Résumé :
- La Cour de commerce international des États-Unis a unanimement bloqué l’ensemble des droits de douane imposés par l’administration Trump, estimant que le président avait outrepassé ses pouvoirs constitutionnels.
- Les juges considèrent que l’invocation de la loi d’urgence économique de 1977 pour imposer des surtaxes allant de 10% à 50% constitue un abus de pouvoir, ces prérogatives relevant exclusivement du Congrès américain.
- L’administration Trump dispose de dix jours pour se conformer à l’ordonnance et a immédiatement fait appel, ouvrant la voie à une bataille juridique qui pourrait remonter jusqu’à la Cour suprême.
- Les marchés financiers ont réagi positivement à cette décision avec une hausse des contrats à terme, tandis que la Maison-Blanche dénonce une décision de « juges non élus » et réaffirme sa détermination à poursuivre sa politique protectionniste.
La Cour de commerce international des États-Unis a porté un coup dur à la stratégie commerciale trumpienne en annulant purement et simplement l’intégralité des droits de douane imposés par l’administration. Cette décision unanime de trois juges fédéraux ne laisse aucune place à l’ambiguïté : le président américain a outrepassé ses prérogatives constitutionnelles.
Une gifle retentissante pour l’homme le plus puissant du monde
L’ironie de la situation n’échappera à personne. Trump, qui s’était vanté de maîtriser l’art du deal et de plier les nations à sa volonté par la force de ses droits de douane, se retrouve désarmé par ses propres juges. La cour a estimé que les fameux droits de douane « réciproques », cette arme de destruction massive économique brandie depuis le 2 avril, relevaient exclusivement de la compétence du Congrès américain.
Les magistrats ont été particulièrement sévères dans leur analyse. Ils considèrent que l’invocation de la loi d’urgence économique internationale de 1977 constitue un abus de pouvoir caractérisé. Cette législation, conçue pour faire face à des menaces « extraordinaires et inhabituelles », ne peut pas servir de prétexte pour imposer une surtaxe illimitée sur pratiquement tous les pays du monde.
La sentence est d’autant plus humiliante que l’administration Trump ne dispose que de dix jours pour se conformer à l’ordonnance. Un délai dérisoire qui souligne l’urgence de la situation et l’ampleur du désaveu judiciaire.
Wall Street respire, la Maison-Blanche fulmine
La réaction des marchés financiers ne s’est pas fait attendre. Dès l’annonce de la décision judiciaire, les contrats à terme ont grimpé : +1,27% pour le Dow Jones et +1,90% pour le Nasdaq.
Mais à la Maison-Blanche, l’humeur est tout autre. Le porte-parole Kush Desai a immédiatement contre-attaqué, dénonçant une décision prise par des « juges non élus » qui n’auraient « pas le pouvoir de décider comment gérer convenablement une urgence nationale ».
La riposte de Trump ne s’est pas fait attendre : l’administration a fait appel dans la foulée, ouvrant la voie à une bataille juridique qui pourrait remonter jusqu’à la Cour suprême. Mais cette procédure d’appel ne suspend pas l’effet immédiat de la décision : les droits de douane doivent être levés dans les dix jours.
L’effondrement d’un château de cartes tarifaire
Depuis son retour au pouvoir, le président américain avait transformé les droits de douane en véritable arme de guerre économique, multipliant les menaces et les escalades.
L’escalade avec la Chine avait atteint des sommets, avec des taux culminant à 125% côté américain et 145% côté chinois, avant qu’un accord de suspension temporaire ne ramène ces taux à des niveaux plus supportables : 10% sur les produits américains et 30% sur les produits chinois.
L’Union européenne n’avait pas été épargnée, Trump menaçant encore vendredi dernier d’imposer 50% de droits de douane sur les produits européens, avant de reculer face aux pressions et d’accorder une pause jusqu’au 9 juillet.
Cette volatilité permanente avait créé un climat d’incertitude économique que le secrétaire au Trésor Scott Bessent avait lui-même qualifié de « stratégique ». Une stratégie qui se retourne aujourd’hui contre son concepteur.
Les géants du commerce dans la tourmente
Les conséquences de cette guerre tarifaire avaient déjà commencé à se faire sentir dans les rayons des grandes enseignes américaines. Macy’s, Walmart et Shein avaient été contraints d’annoncer des hausses de prix pour compenser l’impact des surtaxes. Cette répercussion sur les consommateurs américains minait l’argument central de Trump selon lequel les droits de douane ne coûtaient rien aux Américains.
Les experts en logistique et les professionnels du transport maritime avaient alerté sur l’intensification attendue des perturbations, évoquant des problèmes d’approvisionnement et des hausses de prix généralisées. Cette décision judiciaire pourrait donc éviter aux consommateurs américains une flambée des prix particulièrement douloureuse à l’approche des fêtes de fin d’année.
Un précédent lourd de conséquences
La loi IEEPA, sur laquelle s’appuyait Trump, était jusqu’à présent la seule à avoir été utilisée dans ce contexte. Cette décision judiciaire pourrait donc marquer un tournant dans l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif américains.
L’avocat Ilya Somin, professeur de droit à l’université George Mason et conseil dans cette affaire, n’a pas caché sa satisfaction : « C’est une victoire majeure dans la bataille juridique contre ces droits de douane néfastes et illégaux. » Il souligne que « la nature virtuellement illimitée de l’autorité revendiquée par Trump est une raison clé pour laquelle les tribunaux doivent annuler ces droits de douane. »
Cette décision marque peut-être la fin de l’ère de l’unilatéralisme commercial trumpien. Reste à voir si la Cour suprême, dont trois juges ont été nommés par Trump lui-même, confirmera cette interprétation restrictive des pouvoirs présidentiels. En attendant, c’est tout l’édifice de la politique commerciale de l’administration qui vacille sur ses fondements juridiques fragiles.