Résumé :
- Les nouvelles taxes douanières de Trump pourraient coûter plus d’un milliard de dollars par an aux fabricants américains de semi-conducteurs, avec environ 350 millions de pertes pour chacun des trois grands équipementiers (Applied Materials, Lam Research, KLA).
- Nvidia doit désormais obtenir une licence spéciale pour exporter ses puces H20 vers la Chine, pour une durée indéterminée, entraînant une charge financière de 5,5 milliards de dollars.
- Les géants technologiques chinois (Alibaba, Tencent, ByteDance) avaient anticipé ces restrictions en commandant pour 16 milliards de dollars de puces H20 au premier trimestre 2025.
- Trump a annoncé que Nvidia s’est engagé à investir 500 milliards de dollars dans la construction de superordinateurs d’IA aux États-Unis.
- Ces mesures reflètent l’intensification de la guerre commerciale technologique entre les États-Unis et la Chine, avec des répercussions mondiales sur l’industrie des semi-conducteurs.
Un milliard de dollars parti en fumée
L’industrie américaine des semi-conducteurs traverse une zone de turbulences sans précédent. Selon des estimations sectorielles discutées la semaine dernière à Washington, les géants du secteur pourraient subir des pertes annuelles dépassant le milliard de dollars à cause des nouvelles taxes douanières imposées par le président Trump.
Les trois mastodontes américains, Applied Materials, Lam Research et KLA, sont chacun dans la ligne de mire avec des pertes potentielles d’environ 350 millions de dollars par an. À leurs côtés, des entreprises de taille plus modeste comme Onto Innovation pourraient voir s’envoler plusieurs dizaines de millions de dollars.
Ces pertes astronomiques s’expliquent par un cocktail explosif : effondrement des ventes internationales, flambée des coûts dans la chaîne d’approvisionnement et explosion des dépenses liées à la conformité réglementaire. Et comme si cela ne suffisait pas, l’administration Trump, tout en suspendant certaines taxes réciproques, envisage déjà de nouvelles mesures pour stimuler la fabrication nationale. Une enquête sur les importations d’équipements de puces a même été lancée.
Le coup de massue pour Nvidia
Parallèlement à ce marasme, Nvidia vient de recevoir un coup de massue. Le gouvernement américain exige désormais une licence spéciale pour l’exportation de ses GPU H20 vers la Chine, une licence qui sera nécessaire… pour une durée indéterminée.
La réaction de Wall Street ne s’est pas fait attendre : les actions du géant de l’IA ont plongé de 6% lors des échanges post-marché de mardi. La raison invoquée par Washington ? « Le risque que ces produits soient utilisés dans un superordinateur chinois ou détournés vers celui-ci. »
Cette décision est d’autant plus douloureuse que la puce H20 représentait la technologie la plus avancée de Nvidia encore autorisée à l’exportation vers l’Empire du Milieu. Les précédentes générations de GPU dédiées à l’intelligence artificielle avaient déjà été bannies, mais le H20 avait été spécifiquement conçu pour respecter les restrictions à l’exportation.
La course contre la montre des géants chinois
Les géants technologiques chinois, sentant le vent tourner, s’étaient lancés dans une course effrénée pour sécuriser leurs approvisionnements. Alibaba, Tencent et ByteDance ont ainsi passé pour au moins 16 milliards de dollars de commandes de puces serveur H20 au cours des trois premiers mois de 2025, tentant désespérément de prendre de vitesse l’embargo américain.
Malgré cette frénésie d’achats, ces entreprises devront maintenant trouver des alternatives – probablement en se tournant vers des fournisseurs nationaux comme Huawei, dont les capacités technologiques restent cependant en retrait par rapport aux solutions américaines.
L’Amérique d’abord : la stratégie de Trump
Au milieu de ce chaos, Donald Trump affiche une détermination sans faille. Mardi matin, le président américain a annoncé sur Truth Social que Nvidia s’était engagé à investir la somme pharaonique de 500 milliards de dollars pour construire des superordinateurs d’IA sur le sol américain.
« C’est une nouvelle très importante et excitante, » a-t-il déclaré. « Tous les permis nécessaires seront accélérés et rapidement délivrés à NVIDIA, comme ils le seront pour toutes les entreprises qui s’engagent à faire partie de l’Âge d’Or de l’Amérique ! »
Cette annonce s’inscrit parfaitement dans la stratégie « America First » du président, visant à rapatrier la production technologique stratégique sur le sol national, quitte à bousculer les équilibres commerciaux mondiaux.
Vers une restructuration mondiale du secteur ?
Ces événements marquent un tournant décisif dans l’industrie des semi-conducteurs. Alors que les tensions entre les États-Unis et la Chine s’intensifient, les entreprises du secteur sont contraintes de repenser entièrement leurs stratégies globales.
Pour Nvidia, qui voit s’envoler un marché de plusieurs milliards de dollars, la priorité sera désormais de renforcer ses positions en Amérique du Nord, en Europe et dans les pays alliés. L’investissement massif promis sur le sol américain témoigne de cette réorientation stratégique.
Quant aux fabricants chinois, ils vont redoubler d’efforts pour développer leurs propres technologies et réduire leur dépendance vis-à-vis des fournisseurs américains. Cette course à l’autonomie technologique pourrait accélérer l’émergence d’un monde bipolaire dans le domaine des semi-conducteurs.
En attendant, l’industrie mondiale des semi-conducteurs retient son souffle. Les décisions prises aujourd’hui façonneront non seulement l’avenir de ce secteur stratégique, mais aussi l’équilibre des pouvoirs dans la nouvelle guerre froide technologique qui se dessine entre Washington et Pékin.
