Résumé :
- L’agenda pro-crypto de Donald Trump pousse le secteur financier à accélérer son adoption des cryptomonnaies
- Pascal Gauthier compare la blockchain à Internet dans les années 2000, juste avant son adoption par le grand public
- En France, 12% des citoyens possèdent des cryptomonnaies contre seulement 7% qui détiennent des actions
- L’approche prudente de l’Europe risque de lui faire manquer une transformation économique significative
- Les cryptos répondent à des besoins concrets : inclusion financière et protection contre l’inflation
La révolution des cryptomonnaies prend un nouveau tournant aux États-Unis avec l’arrivée d’une administration favorable au bitcoin. Ce changement d’orientation va secouer les marchés financiers et pourrait forcer les institutions traditionnelles à s’adapter plus rapidement qu’elles ne l’avaient prévu. Les banques, les courtiers et même les États devront tenir compte de cette nouvelle donne qui modifie les règles du jeu financier mondial. Pendant ce temps, l’Europe temporise, au risque de prendre du retard sur une technologie qui transforme déjà nos pratiques d’épargne et d’investissement.
Pascal Gauthier, dirigeant de Ledger, entreprise française spécialisée dans la sécurité des actifs numériques, partage sa vision d’un secteur jeune mais en pleine croissance. À ses yeux, cette phase ressemble étrangement à ce qu’il a vécu comme pionnier du web à ses débuts, quand la plupart des gens avaient entendu parler d’Internet sans vraiment l’utiliser. La différence majeure ? La vitesse d’adoption pourrait être encore plus rapide, avec des conséquences économiques plus immédiates pour ceux qui sauront en tirer parti. Pour lui, nous traversons une période charnière qui rappelle les débuts d’Internet, avant que smartphones et réseaux sociaux ne l’intègrent à notre quotidien.
Les cryptomonnaies à un moment charnière
Le développement des cryptomonnaies aujourd’hui rappelle celui d’Internet il y a vingt ans. Pascal Gauthier explique :
« Si nous faisons le parallèle avec l’histoire du développement d’Internet, je pense que nous devrions être à l’Internet des années 2000 »
À cette époque, chacun avait entendu parler de la toile sans forcément avoir franchi le pas de l’utilisation quotidienne.
Cette phase transitoire annonce souvent une adoption massive. Comme Facebook et l’iPhone ont transformé notre usage d’Internet, les cryptomonnaies pourraient connaître une simplification et une démocratisation similaires dans les prochaines années. Les statistiques montrent déjà des signaux forts de cette tendance :
Adoption des cryptomonnaies vs investissements traditionnels en France
Type d’investissement | Pourcentage de Français |
Cryptomonnaies | 12% |
Actions en direct | 7% |
Cette différence technologique est fondamentale. Selon Gauthier, la blockchain permet l’échange de valeur comme le Web permet l’échange d’information. Cette distinction explique pourquoi tant d’entreprises cherchent maintenant à développer leurs propres applications basées sur cette technologie. Les grands noms de la finance s’y intéressent aussi de près.
L’arrivée de BlackRock sur le marché avec des ETF en bitcoin constitue un signal fort qui marque un passage à l’âge adulte pour cette classe d’actifs. Ces gestionnaires d’actifs traditionnels, autrefois méfiants, reconnaissent maintenant le potentiel de cette technologie, renforçant sa crédibilité auprès du public et des investisseurs institutionnels.
L’offensive américaine face à la réserve européenne
L’élection de Donald Trump et sa politique favorable aux cryptos marquent un virage géopolitique pour l’industrie. Cette orientation claire des États-Unis pourrait accélérer l’adoption des protocoles blockchain et créer de nouveaux canaux pour les échanges financiers. Les grandes banques américaines et les sociétés d’investissement ajustent déjà leurs stratégies pour ne pas manquer ce virage technologique.
Face à cette dynamique américaine, l’Europe semble hésitante. Le dirigeant de Ledger constate :
« L’approche européenne reste encore très prudente »
Cette réserve, bien que compréhensible face aux défis réglementaires, risque de placer le continent en position de suiveur plutôt que de leader. Les entreprises européennes du secteur pourraient voir leurs homologues américaines prendre une avance décisive.
Cette réticence est particulièrement visible chez les institutions financières européennes. Pascal Gauthier souligne une certaine réserve des États et banques centrales, peut-être motivée par la volonté de garder le contrôle sur les futures monnaies numériques. Il mentionne notamment le projet d’euro digital de la BCE, lancé sans véritable consultation des acteurs européens de la crypto, révélant ainsi une approche descendante plutôt que collaborative.
