Résumé :
- Donald Trump lance un décret visant à réduire de 59% les prix des médicaments aux États-Unis
- L’action Sanofi recule de plus de 2%, pendant que le CAC 40 profite de l’apaisement commercial sino-américain
- Le plan prévoit que les USA paieront le même prix que le pays bénéficiant du tarif le plus bas
- Les géants pharmaceutiques mondiaux accusent le coup en bourse, avec des chutes jusqu’à 11%
- Les experts s’interrogent sur la faisabilité juridique de cette mesure
- Medicare et Medicaid représentent 40% des ventes de médicaments aux USA
Alors que les marchés célèbrent la trêve commerciale entre la Chine et les États-Unis, Donald Trump surprend en ciblant les prix des médicaments. Cette décision pénalise Sanofi et les autres laboratoires pharmaceutiques pendant l’euphorie boursière générale. Le président américain souhaite signer un décret qui baisserait les tarifs pratiqués outre-Atlantique, inquiétant l’ensemble du secteur de la santé.
Cette initiative s’inscrit dans un contexte où les Américains paient en moyenne 2,5 fois plus cher leurs médicaments que les Français, selon une étude de la Rand Corporation. Un écart que Donald Trump veut réduire, quitte à perturber les finances d’une des industries les plus solides au monde.
Le choc Trump qui ébranle l’industrie pharmaceutique
L’effet s’est fait sentir immédiatement sur les marchés. Alors que la plupart des valeurs du CAC 40 bénéficiaient de l’accord commercial entre Washington et Pékin, l’action Sanofi a perdu plus de 2% lundi matin. Le géant français n’est pas seul dans cette situation.
Impact de l’annonce de Trump sur les cours boursiers des laboratoires :
- Novo Nordisk (Danemark) : -8,6%
- Roche (Suisse) : -4,5%
- GSK (Royaume-Uni) : -3,5%
- Samsung Biologics et autres laboratoires asiatiques : jusqu’à -11%
- Pfizer (États-Unis) : +2,4%
- Johnson & Johnson (États-Unis) : -0,6%
Sur son réseau Truth Social, avec son style habituel mêlant majuscules et points d’exclamation, Donald Trump a promis une réduction « de 59%, PLUS! » des prix des médicaments vendus aux États-Unis. La signature du décret était annoncée pour le jour même, montrant la volonté du président d’agir vite sans laisser aux laboratoires le temps de s’organiser.
Le système envisagé par Trump est simple en théorie : les États-Unis ne paieraient pas plus cher pour leurs médicaments que le pays obtenant les tarifs les plus bas dans le monde. Une approche qu’il appelle politique de la « nation la plus favorisée« . Plusieurs questions restent sans réponse : s’appliquera-t-elle uniquement à Medicare et Medicaid ? Concernera-t-elle tous les médicaments ou certaines catégories seulement ? Cette incertitude maintient les marchés en alerte.
Un séisme financier aux répercussions mondiales
Pour Sanofi, cette annonce arrive à un moment délicat, alors que le groupe français avait orienté sa stratégie vers les médicaments innovants. Le marché américain constitue une part importante des revenus des laboratoires européens, qui vendent généralement leurs produits plus cher aux États-Unis qu’en Europe. Cette différence de prix, considérée comme normale par les investisseurs, est maintenant menacée par l’initiative de Donald Trump.
Les laboratoires américains semblent mieux résister que leurs homologues européens et asiatiques. À Wall Street, Pfizer gagne 2,4% tandis que Johnson & Johnson perd 0,6%. Cette meilleure tenue pourrait s’expliquer par une connaissance plus précise des limites juridiques américaines, qui pourraient restreindre l’application du décret. Tous les analystes s’accordent sur un point : cette mesure, si elle aboutit, modifiera profondément le secteur.
