’horizon. Une intensification de la guerre commerciale entre Washington et Pékin pourrait rapidement inverser la tendance.

Néanmoins, l’histoire récente nous enseigne une leçon précieuse : même dans les périodes de forte tension diplomatique, la Chine a continué à accepter les livraisons de Boeing. La raison est simple : elle en a besoin.

Un mariage de raison qui perdure

Loin des postures médiatiques et des déclarations fracassantes, le partenariat entre Boeing et la Chine s’apparente à un mariage de raison que ni l’un ni l’autre ne peut se permettre de rompre complètement.

Pour les investisseurs qui suivent Boeing, surveiller le flux des livraisons vers la Chine reste un indicateur précieux, tant pour évaluer la santé de l’entreprise que pour prendre le pouls des relations sino-américaines.

À moins d’un effondrement économique mondial majeur, tout porte à croire que nous continuerons à voir des 737 MAX arborer les couleurs des compagnies chinoises dans le ciel asiatique. Un pari que peu auraient osé faire il y a encore deux ans.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

×
RÉDIGE TON AVIS

Retour en haut