Clash budgétaire : La Cour des comptes dézingue la stratégie de Bruno Le Maire

La publication du rapport annuel de la Cour des comptes met le feu aux poudres à Bercy. Tandis que les magistrats financiers dressent un constat alarmant des finances publiques françaises, Bruno Le Maire contre-attaque. Entre prévisions controversées et stratégie fiscale contestée, le ministre de l'Économie se retrouve dans la tourmente. Décryptage d'un affrontement qui pourrait redessiner la politique économique française.

Deficit Bruno LeMaire vs la Cour des comptes
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Résumé :

  • La Cour des comptes publie un rapport critique sur la gestion budgétaire du gouvernement
  • Le déficit public a dérapé à 5,5% du PIB en 2023, au lieu des 4,9% prévus
  • Bruno Le Maire défend sa stratégie et conteste l’analyse de la Cour des comptes
  • Les baisses d’impôts non compensées et la sous-estimation des recettes sont pointées du doigt
  • Le ministre reste inflexible face aux appels à l’augmentation des impôts

Le 15 juillet 2024, la Cour des comptes a lâché une véritable bombe dans le paysage économique français. Son rapport annuel sur les finances publiques sonne comme un désaveu cinglant de la politique menée par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie. 

Au cœur de cette controverse : un déficit public qui a dérapé à 5,5% du PIB en 2023, bien loin des 4,9% initialement prévus. Face à ces critiques, le locataire de Bercy ne compte pas se laisser faire et riposte avec vigueur. Ce bras de fer entre l’institution garante des finances publiques et le gouvernement pourrait bien redéfinir les contours de la politique économique française pour les années à venir.

Finances publiques : le diagnostic alarmant des magistrats financiers

Le rapport de la Cour des comptes ne fait pas dans la dentelle. Les magistrats financiers pointent du doigt plusieurs aspects de la gestion budgétaire du gouvernement. Tout d’abord, ils remettent en question l’optimisme affiché par Bruno Le Maire concernant les prévisions de croissance. Pour 2024, alors que le ministre table sur une croissance de 1%, la Cour estime que ce chiffre est encore trop élevé, et ce malgré les prévisions de l’Insee qui s’alignent sur celles du gouvernement.

Graphique des prévisions de croissance – Source : La Cour des comptes

Mais la critique la plus cinglante concerne la stratégie fiscale du gouvernement. Les magistrats soulignent que les 62 milliards d’euros de baisses d’impôts accordées depuis 2018 n’ont pas été compensées par des économies sur les dépenses. Cette politique aurait, selon eux, largement contribué à la dégradation des comptes publics.

Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes, n’y va pas par quatre chemins : les comptes publics sont dans une « situation inquiétante« . Il fustige des dépenses qu’il juge « discutables face au choc inflationniste » et s’alarme d’une trajectoire de réduction du déficit qui s’est nettement écartée des objectifs fixés par le gouvernement depuis un an.

Le rapport met en lumière un dérapage significatif du déficit public, qui a atteint 5,5% du PIB en 2023, bien loin des 4,9% prévus initialement. Cette situation préoccupante pousse les magistrats à tirer la sonnette d’alarme sur les efforts considérables à fournir d’ici 2027 pour redresser la barre.

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Bruno Le Maire défend bec et ongles sa stratégie

Face à ce déluge de critiques, Bruno Le Maire ne compte pas rester les bras croisés. Le ministre de l’Économie s’est empressé de défendre sa stratégie et de contester l’analyse de la Cour des comptes. Concernant les prévisions de croissance, il rappelle que l’institution s’était déjà trompée par le passé. « La Cour avait déjà dit en 2023 que nos prévisions étaient trop optimistes à 0,9%, elle a finalement été de 1,1% », souligne-t-il, mettant ainsi en doute la pertinence des critiques actuelles.

Le ministre affirme que pour 2024, les prévisions de l’Insee (1,1%) sont supérieures à celles du gouvernement (1%), remettant ainsi en question l’accusation d’optimisme excessif portée par la Cour des comptes.

