Résumé :
- Deux gouverneurs nommés par Trump (Bowman et Waller) soutiennent une baisse des taux en juillet, créant la plus grande discorde interne depuis des décennies
- Trump envisage de remplacer Powell dès cet été et devra choisir son successeur parmi les gouverneurs actuels, favorisant ceux qui soutiennent l’assouplissement monétaire
- La probabilité d’une baisse de taux en juillet a doublé, passant de 14% à 25% selon les marchés à terme
- Les présidents des banques régionales, menés par John Williams (New York Fed), prônent la patience et jugent le taux actuel (4,25%-4,5%) approprié
- L’impact inflationniste des barrières commerciales divise les responsables entre ceux qui minimisent les risques et ceux qui privilégient la prudence
Division historique au sein du comité monétaire
Deux gouverneurs nommés par Trump, Michelle Bowman et Christopher Waller, ont récemment exprimé leur soutien à une baisse des taux dès la réunion de juillet. Cette position marque un tournant décisif dans les débats internes de la Fed.
Michelle Bowman, nommée vice-présidente pour la supervision bancaire par Trump cette année, a surpris les analystes par ce revirement. L’année dernière, elle figurait parmi les voix les plus restrictives de la banque centrale, allant jusqu’à voter contre une baisse d’un demi-point en septembre.
Christopher Waller, ancien directeur de recherche de la Fed de Saint-Louis, réitère quant à lui son ouverture à un assouplissement monétaire depuis plusieurs semaines.
Les marchés anticipent un changement de cap
Cette évolution des positions a immédiatement impacté les anticipations des investisseurs. La probabilité d’une baisse de taux en juillet est passée d’environ 14% à près de 25% selon les marchés à terme de taux d’intérêt.
Cependant, cette dynamique s’est heurtée à la résistance d’autres responsables de la Fed. John Williams, président de la Fed de New York, a rapidement tempéré les attentes en déclarant que le taux directeur actuel, compris entre 4,25% et 4,5%, demeure « entièrement approprié ».
Plusieurs présidents de banques régionales ont rejoint Williams dans cette position prudente, appelant à davantage de patience avant tout assouplissement.
Un niveau de discorde exceptionnel
Si Waller et Bowman votent effectivement contre le maintien des taux lors de la prochaine réunion, la Fed connaîtrait sa première dissension simultanée de deux gouverneurs depuis 32 ans. Les gouverneurs de Washington votent traditionnellement de manière groupée.
« C’est la période la plus divisée qu’ils aient connue depuis longtemps », analyse Matthew Luzzetti, économiste chez Deutsche Bank.
Cette fracture se reflète dans les projections trimestrielles publiées la semaine dernière : 10 responsables soutiennent 2 à 3 baisses de taux sur les quatre réunions restantes de 2025, tandis que 7 préfèrent maintenir la politique actuelle jusqu’en 2026.
L’ombre de la succession de Powell
La pression exercée par Trump sur Powell prend une dimension particulière dans ce contexte. Le président doit désigner le successeur de Powell en puisant parmi les six autres gouverneurs actuels de la Fed.
Trump pourra également nommer un nouveau gouverneur dès la fin janvier, lorsque le mandat d’Adriana Kugler arrivera à échéance.
L’hostilité affichée du président envers Powell et ses demandes répétées de baisses de taux suggèrent que tout candidat à la présidence devra démontrer sa disposition à assouplir la politique monétaire.
Selon l’économiste Donald Luskin, Waller « lance sa candidature » pour le poste de président en plaidant constamment pour des baisses de taux cette année.
Le défi des tarifs douaniers
Au-delà des considérations politiques, le débat interne porte sur l’impact économique des barrières commerciales. Powell a indiqué mardi lors de son témoignage au Congrès que sans la menace inflationniste des tarifs, la Fed aurait déjà procédé à davantage de baisses.
Les partisans d’un assouplissement en juillet, menés par Waller et Bowman, mettent en avant les progrès substantiels dans la lutte contre l’inflation. L’indicateur d’inflation préféré de la Fed devrait s’établir à 2,3% en glissement annuel pour mai, proche de l’objectif de 2%.
Waller estime que les entreprises ne répercuteront qu’une partie des coûts tarifaires sur les consommateurs, limitant ainsi l’impact inflationniste. Bowman considère que l’affaiblissement économique actuel empêchera une spirale inflationniste comparable à celle du début des années 2020.
La prudence l’emporte encore
Les sceptiques d’une baisse estivale jugent prématuré tout relâchement de la vigilance anti-inflationniste. Williams s’appuie sur une enquête de la Fed de New York montrant que de nombreuses entreprises répercutent intégralement leurs coûts tarifaires.
Certains économistes redoutent que les entreprises aient simplement constitué des stocks avant l’application des tarifs, retardant ainsi les hausses de prix. Avec le souvenir encore vif de l’inflation galopante, ils craignent que les consommateurs ne réagissent de manière excessive à toute nouvelle hausse.
Mary Daly, présidente de la Fed de San Francisco, privilégie une approche plus tardive malgré son penchant pour des taux plus bas : « Je regarde plutôt vers l’automne ».
La Fed se trouve ainsi à un carrefour critique, tiraillée entre les pressions politiques, les divisions internes et les incertitudes économiques, avec en toile de fond la question cruciale de sa future direction.