Résumé :
- Le Bitcoin a récemment montré une décorrélation inattendue avec le S&P 500, restant stable (+1,7%) alors que les marchés boursiers chutaient de près de 10%
- Cette divergence est particulièrement visible dans les indices de peur et d’avidité : 4 (peur extrême) pour les actions contre 30 (légère peur) pour les cryptomonnaies
- Deux explications possibles : soit certains marchés (cryptos, obligations) sous-estiment actuellement le risque, soit la baisse des actions reflète simplement un changement des fondamentaux économiques
- Malgré cette décorrélation, il est peu probable que le Bitcoin devienne une valeur refuge, car il reste perçu comme un actif spéculatif sensible aux taux d’intérêt
- Les perspectives à moyen terme restent négatives pour le Bitcoin, qui pourrait suivre la tendance baissière si les investisseurs cherchent à réduire leur exposition au risque
Imaginez la scène : Wall Street plonge de près de 10%, les investisseurs paniquent… et pendant ce temps-là, le Bitcoin, l’enfant terrible de la finance, s’offre le luxe de gagner 1,7%. Un scénario que personne n’avait anticipé et qui mérite qu’on s’y attarde.
La fin d’une histoire d’amour tumultueuse
Depuis sa création, le Bitcoin a entretenu une relation complexe avec les marchés traditionnels. Les défenseurs des cryptomonnaies ont longtemps vanté sa qualité de « valeur refuge », tandis que leurs détracteurs pointaient du doigt sa forte corrélation avec les actions lors des périodes de crise.
Et ils n’avaient pas tort ! Les chiffres sont sans appel : lors des crashes de 2020 et 2022, le Bitcoin et le S&P 500 ont chuté de concert. Quand la bourse s’enrhumait, le Bitcoin attrapait une pneumonie. Cette danse macabre semblait inscrite dans les gènes de ces deux actifs.
Mais cette semaine, tout a changé.
Quand la peur s’invite à la fête
Pour comprendre l’ampleur du phénomène, il suffit de jeter un œil aux indices de peur et d’avidité (Fear & Greed Index). Côté actions, l’indicateur affiche un inquiétant 4 sur 100, plongeant dans les abysses de la « peur extrême ». En revanche, le monde des cryptomonnaies reste plus serein avec un score qui était à 30 mais depuis descendu à 23, traduisant une inquiétude “plus légère” tout en arrivant aussi dans la catégorie Extreme Fear..

Mais que se passe-t-il vraiment ?
Face à cette situation inédite, deux théories s’affrontent :
Première hypothèse : certains segments du marché, notamment les obligations et les cryptomonnaies, n’ont pas encore pris la mesure du danger qui guette. Ils vivent “en décalé”, déconnecté de la réalité économique, et leur réveil pourrait être brutal.
Deuxième hypothèse : la chute actuelle des marchés actions n’est pas le prélude à un krach mais simplement l’ajustement des valorisations face à de nouvelles données fondamentales, comme la perspective d’une guerre commerciale prolongée. Un phénomène qui n’aurait pas d’impact direct sur le Bitcoin.
D’autres signaux laissent perplexe. Les écarts de crédit (credit spreads) sont en hausse mais restent historiquement bas. Les obligations américaines à long terme se maintiennent à peine au-dessus de leur moyenne mobile sur 200 jours. En clair : pas de mouvement massif de « fuite vers la sécurité » pour l’instant.
Les gros poissons quittent le navire
Un élément particulièrement inquiétant vient compliquer l’équation : alors que les investisseurs particuliers se sont précipités pour « acheter la baisse » il y a deux jours, le marché a continué de chuter de plus de 6% hier. Ce paradoxe suggère que les investisseurs institutionnels – les fameux « smart money » – sont en train de vendre massivement.
Et quand les grands requins de la finance prennent le large, c’est rarement bon signe pour les petits poissons qui restent.
Le Bitcoin, nouveau refuge anti-tempête ?
Les fanatiques des cryptomonnaies pourraient voir dans cette décorrélation le signe que le Bitcoin est enfin en train de devenir la valeur refuge tant promise. Mais ne nous emballons pas trop vite.
Lorsque la panique s’empare des marchés et que les portefeuilles fondent de 6% en une seule journée, la priorité des investisseurs est généralement de réduire leur exposition au risque, pas de l’augmenter. Or, pour beaucoup, le Bitcoin reste un actif hautement spéculatif.
De plus, les périodes de krach coïncident souvent avec des valorisations élevées et des réserves de liquidités limitées. Si les investisseurs n’ont plus d’argent disponible, comment pourraient-ils se ruer sur le Bitcoin ?
N’oublions pas non plus que la cryptomonnaie star est sensible aux taux d’intérêt. Et avec Jerome Powell qui a récemment reconnu les risques inflationnistes, la Réserve fédérale n’est pas près de desserrer sa politique monétaire.
Ce que cela signifie pour votre portefeuille
La divergence actuelle entre le Bitcoin et les marchés actions pourrait sembler encourageante à première vue. Mais attention aux mirages : cette situation pourrait en réalité annoncer des perspectives baissières à moyen terme pour les cryptomonnaies.
À mesure que les marchés continueront de chuter, les investisseurs chercheront à compenser leurs pertes en liquidant leurs positions les plus risquées… dont le Bitcoin. La corrélation pourrait alors revenir, mais dans le sens de la baisse.
Pour le S&P 500, le verdict est plus nuancé. Si la première théorie est correcte, nous pourrions assister à une poursuite de la baisse, mais avec des actifs traditionnels qui résisteraient mieux que les cryptomonnaies. Si c’est la seconde qui l’emporte, nous pourrions connaître une période de stagnation plutôt qu’un rebond rapide.
Dans tous les cas, la prudence reste de mise. Car si l’histoire nous a appris une chose, c’est que les divorces sont rarement paisibles – surtout quand il s’agit de finance.