Résumé :
- La conférence annuelle GTC de Nvidia n’a pas convaincu Wall Street, entraînant une baisse de plus de 3% de l’action.
- Jensen Huang a présenté plusieurs innovations (superordinateurs IA personnels, plateforme robotique GR00T, partenariats avec GM et Disney) mais sans annoncer de nouvelle source de revenus immédiate.
- Nvidia dévoile sa feuille de route avec de nouvelles puces : Blackwell Ultra (2025), Vera Rubin (2026), Vera Rubin Ultra (2027) et Feynman (2028).
- Malgré les doutes après l’émergence de concurrents comme DeepSeek, les géants du cloud (Amazon, Microsoft, Google, Oracle) ont triplé leurs achats de puces Nvidia en un an.
- Les analystes s’inquiètent du timing des revenus futurs, les domaines prometteurs comme la robotique et l’informatique quantique ne générant pas de bénéfices à court terme.
C’est ce qu’on pourrait appeler un dur retour à la réalité. Après deux années de croissance stratosphérique qui ont propulsé Nvidia au sommet de la valorisation mondiale, l’euphorie commence à retomber. Le titre du fabricant de puces a chuté de plus de 3% mardi, clôturant à 115,53 dollars à la Bourse de New York, à l’issue de la conférence annuelle GTC, jadis confidentielle mais devenue l’événement phare du secteur technologique.
Jensen Huang, le charismatique PDG de Nvidia, a pourtant déployé tout son arsenal. Pendant près de deux heures; sans téléprompteur, s’il vous plaît; il a présenté une feuille de route ambitieuse pour l’avenir de son entreprise. Mais voilà, Wall Street attendait plus. Beaucoup plus.
Un festin technologique qui laisse les actionnaires sur leur faim
La grand-messe du GTC avait tout pour impressionner. Le menu était copieux : une plateforme baptisée Isaac GR00T N1 pour « dynamiser le développement de robots humanoïdes« , des « superordinateurs IA personnels » qui permettront aux développeurs de travailler sur des machines de bureau, et l’annonce d’un partenariat avec General Motors pour intégrer l’IA dans les voitures, usines et robots de demain.
Sans oublier les nouvelles puces : la Blackwell Ultra prévue pour fin 2025, suivie de la « Vera Rubin » pour la seconde moitié de 2026, puis « Vera Rubin Ultra » en 2027, et enfin « Feynman » en 2028 – un hommage au célèbre physicien théoricien Richard Feynman.
Mais ce festin technologique n’a pas suffi à rassasier les investisseurs, qui espéraient une nouvelle poule aux œufs d’or, sous forme d’une nouvelle source de revenus, comme l’explique Maribel Lopez, analyste et fondatrice de Lopez Research.
L’ombre d’un doute plane sur l’empire Nvidia
Ce n’est pas la première fois que le titre vacille cette année. L’action de Nvidia est déjà en baisse de 14% depuis janvier, plombée par les craintes de guerres commerciales et d’une possible récession. Mais un autre nuage est venu assombrir l’horizon du fabricant de puces : l’émergence de concurrents comme la startup chinoise DeepSeek, qui affirme avoir développé un modèle d’IA compétitif avec une fraction des ressources nécessaires.
De quoi semer le doute sur la nécessité d’investir massivement dans les infrastructures informatiques d’IA. Pourtant, les grands clients de Nvidia, comme Microsoft et Amazon, ont réaffirmé leur engagement à poursuivre leurs dépenses cette année.
Selon un rapport de Bloomberg Intelligence publié lundi, les plus grands opérateurs de centres de données devraient dépenser 371 milliards de dollars en installations et ressources informatiques d’IA en 2025, soit une augmentation de 44% par rapport à l’année précédente. Ce montant devrait atteindre 525 milliards de dollars d’ici 2032.
Le futur se dessine, mais à quel horizon ?
Si les perspectives à long terme restent prometteuses, les analystes s’interrogent sur le calendrier. Les domaines comme l’informatique quantique et la robotique, évoqués par Huang lors de sa présentation, ne généreront pas de revenus significatifs à court terme.
« L’informatique quantique ne sera pas un moteur de revenus à court terme pour personne », a expliqué Lopez. Et même si la robotique est un domaine plus grand public, elle ne constituera pas non plus un moteur de ventes majeur à court terme, selon elle.
La capacité d’innovation rapide de Nvidia a jusqu’à présent tenu ses concurrents à distance. « Même quand ils se plantent – comme ils l’ont fait initialement avec Blackwell – ils se redressent rapidement », a souligné Lopez. L’entreprise suit un cycle de produits de 12 à 18 mois que les dirigeants « ne ratent pas », a-t-elle ajouté.
Mais la question la plus importante pour Nvidia est de savoir si les dépenses en capital liées à l’IA continueront d’augmenter en 2026, selon Chris Caso, analyste chez Wolfe Research. « Les actions liées à l’IA ont fortement chuté en raison des craintes de récession, et bien que nous pensions que les dépenses en IA soient le dernier endroit où les clients du cloud souhaiteraient réduire leurs budgets, si les domaines qui financent ces budgets souffrent, cela pourrait exercer une certaine pression sur les dépenses d’investissement.«
Une révolution industrielle en marche, mais à quelle vitesse ?
Jensen Huang reste convaincu que l’IA s’étendra à une plus grande partie de l’économie, dans ce qu’il appelle une nouvelle révolution industrielle. Et les chiffres semblent lui donner raison : les quatre principaux fournisseurs de cloud public – Amazon, Microsoft, Google et Oracle – ont acheté 1,3 million de puces Hopper de génération précédente l’année dernière. Jusqu’à présent en 2025, le même groupe a acheté 3,6 millions de puces IA Blackwell.
« Ce n’est pas comme acheter un ordinateur portable », a expliqué Huang. Les clients ont besoin de temps pour créer des budgets et planifier l’utilisation de l’énergie.
La route est tracée, les jalons sont posés. Mais pour les investisseurs impatients de Wall Street, le parcours semble encore long et semé d’embûches. L’empire Nvidia poursuit sa marche en avant, mais son règne sans partage sur l’IA commence peut-être à montrer ses premières fissures.