Mais c’est sur la question des recettes fiscales que Bruno Le Maire concentre sa défense. Il affirme que la baisse des recettes en 2023 était tout simplement impossible à anticiper. « Nous avons dû faire face à une situation exceptionnelle que la France n’avait pas connue depuis 1991. Même l’Inspection générale des finances a reconnu que c’était impossible à anticiper », argumente-t-il.

Le ministre met en avant le concept d’élasticité des recettes par rapport à l’activité économique. En 2023, cette élasticité a atteint un niveau historiquement bas de 0,4, un phénomène inédit depuis 33 ans. Bruno Le Maire souligne que le gouvernement avait déjà fait preuve de prudence en prévoyant une élasticité de 0,6 dans le budget, mais que la réalité s’est avérée encore plus défavorable.

Pour rappel, l’élasticité des recettes est un concept économique qui mesure la sensibilité des recettes fiscales par rapport aux variations de l’activité économique, généralement exprimée par le PIB. S’il est inférieur à 1, cela indique que les recettes progressent moins rapidement que l’activité économique.

Anatomie d’un dérapage

Si la Cour des comptes reconnaît que la faible croissance des recettes fiscales en 2023 traduit une forme de normalisation après deux années exceptionnelles de rebond post-Covid, elle estime néanmoins que ce contrecoup aurait pu être davantage anticipé par le gouvernement.

Les magistrats pointent du doigt plusieurs facteurs qui ont contribué à cette sous-performance des recettes : des rentrées de TVA sur la consommation plus faibles que prévu, un ralentissement des transactions immobilières, un rendement décevant de l’impôt sur les sociétés, et des cotisations qui ont progressé moins vite que le niveau d’activité économique.

Un autre point de friction majeur entre la Cour des comptes et le gouvernement concerne l’impact des baisses d’impôts sur les recettes de l’État. Les magistrats estiment que la poursuite de la politique de réduction fiscale, à hauteur de 10,7 milliards d’euros en 2023, a largement contribué à amplifier le phénomène de baisse des recettes.

Parmi les mesures citées, on trouve la réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés, et la suppression de la taxe d’habitation. Selon la Cour, ces décisions ont eu un impact significatif sur les rentrées fiscales, participant ainsi au dérapage du déficit public.

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Le bras de fer sur la politique fiscale

Malgré les critiques, Bruno Le Maire reste inflexible sur sa politique fiscale. Le ministre réfute catégoriquement l’idée que les baisses d’impôts aient contribué à la dégradation des comptes publics. Au contraire, il défend une vision dynamique de la fiscalité, argumentant que les réductions d’impôts stimulent la croissance et l’emploi, générant in fine davantage de recettes pour l’État.

Pour illustrer son propos, Le Maire cite l’exemple de l’impôt sur les sociétés : « Quand nous avions par exemple un taux d’impôt sur les sociétés de 33%, les recettes étaient de 35 milliards d’euros, nous l’avons descendu à 25% et les recettes ont monté à 55 milliards. Parce que ça crée de la croissance, de l’emploi et de la prospérité.« 

Ce bras de fer entre la Cour des comptes et le gouvernement relance le débat sur l’efficacité des baisses d’impôts comme outil de politique économique. D’un côté, les partisans de cette approche, comme Bruno Le Maire, affirment qu’elle stimule l’activité économique et attire les investissements. De l’autre, les critiques, dont fait partie la Cour des comptes, s’inquiètent de l’impact sur les finances publiques et remettent en question les effets réels sur la croissance à long terme.

Le ministre de l’Économie rappelle que « le ras-le-bol fiscal reste une réalité très forte en France », soulignant que le taux de prélèvements obligatoires dans l’Hexagone atteint 48% du PIB, soit le niveau le plus élevé de toute l’Union européenne. Ce constat, selon lui, justifie la poursuite d’une politique de modération fiscale, malgré les critiques.

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