Résumé :
- Le business des colis perdus connaît un succès fulgurant avec des millions de vues sur les réseaux sociaux
- Des boîtes mystères vendues entre 25€ et 130€ promettent des trésors à prix cassés
- Les témoignages d’acheteurs révèlent une réalité bien moins reluisante
- Un vide juridique total laisse les consommateurs sans aucun recours
Des millions de vues sur TikTok et YouTube, des influenceurs qui s’arrachent des « boîtes mystères » à prix cassés, une communauté grandissante d’acheteurs espérant faire la bonne affaire… Le business des colis perdus est devenu en quelques mois un véritable phénomène sur les réseaux sociaux. La promesse est alléchante : acheter à prix réduit des colis égarés contenant potentiellement des objets de grande valeur. Mais derrière ce conte de fées du e-commerce se cache une réalité bien moins reluisante.
L’essor d’un business controversé
Tout commence avec la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Cette législation interdit désormais la destruction des invendus non-alimentaires, sous peine d’amendes pouvant atteindre 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. L’objectif initial était louable : favoriser le don aux associations caritatives et aux structures de l’économie sociale et solidaire.
Certains entrepreneurs y ont vu une opportunité en or. C’est le cas de Flamingo Box, entreprise normande qui s’est positionnée sur ce marché émergent. Son concept ? Revendre des colis prétendument perdus lors de leur livraison, que ce soit à cause d’adresses incomplètes, d’étiquettes endommagées ou simplement parce qu’ils n’ont jamais été récupérés en point relais.
Le modèle économique est simple et attractif : des boîtes vendues au poids (48 euros les 3kg, 72 euros les 5kg, 130 euros les 10kg) ou des « boîtes mystères » thématiques. L’entreprise propose par exemple « 10 vêtements de marques connues » à partir de 69 euros, ou encore 25 pièces provenant de Shein à partir de 99 euros. La promesse est claire : recevoir des produits dont la valeur marchande dépasse largement le prix payé.
La face cachée du système
Le succès est au rendez-vous, particulièrement sur les réseaux sociaux. Les vidéos d’ouverture de ces colis mystérieux cumulent des millions de vues chez les YouTubeurs les plus populaires comme Amixem, Michou ou FastGoodCuisine. L’excitation de découvrir potentiellement un iPhone ou une console de jeu attire les foules.
Pourtant, la réalité est bien moins séduisante et rapidement les témoignages d’acheteurs déçus se multiplient. L’enquête menée par Pierre Thieulin-Pardo, journaliste à Que Choisir, révèle la vérité : ces fameux colis perdus proviennent en réalité « uniquement de e-commerçants qui souhaitent se débarrasser de leur stock qui ont peu de valeur, à moindre coût ». Les articles vraiment précieux ne sont jamais bradés par les plateformes.
Plus révélateur encore : les principaux transporteurs (Chronopost, La Poste, Mondial Relay et DHL) ont tous formellement démenti revendre ces colis à ces marchands. Selon eux, les véritables colis perdus sont soit renvoyés à l’expéditeur, soit le destinataire finit par être retrouvé.
Un vide juridique préoccupant
La situation est d’autant plus problématique qu’elle s’inscrit dans un vide juridique total. Comme le souligne le magazine 60 millions de consommateurs, avec un colis contenant des produits non identifiés, aucune information précontractuelle sur la marchandise n’est délivrée, en violation de l’article L. 111-1 du code de la consommation.
Les acheteurs se retrouvent également privés de la garantie légale de conformité et de la garantie contre les vices cachés. En effet, comment faire valoir ses droits quand il est impossible d’apporter la preuve de l’achat d’un bien qui n’a pas été identifié ? Face à ce constat, les juristes de l’Institut national de la consommation (INC) ont tiré la sonnette d’alarme en avril 2024, appelant à la mise en place d’une législation spécifique pour protéger les consommateurs.