Résumé :
- 1,3 million d’euros de sanctions contre Altaroc Partners et ses dirigeants Maurice Tchenio et Patrick de Giovanni
- Quatre manquements majeurs : procédures d’investissement défaillantes, documentation commerciale insuffisante, rétrocessions douteuses, obligations anti-blanchiment non respectées
- Altaroc Partners, acteur central du private equity français étroitement lié à Altamir
- Signal fort de l’AMF qui durcit sa régulation après avoir sanctionné Eternam quelques jours plus tôt
- Impact sectoriel attendu : renforcement probable des procédures de compliance chez tous les concurrents
Les faits : des manquements graves aux obligations professionnelles
Le 15 septembre 2025, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a rendu un verdict sans appel concernant Altaroc Partners (anciennement Amboise Partners SA) et ses deux dirigeants principaux. La société de gestion écope d’une amende de 600 000 euros, tandis que Maurice Tchenio, président et fondateur de 82 ans, devra s’acquitter de 500 000 euros. Patrick de Giovanni, co-dirigeant de l’époque, se voit quant à lui infliger une sanction de 200 000 euros.
Qui est Altaroc Partners ?
Altaroc Partners n’est pas n’importe quelle société de gestion. Acteur central de l’écosystème du private equity français, elle développe une stratégie hybride mêlant gestion traditionnelle, co-investissement et philanthropie. Étroitement liée à Altamir, la société bénéficie d’un réseau d’investisseurs professionnels de premier plan et revendique une position de leader sur son marché.
Les griefs retenus par l’AMF
La Commission des sanctions a identifié quatre catégories principales de manquements :
1. Défaillances dans les processus d’investissement
- Absence de procédures opérationnelles encadrant les investissements et désinvestissements
- Non-vérification de l’habilitation des entités octroyant des prêts aux fonds gérés
- Manque de diligence, de soin et de compétence professionnelle
2. Carences dans la documentation commerciale
- Plusieurs défauts relevés dans les documents destinés aux investisseurs
- Informations insuffisantes ou inadéquates
3. Problèmes de rétrocessions
- Impossibilité de prouver que les commissions versées aux distributeurs amélioraient effectivement le service client
- Questionnements sur la transparence de la gamme Altaroc Global
4. Manquements LCB-FT
- Diligences insuffisantes en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux
- Non-respect systématique des obligations anti-financement du terrorisme
Une défense qui n’a pas convaincu
Lors des audiences, la défense d’Altaroc Partners avait tenté de minimiser la portée des reproches. Les avocats Albane Lancrenon et Philippe Ginnestié avaient notamment contesté la compétence de l’AMF concernant certains prêts, qu’ils qualifiaient de « co-investissements ». Ils avaient également assuré qu' »il n’y a eu aucune conséquence pour les investisseurs ».
Maurice Tchenio, de son côté, avait insisté sur le fait que « toutes les insuffisances ont été retenues, comprises et corrigées » depuis le contrôle de l’AMF.
Un signal fort de l’AMF
Cette sanction s’inscrit dans une série de mesures répressives prises par l’AMF en septembre 2025. Quelques jours auparavant, la société Eternam avait également été sanctionnée à hauteur de 400 000 euros pour des manquements similaires dans le secteur de l’immobilier.
Cette double sanction témoigne de la volonté de l’AMF de renforcer le contrôle des sociétés de gestion, particulièrement dans des secteurs en forte croissance comme le private equity et les club deals.
Quelles conséquences pour le marché ?
La sanction d’Altaroc Partners pourrait avoir des répercussions significatives sur l’ensemble du secteur :
- Renforcement des procédures de compliance chez les concurrents
- Vigilance accrue des investisseurs sur la qualité des processus internes
- Possibles révisions à la hausse des budgets dédiés au contrôle interne
Un recours possible
La décision de la Commission des sanctions peut faire l’objet d’un recours. Altaroc Partners et ses dirigeants disposent donc encore de moyens légaux pour contester cette sanction, même si les chances de succès semblent limitées au regard de la solidité du dossier de l’AMF.
Le mot de la fin
Cette affaire illustre parfaitement la montée en puissance du contrôle réglementaire dans le secteur financier français. L’AMF, par cette sanction exemplaire, envoie un message clair : les manquements aux obligations professionnelles, même sans préjudice direct aux investisseurs, seront désormais sanctionnés avec la plus grande fermeté.
Pour Altaroc Partners, l’heure est maintenant à la reconstruction de sa réputation et au renforcement de ses procédures internes. Une épreuve qui pourrait finalement contribuer à consolider sa position sur le marché du private equity français, à condition de tirer tous les enseignements de cette sanction historique.