Facteurs de vulnérabilité des laboratoires | Impact potentiel |
Dépendance au marché américain | Forte baisse des revenus pour les entreprises très exposées aux USA (Takeda, Astellas Pharma, Otsuka) |
Portefeuille de médicaments « à forte disparité » | Risque élevé pour les fabricants de traitements anti-obésité (Novo Nordisk) et autres médicaments vendus beaucoup plus cher aux USA qu’ailleurs |
Niveau de diversification géographique | Protection partielle pour les laboratoires ayant une présence mondiale équilibrée |
Selon Bloomberg et CNBC, l’administration Trump ciblerait d’abord les médicaments présentant « les plus grandes disparités » de prix entre les États-Unis et le reste du monde. Dans cette catégorie figurent les traitements anti-obésité de la famille des antidiabétiques GLP-1, comme l’Ozempic et le Wegovy de Novo Nordisk. Ces produits, devenus populaires, génèrent des milliards de dollars à des prix jugés trop élevés par de nombreux observateurs.
Les doutes sur la faisabilité d’une telle mesure
Evan Seigerman, responsable de la recherche sur les soins de santé chez BMO Capital Markets, rappelle :
« Le gouvernement n’a pas le pouvoir de fixer les prix sur le marché commercial »
Cette limite constitutionnelle pourrait réduire la portée du décret. Toute tentative d’étendre cette mesure au-delà des programmes gouvernementaux rencontrerait probablement l’opposition du Congrès, dont le soutien serait nécessaire pour une législation plus étendue.
Le lobby PhRMA (Pharmaceutical Research and Manufacturers of America) a réagi rapidement. Dans un communiqué, il affirme que :
Quot « la fixation des prix par le gouvernement, sous quelque forme que ce soit, est mauvaise pour les patients américains ».
L’organisation suggère plutôt de :
« s’attaquer à la part croissante des coûts qui reviennent aux intermédiaires dans le système ».
Cette réponse montre la volonté de l’industrie de défendre son modèle économique, même face à la Maison Blanche.
Ce n’est pas la première tentative de Donald Trump. Lors de son premier mandat, une initiative similaire avait été annulée par un tribunal fédéral, les laboratoires ayant fait valoir que l’administration n’avait pas respecté la procédure légale. Toutefois, le président semble cette fois décidé à surmonter toute opposition. Il a d’ailleurs laissé entendre qu’il passerait outre les contestations, malgré les dons importants de certains grands groupes pour son investiture.
Les enjeux économiques pour l’industrie
Même si le décret ne peut légalement s’appliquer qu’aux programmes gouvernementaux, l’impact pourrait être important. Medicare (pour les personnes âgées de plus de 65 ans) et Medicaid (pour les citoyens à faible revenu) représentent ensemble environ 40% de toutes les ventes de médicaments aux États-Unis. Stephen Barker, analyste chez Jefferies, qualifie d' »énorme » l’impact potentiel sur les revenus des laboratoires.
La différence de prix que Trump veut réduire est bien réelle. Selon l’étude de la Rand Corporation, les Américains paient en moyenne 2,5 fois plus cher leurs médicaments sur ordonnance que les Français. Cette situation explique pourquoi les États-Unis, avec moins de 5% de la population mondiale, représentent près de la moitié du chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique. Changer ce système affecterait profondément le secteur.
Dans les semaines à venir, plusieurs éléments seront décisifs. Les observateurs attendent l’annonce officielle du décret et ses détails précis. Les laboratoires engageront probablement des recours juridiques, tandis que la réaction du Congrès américain sera suivie de près. Les marchés financiers évalueront l’impact sur les cours de bourse des laboratoires, pendant que les grands groupes pharmaceutiques prépareront leurs réponses face à ce changement.
L’argument principal des laboratoires pour justifier les prix élevés aux États-Unis est le financement de la recherche. Ils soutiennent que les marges réalisées sur le marché américain sont nécessaires pour investir dans la découverte de nouveaux traitements. Une baisse importante des prix pourrait donc, selon eux, freiner l’innovation médicale. Cet argument, bien que contesté par certains économistes, reste au cœur du débat sur la régulation des prix des médicaments.