Les cinq leviers économiques de la Chine face aux nouvelles taxes américaines

L'escalade atteint des sommets avec des droits de douane chinois à 125% contre 145% côté américain. Mais la Chine garde ses atouts les plus puissants en réserve : 772 milliards de dollars de dette américaine, dévaluation stratégique du yuan, terres rares indispensables à l'industrie militaire... Découvrez comment Pékin pourrait mettre Washington à genoux dans ce bras de fer économique sans précédent.

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Résumé :

  • Donald Trump a relancé une guerre commerciale en imposant jusqu’à 145% de droits de douane sur les produits chinois
  • La Chine a riposté avec des surtaxes allant jusqu’à 125% mais possède d’autres moyens de pression
  • Pékin détient 772,5 milliards de dollars de dette américaine qu’elle pourrait menacer de vendre
  • La baisse du yuan permet de contourner partiellement l’effet des taxes douanières
  • La Chine contrôle 70% de la production mondiale de terres rares nécessaires à l’industrie américaine
  • Malgré ces atouts, la Chine demeure dépendante du marché américain pour ses exportations

Début avril 2025, la guerre commerciale entre les deux premières puissances mondiales a franchi un nouveau cap. Donald Trump, fidèle à sa ligne dure envers la Chine, a déclenché une escalade tarifaire inédite en imposant une surtaxe initiale de 34% sur les produits chinois, rapidement portée à 145%. Face à cette offensive, Pékin a immédiatement répliqué avec des droits de douane atteignant 125%.

Au-delà de cette simple riposte tarifaire, l’Empire du Milieu dispose d’un arsenal économique bien plus vaste pour mettre Washington sous pression. Si cette guerre commerciale fait déjà vaciller les marchés financiers, elle pourrait rapidement s’intensifier. En effet, la Chine n’a pas encore utilisé ses armes les plus efficaces. Examen des leviers économiques chinois et de leurs effets potentiels sur l’économie américaine.

Les bons du Trésor américain : l’arme financière de Pékin

La Chine, deuxième créancier des États-Unis

La Chine détient un atout considérable : sa position de deuxième créancier des États-Unis. Avec 772,5 milliards de dollars de bons du Trésor américain, soit environ 2% de la dette publique américaine qui dépasse désormais 36 000 milliards de dollars, Pékin dispose d’un levier financier important. Seul le Japon devance la Chine dans ce classement des créanciers étrangers de Washington.

Cette stratégie d’acquisition de dette américaine est calculée. Elle permet à la Chine de réinvestir les gains obtenus grâce à ses excédents commerciaux, d’éviter une hausse trop forte du yuan qui nuirait à ses exportations et de maintenir un accès privilégié au marché américain. Un circuit plutôt avantageux pour l’économie chinoise, qui paradoxalement finance son rival géopolitique.

La menace d’une vente massive de dette américaine

Dans le contexte actuel, l’hypothèse que la Chine utilise cette arme financière devient plausible. Une vente massive de bons du Trésor par Pékin créerait un surplus de titres sur le marché obligataire. Cette abondance forcerait les États-Unis à proposer des rendements plus élevés pour attirer de nouveaux acheteurs, ce qui entraînerait diverses répercussions économiques.

Conséquences pour les USAImpact économique
Hausse des taux d’intérêtRalentissement de la consommation
Augmentation du coût des empruntsFrein à l’activité des entreprises
Alourdissement du service de la dettePression sur le budget fédéral

Toutefois, cette option comporte des risques pour la Chine elle-même. François Chimits, économiste au Mercator Institute for China Studies, souligne qu’une :

telle vente irait à l’encontre de la doctrine chinoise de stabilité financière. » 

Une déstabilisation des marchés obligataires américains pourrait déclencher une crise financière dont la Chine serait également victime.

La manipulation monétaire comme bouclier commercial

Le contrôle strict du yuan par Pékin

Le contrôle de sa monnaie représente un autre levier pour la Chine. Contrairement au dollar qui fluctue librement, le yuan est encadré par les autorités chinoises. Chaque jour, la Banque populaire de Chine fixe un taux pivot autour duquel le yuan peut varier dans une marge définie, donnant au gouvernement une maîtrise directe sur la valeur de sa devise.

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Cette méthode permet à Pékin d’ajuster la valeur de sa monnaie selon ses intérêts. Le 10 avril dernier, le yuan a atteint son niveau le plus bas depuis 2007, soit 7,35 yuans pour un dollar, un timing significatif dans le contexte d’escalade tarifaire. Ce n’est pas la première fois que la Chine utilise sa politique monétaire pour contrer des pressions commerciales externes.

Les avantages et risques d’un yuan faible

En maintenant un yuan faible face au dollar, la Chine rend ses exportations plus compétitives sur le marché international. C’est une façon de réduire l’impact des droits de douane américains qui, malgré leur niveau de 145%, ne parviennent pas à éliminer l’avantage compétitif chinois. Cette stratégie monétaire s’apparente à une contre-attaque discrète mais efficace.

Cette approche présente néanmoins plusieurs écueils. Donald Trump a déjà accusé Pékin de manipuler sa monnaie pour compenser les droits de douane. Ces accusations pourraient conduire à des sanctions supplémentaires. De plus, un yuan déprécié rend les importations plus coûteuses pour la Chine, ce qui peut freiner la consommation intérieure alors même que Pékin cherche à rééquilibrer son modèle vers sa demande domestique. Un véritable dilemme pour les autorités chinoises qui doivent soutenir leurs exportateurs tout en stimulant leur marché intérieur.

