Résumé :
- Les assemblées générales de 11 grandes entreprises françaises se tiendront entre le 22 mai et le 4 juin 2025
- La plupart des résolutions contestées concernent des émissions d’actions sans droit préférentiel de souscription (DPS)
- Des décotes de 10% sont prévues dans la majorité des cas, désavantageant les actionnaires actuels
- Air France-KLM demande l’autorisation la plus large avec jusqu’à 19,8% du capital concerné
- Seule une résolution d’Amundi sur sa stratégie climat est recommandée pour approbation
- Plusieurs entreprises proposent des mesures protectionnistes en cas d’offre publique d’achat
Les grandes entreprises françaises préparent leurs assemblées générales de 2025 avec des résolutions qui méritent votre attention. Entre le 22 mai et le 4 juin, onze sociétés cotées soumettront au vote des actionnaires des propositions qui pourraient affecter significativement leur participation au capital. Notre analyse révèle des similitudes entre ces textes, notamment concernant l‘émission d’actions sans droit préférentiel de souscription et les décotes importantes.
Ces résolutions soulèvent des questions sur l’équilibre des pouvoirs entre directions et actionnaires dans un contexte de marchés volatils. Les conseils d’administration semblent chercher à obtenir des marges de manœuvre élargies, parfois au détriment des droits des investisseurs individuels.
Le calendrier des assemblées générales : un mois chargé pour les investisseurs
La saison des assemblées générales 2025 s’annonce dense pour les investisseurs français. En deux semaines, onze sociétés importantes tiendront leurs réunions annuelles, imposant un rythme soutenu aux actionnaires qui souhaitent participer.
Le 22 mai ouvrira cette période avec quatre assemblées simultanées : Dassault Systèmes, FDJ, Safran et Valeo. Cette concentration complique la tâche des investisseurs diversifiés. La semaine suivante verra se succéder Eramet le 26 mai, Amundi le 27 mai, puis Accor, Carrefour et Forvia le 28 mai. Air France-KLM et Robertet termineront ce cycle le 4 juin.
Calendrier des assemblées générales 2025
Date | Entreprises |
22 mai | Dassault Systèmes, FDJ, Safran, Valeo |
26 mai | Eramet |
27 mai | Amundi |
28 mai | Accor, Carrefour, Forvia |
4 juin | Air France-KLM, Robertet |
Ce regroupement des assemblées sur une courte période limite la capacité des actionnaires, particulièrement des petits porteurs, à étudier en détail l’ensemble des résolutions proposées. Cette situation peut favoriser l’adoption de textes parfois contestables.
Les résolutions controversées : analyse par entreprise
Les entreprises technologiques et industrielles
Dassault Systèmes débute cette saison avec des résolutions préoccupantes. Les résolutions 17 à 19 et 21 demandent l’autorisation d’émettre des actions sans droit préférentiel de souscription, pouvant atteindre 9,7% du capital (11,2% avec la clause d’extension). Ces émissions pourraient s’effectuer avec une décote de 10% sur la moyenne des trois dernières séances, offrant un avantage aux nouveaux investisseurs au détriment des actionnaires existants.
Dans le secteur aéronautique, Safran propose des résolutions similaires (22 à 25). L’équipementier demande l’autorisation d‘augmenter son capital de 9,4% (10,8% avec la clause d’extension) sans DPS et avec une décote de 10%. Cette approche, si elle était approuvée, pourrait diluer la participation des actionnaires actuels.
L’équipementier automobile Valeo suit une démarche comparable avec ses résolutions 17 à 19 et 21. Son conseil d’administration souhaite pouvoir émettre des actions représentant jusqu’à 9,4% du capital, toujours avec une décote de 10%. La ressemblance entre ces demandes suggère une tendance commune parmi les grandes entreprises françaises.
Les entreprises de services et de distribution
La FDJ (Française des Jeux) propose des résolutions tout aussi problématiques. Les textes 13 à 15, 17 et 18 visent à autoriser l’émission d’actions nouvelles sans DPS, par placement public ou privé, jusqu’à 10% du capital. Une décote de 10% sur le dernier cours de la veille est également prévue. Cette approche est particulièrement sensible pour une entreprise récemment privatisée, dont de nombreux petits porteurs détiennent des actions.
