Résumé :
- Les sociétés d’autoroute ont atteint leur seuil de rentabilité avec 6 ans d’avance
- Vinci Autoroutes représente 43% du résultat net du groupe pour seulement 9% de son chiffre d’affaires
- 25% des ouvrages d’art du réseau risquent une dégradation rapide
- Le Sénat propose des concessions plus courtes de 15 à 20 ans avec contrôle quinquennal
Le modèle économique des sociétés d’autoroute françaises fait à nouveau débat. Dans un rapport explosif publié ce mercredi 23 octobre, la commission des finances du Sénat tire la sonnette d’alarme sur la rentabilité excessive de ces entreprises qui gèrent un réseau estimé à 194 milliards d’euros. Alors que les contrats de concession approchent de leur terme, les parlementaires appellent à une réforme en profondeur du système.
Une rentabilité record qui interroge
La « surrentabilité » des sociétés d’autoroute n’est plus un secret. Les principaux acteurs du secteur – Sanef, APRR et Vinci Autoroutes – ont atteint leur seuil de rentabilité entre 2023 et 2024, soit plus de six ans avant les prévisions initiales. Cette performance financière exceptionnelle devrait leur permettre d’engranger pas moins de 40 milliards d’euros de bénéfices supplémentaires d’ici la fin des contrats.
Le cas de Vinci Autoroutes illustre parfaitement cette situation. La filiale autoroutière représente seulement 9% du chiffre d’affaires du groupe, mais génère 43% de son résultat net. « On peut donc dire que l’activité autoroutière est un peu la vache à lait du groupe », souligne le sénateur Hervé Maurey, rapporteur et spécialiste des questions de transport.
Cette surperformance trouve son origine dans une gestion financière opportuniste. Les sociétés ont su tirer profit d’un contexte de taux d’intérêt historiquement bas pour optimiser le refinancement de leurs dettes. Par ailleurs, l’Autorité de régulation des transports (ART) pointe du doigt des hausses de péages « injustifiées » pour un montant de 500 millions d’euros depuis 2016.
Les défis majeurs pour l’avenir du réseau
Au-delà des questions de rentabilité, l’état du réseau soulève de vives inquiétudes. Le rapport sénatorial révèle qu’un quart des ouvrages d’art pourrait se dégrader très rapidement dans les années à venir. Une situation d’autant plus préoccupante que la notion même de « bon état » des infrastructures, condition sine qua non de leur restitution à l’État, fait l’objet d’un profond désaccord entre l’État et l’autorité de régulation.
La remise en état du réseau représente un enjeu financier considérable, estimé à près de 2 milliards d’euros par l’ART. « S’il y a un point sur lequel on ne peut pas faire grief aux concessionnaires, c’est l’entretien courant du réseau. Mais il faut distinguer l’entretien courant de l’état des structures », précise Hervé Maurey. « Certains ponts sont dans un bon état d’usage mais présentent déjà des signes de fatigue, qui indiquent qu’il faudra faire, dans dix ans, des travaux importants. »
Les solutions proposées par le Sénat
Face à ces constats, les sénateurs préconisent une refonte en profondeur du modèle concessif. Première proposition phare : la mise en place de concessions plus courtes, d’une durée de quinze à vingt ans, contre trente à soixante-quinze ans actuellement. Ces contrats feraient l’objet d’un réexamen tous les cinq ans, permettant ainsi un meilleur contrôle de leur exécution.
L’hypothèse d’une reprise en main directe par l’État a été écartée en raison de son coût prohibitif, estimé entre 40 et 50 milliards d’euros. En revanche, le rapport suggère de réorienter une part des recettes des péages vers le financement de la transition écologique, anticipant une baisse des investissements routiers avec le développement des mobilités durables.
Le Sénat plaide également pour un renforcement significatif du cahier des charges imposé aux sociétés concessionnaires. L’objectif est double : garantir un meilleur entretien des infrastructures et s’assurer que les travaux de rénovation nécessaires seront effectués avant la fin des contrats. Une exigence d’autant plus importante que le suivi économique et financier des concessions est resté « quasi inexistant » jusqu’à présent.