Le déficit commercial américain : un levier de négociation

Une balance commerciale favorable à la Chine

Le déficit commercial des États-Unis face à la Chine demeure un point de friction majeur. En 2024, malgré plusieurs années de tensions et de barrières douanières, ce déficit s’élevait encore à 295,4 milliards de dollars. Ce chiffre masque une réalité plus nuancée : la Chine a partiellement contourné les mesures protectionnistes américaines en faisant transiter ses marchandises par des pays tiers comme le Vietnam et le Mexique.

Ce déséquilibre, longtemps accepté par Washington, est devenu l’une des priorités de Donald Trump dès 2016. Sa lutte contre cette asymétrie s’est traduite par une politique agressive de taxes douanières, maintenue sous la présidence Biden et renforcée depuis son retour à la Maison Blanche en janvier 2025. La réduction de ce déficit est devenue un objectif presque obsessionnel pour l’administration américaine.

La dépendance américaine aux produits chinois

Si le déficit commercial préoccupe tant les États-Unis, il constitue paradoxalement un atout pour la Chine. L’exemption récente de surtaxes sur certains produits technologiques, notamment ceux d’Apple, révèle la dépendance persistante des consommateurs et entreprises américains aux produits chinois. Cette dépendance donne à Pékin un pouvoir de négociation substantiel face à Washington.

Néanmoins, une baisse durable de la consommation américaine affecterait gravement les ventes chinoises à l’étranger. Pour s’adapter, la Chine tente de stimuler sa consommation intérieure par diverses mesures fiscales et de se tourner davantage vers d’autres marchés, notamment européens. Mais comme le note François Chimits : 

« la capacité d’achat des ménages chinois est limitée et leurs habitudes de consommation diffèrent de celles des Américains »

 Cela rendant cette adaptation complexe à court terme.

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Les investissements croisés : un jeu d’équilibriste

Les intérêts chinois aux États-Unis

Les capitaux placés représentent un autre domaine d’interdépendance entre les deux économies. En 2023, les fonds chinois aux États-Unis s’élevaient à 43,9 milliards de dollars, soutenant 117 100 emplois américains, principalement dans les secteurs de la fabrication, du commerce de gros et de la finance.

Le volume de ces placements a cependant diminué ces dernières années. Après une forte croissance en 2014, ils ont ralenti en 2016 suite aux nouvelles politiques restrictives de Pékin. Cette tendance s’est accentuée avec les barrières américaines aux capitaux chinois dans les secteurs stratégiques, particulièrement technologiques.

L’importance des capitaux américains en Chine

Selon Bloomberg, la Chine aurait récemment limité les activités financières de ses entreprises aux États-Unis. Toutefois, utiliser ces fonds comme simple moyen de pression serait réducteur. L’économiste Mary-Françoise Renard explique que :

« la baisse des apports chinois aux États-Unis peut détruire des emplois et aggraver les problèmes économiques américains, mais comporte aussi un coût pour la Chine. »

Les placements aux États-Unis offrent à la Chine un accès direct au marché américain, des transferts de compétences dans des secteurs avancés et une intégration dans les chaînes de valeur internationales. De plus, les capitaux américains en Chine restent significatifs : 127 milliards de dollars en 2023. C’est pourquoi Pékin tente de rassurer les sociétés américaines présentes sur son territoire, conscient de leur apport pour son développement.

Les terres rares : l’arme stratégique ultime

Le quasi-monopole chinois sur ces ressources essentielles

L’atout peut-être le plus décisif dans l’arsenal économique chinois réside dans son contrôle des terres rares. Ces 17 éléments chimiques sont indispensables à la fabrication de nombreuses technologies modernes, des smartphones aux équipements militaires.

Élément de terre rareApplications principales
NéodymeAimants permanents, moteurs électriques, éoliennes
LanthaneBatteries, catalyseurs, optique
DysprosiumAimants haute performance, lasers
YttriumÉcrans LED, céramiques spéciales
EuropiumÉcrans couleur, éclairage fluorescent

La Chine occupe une position dominante sur ce marché stratégique, avec 70% de la production mondiale de minerais de terres rares et 90% de leur raffinage. Les États-Unis dépendent de la Chine pour 70% de leurs besoins en ces matériaux critiques.

L’offensive chinoise sur les exportations de terres rares

Face à l’escalade des tensions, Pékin a commencé à utiliser cette ressource comme levier. Début avril, la Chine a restreint les expéditions de terres rares raffinées et d’aimants, soumettant sept métaux lourds à un régime de licences spéciales. Ce système, encore partiellement en place, provoque déjà des blocages dans les ports chinois et sème l’inquiétude chez les fabricants occidentaux.

Cette mesure vise clairement les chaînes d’approvisionnement technologiques américaines, avec un impact potentiellement sévère sur l’industrie de défense. Selon le Center for Strategic and International Studies, l’avion de combat F-35 contient plus de 400 kg de terres rares, un destroyer DDG-51 en nécessite environ 2 250 kg et un sous-marin de classe Virginia en utilise environ 4 250 kg. Une pénurie prolongée compromettrait sérieusement la production d’armements essentiels.

Cette stratégie pourrait cependant s’avérer contre-productive à long terme. Vincent Donnen, cofondateur de la Compagnie des métaux rares à Genève, observe qu’en révélant les vulnérabilités occidentales, Pékin encourage ses adversaires à diversifier leurs sources d’approvisionnement et à relocaliser leur production, menaçant à terme la position dominante chinoise dans ce secteur clé.

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