Dans l’hôtellerie, Accor demande à travers ses résolutions 25 à 28 la permission de proposer des actions sans DPS pour 10% du capital et avec 10% de décote. Le groupe mentionne un « délai de priorité éventuel » pour les actionnaires actuels, mais celui-ci n’est pas garanti. Cette formulation vague affaiblit la protection des actionnaires.
Carrefour va plus loin avec ses résolutions 16 à 19. Elles lui permettraient d’émettre des actions à un prix correspondant au « minimum légal prévu ». Or, la loi ne prévoit plus de limite pour la décote, ce qui ouvre la porte à des rabais potentiellement supérieurs aux 10% pratiqués ailleurs. Ces émissions pourraient être réservées à des investisseurs qualifiés et atteindre 10% du capital.
Toutes ces entreprises demandent à pouvoir émettre des actions sans que les actionnaires actuels bénéficient d’un droit prioritaire de souscription. La majorité prévoit des décotes de 10%, avec Carrefour qui pourrait aller au-delà. Les volumes concernés sont significatifs : environ 9-10% du capital pour la plupart des sociétés, et jusqu’à 19,8% pour Air France-KLM, sans compter les possibilités d’extensions supplémentaires via des clauses spécifiques. Plusieurs entreprises envisagent également des émissions réservées à des investisseurs qualifiés, une pratique qui exclut de fait les petits porteurs.
Les cas particuliers
Eramet présente un cas différent mais tout aussi problématique avec sa résolution 18. Le texte demande une autorisation de rachat d’actions sans préciser qu’elle serait suspendue en cas d’offre publique. Cette omission représente une mesure protectionniste, permettant à la direction de contrer une tentative de prise de contrôle sans consulter à nouveau les actionnaires.
Amundi présente un cas particulier avec sa résolution 19. Contrairement aux autres résolutions analysées, celle-ci demande simplement aux actionnaires leur avis sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la stratégie climat de l’entreprise. Cette démarche de transparence tranche avec les autres propositions soumises au vote. Toutefois, les résolutions 22 à 24 et 26 d’Amundi rejoignent la tendance générale observée chez ses concurrents, avec des émissions sans DPS pouvant représenter 10% du capital (11,5% clause d’extension incluse) avec jusqu’à 10% de décote.
Forvia combine plusieurs problématiques dans ses résolutions 20 et 22 à 25. L’entreprise demande l’autorisation de rachat d’actions, y compris pendant une offre publique, tout en sollicitant la possibilité d’émettre des actions nouvelles avec 10% de décote pour 10% du capital. Cette double approche renforce considérablement la position du conseil d’administration.
Air France-KLM se distingue par l’ampleur de ses demandes. Les résolutions 22 à 26 permettraient au groupe de proposer des actions sans DPS pour 19,8% du capital, dont 14,8% par placement privé, avec une décote maximale de 10%. Ces proportions exceptionnellement élevées reflètent peut-être les besoins de financement du transporteur, mais elles constituent une menace importante pour les actionnaires actuels.
Enfin, Robertet présente dans sa résolution 16 un problème similaire à celui d’Eramet : l’absence de précision sur l’interdiction du rachat d’actions en cas d’offre publique. Pour cette entreprise familiale spécialisée dans les arômes et parfums, cette disposition pourrait viser à se protéger contre des tentatives de prise de contrôle.
Les principales tendances observées dans ces résolutions
L’analyse de ces résolutions révèle une tendance forte : presque toutes les entreprises étudiées demandent l’autorisation d’émettre des actions sans droit préférentiel de souscription à hauteur de 9 à 10% de leur capital. Ce seuil se situe généralement à la frontière de ce que les agences de conseil en vote considèrent comme acceptable dans leurs analyses destinées aux investisseurs institutionnels.
La dilution potentielle est particulièrement élevée avec Air France-KLM, dont les résolutions permettraient d’émettre jusqu’à 19,8% du capital sans DPS. Cette proportion exceptionnelle reflète sans doute les défis financiers du transporteur, mais illustre aussi l’augmentation progressive des demandes des entreprises.
Pour les petits porteurs, ces émissions sans DPS représentent trois risques principaux. D’abord, ils subissent une dilution mathématique de leur participation. Ensuite, contrairement aux investisseurs institutionnels, ils n’ont généralement pas les moyens de maintenir leur niveau d’investissement en participant aux nouvelles émissions. Enfin, leurs actions existantes se dévaluent en raison des décotes accordées aux nouveaux entrants.