La stagflation : entre stagnation économique et inflation
Qu’est-ce que la stagflation ?
La stagflation est un phénomène économique caractérisé par la combinaison inhabituelle de stagnation économique et d’inflation élevée.
Cette situation se manifeste lorsque la croissance économique est faible ou inexistante, entraînant souvent une augmentation du chômage, tandis que les prix des biens et services continuent de grimper.
La stagflation est particulièrement problématique pour les politiques économiques, car elle combine deux maux économiques habituellement considérés comme mutuellement exclusifs.
Historique de la stagflation
Le concept de stagflation a émergé dans les années 1970, lorsqu’un certain nombre de pays développés, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni, ont vécu une période prolongée de stagnation économique accompagnée d’une inflation galopante.
Cette période a remis en question beaucoup des théories économiques prévalentes de l’époque, qui ne pouvaient pas expliquer la coexistence de ces deux phénomènes.
L’un des catalyseurs de la stagflation durant cette période a été le choc pétrolier de 1973, où les prix du pétrole ont quadruplé en peu de temps, augmentant considérablement les coûts de production et contribuant à l’inflation mondiale.
La stagflation représente donc un défi majeur pour les économistes et les décideurs politiques, car elle défie la logique économique conventionnelle et nécessite une approche nuancée pour être résolue.
Les politiques habituelles de lutte contre l’inflation, comme le resserrement monétaire, peuvent aggraver le chômage et la stagnation, tandis que les politiques de stimulation économique risquent de pousser l’inflation encore plus haut.
Les causes de la stagflation
La stagflation est un phénomène complexe résultant de la convergence de plusieurs facteurs économiques. Voyons comment des événements apparemment indépendants peuvent interagir pour créer une situation où la croissance économique ralentit tandis que l’inflation augmente.
Les chocs d’offre négatifs
L’un des catalyseurs les plus communs de la stagflation est un choc d’offre négatif, c’est-à-dire un événement soudain qui réduit la capacité de l’économie à produire des biens et services.
Le choc pétrolier des années 1970 en est un exemple classique, où les prix du pétrole ont brusquement augmenté, faisant monter les coûts de production pour un large éventail d’industries.
Ces augmentations de coûts se répercutent sur les prix à la consommation, alimentant l’inflation, tandis que la capacité réduite de l’économie à produire entraîne un ralentissement de la croissance et une augmentation du chômage.
Les politiques économiques
Les politiques monétaires et fiscales peuvent également contribuer à la stagflation. Que ce soit par une augmentation de la masse monétaire ou la baisse des taux d’intérêt, des politiques économiques visant à stimuler l’économie peuvent mener à une augmentation de l’inflation si la demande qu’elles génèrent dépasse l’offre.
Parallèlement, des politiques fiscales restrictives ou une forte augmentation des impôts peuvent réduire la demande globale, freinant la croissance économique. La combinaison d’une politique monétaire expansive et d’une politique fiscale restrictive peut créer un environnement propice à la stagflation.
Les attentes d’inflation
Lorsque consommateurs et entreprises anticipent une augmentation future des prix, ils ajustent leur comportement en conséquence, c’est ce que l’on appelle une attente d’inflation.
Les travailleurs cherchent des augmentations de salaire pour compenser la perte de pouvoir d’achat attendue, et les entreprises augmentent leurs prix pour maintenir leurs marges. Ces ajustements anticipatifs peuvent alimenter une spirale inflationniste, même en l’absence d’une croissance économique forte.
Les rigidités du marché du travail
Enfin, les rigidités sur le marché du travail peuvent exacerber la stagflation. Dans le cas où l’augmentation des salaires ne suit pas rapidement l’inflation, le pouvoir d’achat des consommateurs diminue.
Dans le même temps, l’augmentation du prix des matières premières entraîne des coûts de production élevés, une augmentation des prix et donc une diminution de la consommation. Cela peut limiter la capacité des entreprises à embaucher ou à maintenir leur niveau d’emploi, contribuant au chômage.
Simultanément, les pressions sur les coûts continuent d’alimenter l’inflation, créant un cercle vicieux difficile à briser.
Les impacts de la stagflation
La stagflation a des répercussions profondes sur l’économie et la société. Cet état de fait engendre une série de défis tant pour les ménages que pour les décideurs politiques, affectant la stabilité économique et le bien-être général.
Les impacts sur l’économie
La stagflation se caractérise par une croissance économique atone : moins d’opportunités d’emploi, une baisse de la confiance des investisseurs et une diminution de la consommation et des investissements.
De plus une croissance économique faible peut également réduire les recettes fiscales, limitant la capacité des gouvernements à investir dans des services publics essentiels.
L’une des conséquences directes de la stagnation économique est la hausse du chômage. Les entreprises, faisant face à des coûts de production accrus et à une demande en berne, peuvent être contraintes de réduire leurs effectifs, exacerbant les problèmes sociaux tels que la pauvreté et l’inégalité.
L’inflation élevée qui accompagne la stagflation réduit le pouvoir d’achat des ménages. Les salaires ne suivant pas nécessairement la hausse des prix, les consommateurs peuvent se retrouver à devoir réduire leurs dépenses, ce qui peut aggraver le ralentissement économique.
Les impacts sur les ménages
L’augmentation du coût de la vie, combinée à un marché de l’emploi précaire, peut entraîner une baisse du niveau de vie. Les familles peuvent avoir du mal à couvrir les dépenses essentielles, telles que la nourriture, le logement et les besoins de santé.
