TotalEnergies abandonne son méga-projet d’hydrogène vert : les dessous d’un changement de stratégie

La major pétrolière française enterre discrètement son projet phare d'hydrogène vert Masshylia, censé révolutionner la production d'énergie décarbonée. Un virage stratégique qui révèle les failles profondes de toute une filière industrielle et soulève des questions sur l'avenir de cette technologie tant vantée.

Hydrogene vert de TotalEnergies

Résumé :

  • TotalEnergies réduit de 83% les objectifs de son projet pionnier d’hydrogène vert
  • Le géant énergétique abandonne la technologie d’électrolyse au profit du vaporeformage
  • Les difficultés techniques bouleversent les plans de toute l’industrie
  • Le calendrier de développement de l’hydrogène vert en France est sérieusement compromis

Ce lundi, TotalEnergies communiquait en grande pompe sur un nouveau projet de production d’hydrogène à La Mède, dans les Bouches-du-Rhône, en partenariat avec Air Liquide. Un investissement de 150 millions d’euros était mis en avant, laissant présager une accélération de la transition énergétique. Pourtant, derrière cette communication bien rodée se cache une réalité plus complexe : l’abandon quasi-total du projet Masshylia, qui devait être le plus grand site de production d’hydrogène vert de France.

Le grand revirement de TotalEnergies

L’histoire de Masshylia illustre parfaitement le décalage entre les ambitions et la réalité du terrain. Lancé en 2021 avec Engie, ce projet devait incarner l’avenir de l’énergie verte en France. Avec une capacité prévue de 120 mégawatts et une production annuelle de 16.000 tonnes d’hydrogène vert dès 2026, Masshylia se positionnait comme le fer de lance de la transition énergétique française.

Mais les chiffres actuels racontent une toute autre histoire. TotalEnergies annonce désormais une capacité réduite à 20 mégawatts d’ici 2029, soit une chute de 83% des objectifs initiaux. Même l’horizon plus lointain reste modeste, avec un maximum de 70 mégawatts envisagé, sans date précise de réalisation.

Plus révélateur encore, la major pétrolière change non seulement d’échelle mais aussi de partenaire. Exit Engie, bienvenue à Air Liquide, qui apporte une technologie radicalement différente. Cette nouvelle collaboration promet 25.000 tonnes d’hydrogène par an, mais en utilisant une méthode plus conventionnelle.

Les raisons techniques d’un échec

Au cœur de ce revirement se cachent des obstacles techniques majeurs. L’électrolyse, technologie initialement choisie pour Masshylia, s’est heurtée à une réalité industrielle complexe. Le fournisseur d’électrolyseurs, John Cockerill, a rencontré des difficultés techniques majeures que personne n’avait anticipées.

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« La variabilité de la production entraîne un vieillissement des composants plus important que prévu », confie un expert du secteur. Les problèmes s’accumulent : comportement imprévisible des fluides à grande échelle, points chauds inattendus, endommagement des membranes… Le passage à l’échelle industrielle s’avère bien plus complexe que prévu.

Face à ces défis, TotalEnergies opte pour une solution de repli : le vaporeformage du biopropane. Cette technologie, plus éprouvée, consiste à « casser » les molécules de biopropane à l’aide de vapeur d’eau très chaude. Un choix qui privilégie la sécurité technologique à l’innovation de rupture.

Un signal d’alarme pour toute la filière

Les difficultés de TotalEnergies ne sont que la partie émergée de l’iceberg. « Jusqu’à présent, nous sommes restés dans une approche très artisanale. Et force est de constater que les fournisseurs n’arrivent pas à fournir en quantité et en qualité les électrolyseurs« , révèle un cadre dirigeant d’un grand groupe français. ThyssenKrupp, McPhy… Tous les acteurs majeurs du secteur peinent à tenir leurs promesses.

Le scepticisme gagne même les plus hauts niveaux de direction. Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, déclarait en avril au Forum économique mondial de Ryad que l’hydrogène vert restait à un « stade embryonnaire ». Une position qui tranche avec l’enthousiasme affiché il y a encore quelques années.

Cette prudence se traduit par des reports en cascade. Engie, autre acteur majeur du secteur, a déjà repoussé de cinq ans, de 2030 à 2035, ses objectifs de production d’hydrogène décarboné. Un calendrier qui semble désormais plus réaliste au vu des obstacles rencontrés.

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