Résumé :
- TSMC propose une joint-venture pour opérer la division fonderie d’Intel avec plusieurs partenaires américains (Nvidia, AMD, Broadcom).
- Intel traverse une crise financière majeure avec une perte nette de 18,8 milliards $ en 2024 et sept sessions consécutives de baisse en bourse (-12,36% en six sessions)
- L’administration Trump a demandé l’aide de TSMC pour revitaliser Intel mais s’oppose à ce que l’entreprise soit entièrement contrôlée par des intérêts étrangers
- Le CHIPS Act, qui avait accordé plus de 100 milliards $ aux fabricants américains de semi-conducteurs, pourrait être abrogé par Trump, ce qui aggraverait considérablement la situation d’Intel
- Tout accord entre ces rivaux historiques serait complexe et coûteux, leurs technologies et processus de fabrication étant fondamentalement différents
C’est une véritable bombe qui vient d’exploser dans le monde des semi-conducteurs : TSMC, le plus grand fabricant mondial de puces, propose une coentreprise qui permettrait d’exploiter la division fonderie d’Intel. Et pas avec n’importe qui ! Le taïwanais a démarché les poids lourds du secteur – Nvidia, AMD et Broadcom – pour participer à cette alliance stratégique qui pourrait redessiner tout le paysage des semi-conducteurs.
Une opération de sauvetage sous haute surveillance
D’après les sources citées par Reuters, l’architecte du plan n’est autre que l’administration Trump elle-même, qui a sollicité TSMC pour aider à relancer Intel. La proposition est audacieuse : TSMC prendrait les commandes opérationnelles de la division fonderie d’Intel tout en limitant sa participation à moins de 50% du capital.
Une précaution qui n’est pas anodine. La Maison Blanche surveille de très près cette opération et n’acceptera aucun scénario où des intérêts étrangers prendraient entièrement le contrôle d’Intel. La dimension géopolitique est évidente : il s’agit de préserver un acteur stratégique américain dans le contexte tendu des relations sino-américaines.
Intel en chute libre : les chiffres d’une descente aux enfers
Les investisseurs ont déjà tiré la sonnette d’alarme. Mardi dernier, l’action Intel a perdu 0,75% pour s’établir à 19,78 dollars, enregistrant sa septième journée consécutive dans le rouge. Sur le seul mois précédent, le titre a fondu de 6,53%.
Le verdict est sans appel : Intel, qui fut jadis le fleuron technologique américain, s’est transformé en boulet pour les portefeuilles des investisseurs.
Le paradoxe du CHIPS Act
L’ironie de la situation n’échappe à personne. Intel devait être le grand gagnant du CHIPS Act, cette loi phare de l’administration Biden qui promettait plus de 100 milliards de dollars de soutien aux fabricants américains de semi-conducteurs. Le plan était clair : ramener la production de puces sur le sol américain et réduire la dépendance vis-à-vis de l’Asie.
Mais voilà que Donald Trump a évoqué un possible démantèlement de cette loi. Selon certains analystes, la perte des subventions gouvernementales représenterait un coup fatal pour Intel, déjà exsangue financièrement. Entre les mains du nouveau président, l’avenir d’Intel semble désormais suspendu à un fil.
Une fusion des contraires
Si l’alliance Intel-TSMC se concrétise, elle représenterait un mariage des contraires. Ces deux rivaux historiques utilisent des configurations radicalement différentes pour leurs outils de fabrication, leurs processus et même leurs produits chimiques. Tout accord nécessiterait des investissements massifs et un temps considérable pour harmoniser ces approches divergentes.
Pourtant, certains signes laissent entrevoir une lueur d’espoir. Nvidia et Broadcom mènent actuellement des tests de fabrication avec Intel, démontrant une confiance précoce dans les capacités technologiques du géant américain en difficulté.
Qualcomm, également approché comme partenaire potentiel, s’est retiré des discussions antérieures pour acquérir tout ou partie d’Intel. Un signal ambivalent qui souligne les défis de cette opération de sauvetage.
L’enjeu stratégique d’une industrie en mutation
Cette bataille qui se joue autour d’Intel dépasse largement le cadre d’une simple opération financière. Elle illustre la transformation profonde de l’industrie des semi-conducteurs, où la fabrication et la conception des puces deviennent des activités de plus en plus distinctes.
Intel a jusqu’ici refusé de vendre séparément ses activités de conception et de fonderie. Cette position reflète l’ADN historique de l’entreprise, qui a bâti son succès sur l’intégration verticale de ces deux compétences.
Mais face à la montée en puissance des entreprises « fabless » comme Nvidia et AMD, qui conçoivent des puces sans les fabriquer, et des fondeurs purs comme TSMC, ce modèle semble de plus en plus fragilisé.
La proposition de TSMC pourrait bien représenter le dernier espoir pour Intel de se réinventer avant qu’il ne soit trop tard. L’enjeu est colossal, non seulement pour l’entreprise elle-même et ses actionnaires, mais aussi pour la souveraineté technologique américaine dans un secteur devenu hautement stratégique.