La stagflation crée un environnement d’incertitude économique, rendant difficile pour les ménages de planifier leur avenir financier. Cela peut réduire la consommation à long terme et décourager l’épargne et l’investissement.
Les impacts sur les politiques économiques
Ce phénomène représente un dilemme pour la politique monétaire. Augmenter les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation peut aggraver le chômage et la stagnation, tandis que les baisser pour stimuler l’économie peut alimenter davantage l’inflation.
Les politiques fiscales doivent stimuler la croissance économique sans pour autant exacerber l’inflation. Les décisions de politique fiscale deviennent plus complexes et peuvent nécessiter des mesures ciblées pour soutenir les secteurs et les populations les plus touchés.
Lutter contre la stagflation
La stagflation, avec son double défi de stagnation économique et d’inflation élevée, requiert des stratégies de politique économique bien calibrées.
Les approches pour combattre la stagflation doivent être à la fois innovantes et prudentes, cherchant à relancer la croissance sans aggraver l’inflation, ou à réduire l’inflation sans freiner la croissance.
Des politiques monétaires ajustées
Les banques centrales peuvent envisager de resserrer progressivement la politique monétaire pour contrôler l’inflation, sans pour autant étouffer la croissance économique. Cela peut impliquer une hausse graduelle des taux d’intérêt pour éviter de créer un choc négatif sur l’investissement et la consommation.
Une communication claire sur les intentions de politique monétaire peut aider à gérer les attentes d’inflation. En assurant aux marchés et au public que l’inflation sera contrôlée, les banques centrales peuvent contribuer à modérer les demandes de hausses salariales et les ajustements de prix anticipatifs.
Stimuler la croissance sans alimenter l’inflation
Les gouvernements peuvent stimuler la croissance économique par des investissements dans des secteurs clés comme la technologie, l’éducation, et les infrastructures vertes. Ces investissements peuvent améliorer la productivité à long terme et la compétitivité, tout en créant des emplois.
Des réformes visant à améliorer la flexibilité du marché du travail et à renforcer la concurrence dans les secteurs de biens et services peuvent aider à surmonter les rigidités qui contribuent à la stagflation.
Cela inclut la simplification des processus de création d’entreprises, l’amélioration de la législation sur le travail, et la réduction des barrières à l’entrée pour de nouveaux compétiteurs.
Des mesures fiscales équilibrées
Une gestion prudente des finances publiques est cruciale pour éviter d’exacerber l’inflation par une augmentation excessive de la dette publique. Cependant, cela doit être équilibré avec la nécessité de soutenir les ménages et les entreprises les plus affectés par la stagflation.
Des mesures fiscales ciblées, telles que des réductions d’impôts pour les bas et moyens revenus ou des incitations pour les investissements dans des secteurs stratégiques, peuvent soutenir la demande sans provoquer de pressions inflationnistes significatives.
La coopération internationale
Face à la stagflation, qui peut avoir des dimensions globales, la coopération internationale devient essentielle. Les pays peuvent travailler ensemble pour stabiliser les prix des matières premières et coordonner les politiques monétaires et fiscales pour éviter des déséquilibres mondiaux.
Lutter contre la stagflation exige une approche équilibrée, reconnaissant la nécessité de stimuler la croissance économique tout en maintenant l’inflation sous contrôle.
Études de cas
La stagflation, étant un phénomène complexe et multifacette, peut être mieux comprise à travers l’examen de cas réels où elle a été rencontrée et les stratégies adoptées pour y faire face. Voici deux études de cas illustrant des périodes de stagflation dans l’histoire économique récente.
La stagflation des années 1970 aux États-Unis
Les années 1970 aux États-Unis sont souvent citées comme le cas d’école de la stagflation. Cette période a été marquée par une croissance économique faible, un taux de chômage élevé, et une inflation galopante.
Le premier choc pétrolier de 1973, résultant de l’embargo pétrolier imposé par l’OPEP (l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole), a entraîné une hausse spectaculaire des prix du pétrole, augmentant significativement les coûts de production et contribuant à l’inflation.
La Réserve fédérale, sous la direction de Paul Volcker à la fin des années 1970 et au début des années 1980, a adopté une politique monétaire stricte pour combattre l’inflation.
Les taux d’intérêt ont été fortement augmentés, ce qui a eu pour effet de ralentir l’économie et d’augmenter le chômage à court terme, mais a finalement réussi à maîtriser l’inflation.
Bien que les mesures aient été controversées en raison de leur impact sur le chômage et la croissance économique, elles ont finalement conduit à une baisse significative de l’inflation et à la reprise de la croissance économique dans les années suivantes.
La stagflation au Japon dans les années 1990
Le Japon a connu une période de stagflation au début des années 1990, suite à l’éclatement de sa bulle immobilière et boursière à la fin des années 1980. La croissance économique a ralenti, tandis que le pays a fait face à une inflation modérée et à un taux de chômage en hausse.
Le gouvernement japonais et la Banque du Japon ont tenté de relancer l’économie par des politiques monétaires et fiscales expansives, y compris des taux d’intérêt très bas et des programmes de dépenses publiques massives. Les efforts pour sortir de la stagflation ont été entravés par une série de défis, dont la déflation qui a suivi. Le Japon a lutté pendant des décennies pour retrouver une croissance économique robuste, illustrant les difficultés de la lutte contre la stagflation, en particulier lorsque celle-ci est accompagnée de pressions déflationnistes.