La question relève également de l’autonomie économique. Pour Gauthier, c’est une question de souveraineté qui ne devrait pas être prise à la légère. Le risque d’être distancé par les États-Unis et potentiellement la Chine pourrait affecter durablement l’influence économique européenne et sa capacité à définir les standards de demain.
Les avantages pratiques des cryptomonnaies
Au-delà des enjeux entre nations, les cryptomonnaies apportent des bénéfices concrets à leurs utilisateurs. Elles permettent des échanges de valeur sans intermédiaire, 24 heures sur 24, avec des frais généralement inférieurs à ceux des systèmes bancaires classiques pour les transferts internationaux.
Cette accessibilité profite particulièrement à certains groupes qui voient dans cette technologie une solution à des problèmes réels :
- Populations migrantes – Possibilité d’envoyer de l’argent rapidement avec des frais réduits vers le pays d’origine
- Habitants de pays à forte inflation – Protection contre la dévaluation monétaire et maintien du pouvoir d’achat
- Personnes sans accès aux services bancaires – Alternative aux systèmes financiers traditionnels qui requièrent documents officiels et adresse fixe
- Jeunes investisseurs – Première expérience d’investissement avec des montants modestes sans minimum requis
Le bitcoin, avec son offre limitée à 21 millions d’unités, représente une protection contre l’inflation. Sa rareté programmée en fait une réserve de valeur qui attire de plus en plus d’investisseurs inquiets face aux politiques monétaires expansionnistes des banques centrales et à la dévaluation progressive des monnaies fiduciaires.
Quant à la volatilité souvent mentionnée, elle est comparable à celle de nombreux actifs financiers en phase de découverte et d’adoption. Sur le long terme, les données montrent que les investisseurs patients ont généralement bénéficié d’une appréciation significative de leur capital, malgré les fluctuations parfois spectaculaires à court terme.
Les enjeux de sécurité et le rôle de Ledger
L’univers crypto fait face à des défis de sécurité importants, comme l’a rappelé le récent piratage de Bybit. Ces incidents, bien que néfastes pour l’image du secteur, accélèrent la prise de conscience sur l’importance des standards de sécurité. Dans ce domaine encore jeune, l’éducation des utilisateurs et le renforcement constant des mesures de protection sont essentiels pour éviter les pertes qui peuvent s’avérer définitives.
Les chiffres clés de Ledger
Indicateur | Valeur |
Appareils vendus | Près de 8 millions |
Part du volume mondial des cryptos sécurisées | 20% |
Présence internationale | Plus de 210 pays |
Année de création | 2014 |
C’est précisément le métier de Ledger, devenu leader mondial dans la protection des actifs numériques. L’entreprise développe des technologies qui permettent aux particuliers comme aux entreprises de protéger leurs avoirs numériques contre les menaces croissantes de piratage. Ses portefeuilles matériels (hardware wallets) stockent les clés privées hors ligne, les mettant ainsi à l’abri des attaques en ligne.
Pascal Gauthier, qui dirige Ledger depuis 2019, a travaillé auparavant chez des pionniers français du Web comme Kelkoo et Criteo. Cette expérience dans les premières vagues d’Internet lui donne une perspective unique sur l’évolution des technologies numériques. Sous sa direction, Ledger a poursuivi son développement international, convaincu que la sécurisation des actifs numériques deviendra aussi indispensable que les antivirus le sont pour nos ordinateurs.
À l’heure où les États-Unis adoptent une politique volontariste en matière de cryptomonnaies, l’Europe se trouve face à un choix stratégique : embrasser cette révolution financière ou risquer de se retrouver spectatrice d’une transformation qu’elle ne pourra plus influencer. Les atouts ne manquent pourtant pas au Vieux Continent, avec des entreprises comme Ledger qui figurent parmi les leaders mondiaux de leur secteur.
L’analogie avec les débuts d’Internet semble pertinente : ceux qui ont su s’adapter rapidement ont prospéré, tandis que les retardataires ont dû se contenter des miettes. Si l’histoire des cryptomonnaies n’en est qu’à ses débuts, comme l’affirme Pascal Gauthier, alors les décisions prises aujourd’hui par les régulateurs et les acteurs économiques européens détermineront leur place dans le paysage financier de demain. Entre prudence excessive et adoption réfléchie, la ligne est fine mais décisive pour l’avenir économique européen.