Résumé :
- Altice France enregistre un chiffre d’affaires de 2,382 milliards d’euros au T1 2025, en recul de 6,2% en données publiées (-5,8% hors construction) dans la continuité des trimestres précédents.
- L’EBITDA s’établit à 678 millions d’euros (-11,8%) tandis que l’OpFCF (le flux de trésorerie opérationnel libre) résiste mieux à 271 millions d’euros (-2,3%), témoignant d’une gestion rigoureuse des investissements.
- Retournement commercial notable avec 108 000 nouveaux abonnés fixes (dont 100% en fibre) et 17 000 abonnés mobile postpaid, marquant une nette amélioration par rapport aux pertes des trimestres précédents.
- Finalisation imminente de la restructuration financière avec plus de 98% de soutien des créanciers, permettant une réduction substantielle de la dette et un levier pro forma de 4,8x.
- Position de liquidité renforcée à 1,2 milliard d’euros pro forma avec aucune échéance majeure jusqu’en 2029, offrant une visibilité financière à moyen terme.
La performance financière d’Altice : recul des revenus mais maîtrise des coûts
L’évolution trimestrielle des indicateurs clés d’Altice
Indicateur (en M€) | T1 2024 | T1 2025 | Évolution YoY |
Chiffre d’affaires | 2 539 | 2 382 | -6,2% |
Hors construction | 2 406 | 2 268 | -5,8% |
Services résidentiels | 1 593 | 1 486 | -6,7% |
Équipements résidentiels | 153 | 136 | -11,5% |
Services entreprises | 792 | 760 | -4,2% |
EBITDA | 768 | 678 | -11,8% |
Capex accumulé | 490 | 406 | -17,2% |
OpFCF | 278 | 271 | -2,3% |
Le premier trimestre 2025 confirme la tendance baissière des revenus d’Altice France, avec un recul de 5,8% hors construction qui s’inscrit dans la continuité des derniers trimestres (-1,8% au T1 2024, -4,1% au T4 2024). Cette érosion touche particulièrement les services résidentiels (-6,7%) et les équipements (-11,5%), reflétant un environnement concurrentiel intense et des effets prix défavorables.
L’EBITDA subit une contraction plus marquée (-11,8%), illustrant les pressions sur la rentabilité opérationnelle. Cependant, la discipline en matière d’investissements se traduit par une baisse significative des Capex (-17,2%), permettant de limiter l’impact sur l’OpFCF (le flux de trésorerie opérationnel libre qui mesure la capacité d’une entreprise à générer de la trésorerie après avoir couvert ses investissements opérationnels nécessaires) qui ne recule que de 2,3%.
La génération de free cash flow sous pression
L’analyse du free cash flow révèle les défis structurels du groupe :
- EBITDA : 678 M€ de génération de cash opérationnel
- Capex : (406) M€ d’investissements maîtrisés
- Contribution La Poste : +28 M€ pro forma
- OpFCF : 300 M€ avant charges financières
- Charges d’intérêts : (318) M€, principal poste de coût
- Free Cash Flow final : (68) M€ négatif
Le FCF (le free cash flow c’est à dire la trésorerie réellement disponible) négatif de 68 millions d’euros illustre le poids des charges financières (318 M€) qui absorbent la quasi-totalité de l’OpFCF, soulignant l’importance cruciale de la restructuration de la dette en cours.
Redressement commercial d’Altice : signaux encourageants sur tous les segments
Le résidentiel fixe : retour à la croissance
L’évolution trimestrielle des ajouts nets fixes montre une amélioration spectaculaire :
- T1 2024 : 74 000 abonnés perdus
- T2 2024 : 78 000 abonnés perdus
- T3 2024 : 52 000 abonnés perdus
- T4 2024 : 44 000 abonnés perdus
- T1 2025 : 108 000 nouveaux abonnés
Cette performance marque un tournant majeur avec 108 000 nouveaux abonnés nets, intégralement réalisés sur la fibre optique. La base d’abonnés fixes atteint 5,9 millions dont 85% en fibre, positionnant solidement SFR sur le segment premium.
Le mobile postpaid : stabilisation réussie
Le segment mobile postpaid confirme également sa stabilisation avec +17 000 nouveaux abonnés au T1 2025, contrastant avec les pertes importantes des trimestres précédents (-282 000 au T1 2024). La base d’abonnés mobile postpaid s’établit à 14,8 millions, témoignant de la résilience du portefeuille client.
Restructuration financière d’Altice : étape décisive franchie
La transaction avec les créanciers : succès confirmé
En février 2025, Altice France a franchi une étape cruciale dans sa restructuration financière avec la finalisation des accords avec ses créanciers. Cette transaction, soutenue par plus de 98% des créanciers, transforme radicalement le profil financier du groupe.
Les bénéfices clés de la restructuration d’Altice :
- Réduction substantielle de la dette existante et des charges d’intérêts
- Extension significative des maturités de remboursement
- Amélioration du levier pro forma à 4,8x sur base LTM
- Renforcement de la liquidité à 1,2 milliard d’euros pro forma
- Aucune échéance majeure jusqu’en 2029
Une nouvelle structure de capital optimisée
La restructuration aboutit à un profil de dette considérablement amélioré :
Structure de dette pro forma :
- Dette nette totale : 15,494 milliards d’euros
- Durée de vie moyenne pondérée : 6,0 ans
- Coût moyen AF S.A. : 7,125% (après majoration de 137,5 points de base)
- Coût moyen AFH S.A. : 9,125%
- Profil d’échéances étalé jusqu’en 2033
Répartition des échéances :
- 2025-2028 : Échéances limitées (0,98 à 2,75 Md€)
- 2029-2031 : Pic d’échéances (2,69 à 5,02 Md€)
- 2032-2033 : Échéances finales (4,13 à 0,86 Md€)
Cette nouvelle architecture financière offre une visibilité à long terme et réduit significativement le risque de refinancement à court terme, condition essentielle pour permettre au management de se concentrer sur l’amélioration opérationnelle.
Les résultats d’Altice : analyse pour les investisseurs
Les résultats du T1 2025 d’Altice France, bien qu’affichant quelques améliorations ponctuelles, révèlent la persistance de faiblesses structurelles préoccupantes pour les investisseurs. La décroissance continue des revenus (-5,8% hors construction) s’accélère par rapport aux trimestres précédents, traduisant une érosion durable du pricing power dans un marché français saturé et hypercompétitif.
L’effondrement de l’EBITDA (-11,8%) dépasse largement la baisse des revenus, signalant une détérioration des leviers opérationnels et des difficultés à répercuter l’inflation des coûts. Cette compression des marges, dans un contexte où les investissements télécoms restent incompressibles à long terme, interroge sur la soutenabilité du modèle économique actuel.
Le free cash flow négatif de 68 millions d’euros, malgré une réduction drastique des Capex, souligne l’ampleur du défi financier. Les charges d’intérêts de 318 millions d’euros absorbent l’intégralité de l’OpFCF, illustrant l’étau financier qui contraint encore sévèrement la capacité d’investissement du groupe.
Bien que la restructuration de dette apporte un répit bienvenu, elle s’accompagne d’une dilution significative pour les actionnaires historiques (45% du capital cédé aux créanciers) et maintient un levier élevé de 4,8x qui limite les marges de manœuvre futures. Dans un secteur en mutation technologique rapide nécessitant des investissements massifs (5G, fibre, edge computing), cette contrainte financière persistante pourrait compromettre la capacité concurrentielle à moyen terme.