Résumé :
- Sun Hung Kai a vendu 204 appartements en un seul jour à prix cassés
- Les unités ont été cédées 38% en dessous du coût de revient estimé
- Cette braderie répond à une surabondance alarmante de logements à Hong Kong
- Les promoteurs immobiliers sont contraints de déstocker massivement
- 584 logements supplémentaires sont en construction dans une deuxième phase du projet
Une vente à perte sans précédent
Le samedi 5 octobre 2024 restera gravé dans les annales de l’immobilier hongkongais. Sun Hung Kai, le plus important promoteur de Hong Kong, a mis en vente 300 unités de son projet Cullinan Sky Phase 1, situé dans la zone de Kai Tak, l’ancien aéroport de la ville. En moins de 24 heures, 204 appartements ont trouvé preneurs, mais à quel prix ?
Les appartements, principalement des deux pièces allant de 236 à 559 pieds carrés (22 à 52 m²), ont été cédés à des prix oscillant entre 4,74 et 12,28 millions de dollars hongkongais (545 000 à 1,4 million d’euros). Cela représente un prix au mètre carré de 17 015 à 24 284 HK$ (1 950 à 2 790 euros), soit une décote de 20% par rapport aux projets similaires dans la zone.
Mais le plus alarmant est que ces prix sont estimés être 38% inférieurs au seuil de rentabilité du projet. En d’autres termes, Sun Hung Kai a délibérément choisi de vendre à perte, une décision qui aurait été impensable il y a encore quelques années.
Pour mettre ces chiffres en perspective, rappelons que Sun Hung Kai avait acquis le terrain de Kai Tak en 2018 pour la somme astronomique de 25,2 milliards de dollars hongkongais (2,9 milliards d’euros), un record à l’époque. Cette braderie représente donc une perte colossale pour le promoteur, qui pourrait se chiffrer en centaines de millions d’euros.
« Cette vente à perte est un signal fort envoyé au marché. Sun Hung Kai préfère encourir des pertes maintenant plutôt que de risquer une situation encore pire à l’avenir. »
Louis Chan Wing-kit, directeur général de la division résidentielle de Centaline Property Agency
Les raisons de ce sacrifice immobilier
Cette décision drastique de Sun Hung Kai n’est pas le fruit du hasard, mais la conséquence d’une conjonction de facteurs qui étranglent le marché immobilier hongkongais.
En premier lieu, Hong Kong fait face à une surabondance de logements sans précédent. Le stock de propriétés invendues est au plus haut depuis deux décennies, créant une pression énorme sur les promoteurs pour déstocker à tout prix. Cette situation est le résultat d’années de construction frénétique, stimulée par des prix immobiliers stratosphériques qui semblaient ne jamais devoir redescendre.
🚨 204 appartements sacrifiés en 1 jour 🚨
— MoneyRadar (@MoneyRadar_FR) October 7, 2024
Le plus grand promoteur de Hong Kong, Sun Hung Kai a été forcé de brader ses biens pour éviter la catastrophe.
Tous les appartements ont été vendus à perte, 38% sous le coût de revient.
Une solution de dernier recours face à une… pic.twitter.com/5JfKHKjKOn
Parallèlement, la demande s’est effondrée. Le ralentissement économique global, les tensions géopolitiques et la crise sanitaire ont considérablement refroidi l’ardeur des investisseurs, notamment ceux venant de Chine continentale qui représentaient une part importante des acheteurs.
Sammy Po Siu-ming, PDG de la division résidentielle de Midland Realty, explique : « La nouvelle baisse des taux d’intérêt et la hausse récente du marché boursier à Hong Kong ont accéléré le désir des acheteurs d’entrer sur le marché. Cependant, cela ne suffit pas à absorber l’excès d’offre. »
Les conséquences pour le marché immobilier
La décision de Sun Hung Kai pourrait avoir des répercussions en cascade sur l’ensemble du marché immobilier hongkongais.
D’abord, elle risque de créer un effet domino. Les autres promoteurs pourraient être contraints de suivre le mouvement et de baisser drastiquement leurs prix pour rester compétitifs. Cela pourrait déclencher une spirale déflationniste dangereuse pour l’ensemble du secteur.
Ensuite, cette braderie pourrait paradoxalement stimuler la demande à court terme. Les acheteurs, attirés par ces prix attractifs, pourraient se précipiter pour profiter de l’aubaine. D’ailleurs, parmi les acheteurs du Cullinan Sky, environ 40% venaient de Chine continentale et 50 à 60% étaient de jeunes acheteurs, signe que ces prix bas attirent de nouvelles catégories d’acheteurs.
Cependant, à long terme, cette situation pourrait saper la confiance des investisseurs dans l’immobilier hongkongais, longtemps considéré comme une valeur refuge.
Pour Sun Hung Kai, le calvaire est loin d’être terminé. Le promoteur a encore 584 logements supplémentaires en construction dans une deuxième phase du projet Cullinan Sky. La question qui se pose maintenant est de savoir comment le groupe va gérer cette deuxième phase.
Plusieurs stratégies s’offrent à lui : poursuivre la politique de prix bas pour écouler rapidement le stock, retarder la mise sur le marché en espérant une amélioration de la conjoncture, ou encore revoir complètement la conception du projet pour l’adapter à la nouvelle réalité du marché.