Résumé :
- La Commission européenne a proposé un plan pour interdire totalement les importations de gaz russe d’ici fin 2027, avec une première étape interdisant les nouveaux contrats dès fin 2025.
- Actuellement, le gaz russe représente encore 19% des importations gazières de l’UE, contre 45% avant 2022.
- La Commission n’a pas précisé comment les entreprises pourront rompre leurs contrats sans encourir des pénalités qui pourraient s’élever à 40-50 milliards d’euros selon TotalEnergies.
- Les États membres devront élaborer des plans nationaux pour l’élimination progressive du gaz russe et les propositions juridiques seront présentées en juin.
- L’UE prévoit d’augmenter ses importations de GNL américain pour remplacer les volumes russes, répondant ainsi aux demandes du président Trump.
Le plan de divorce énergétique en deux temps
« Il est temps pour l’Europe de rompre complètement ses liens énergétiques avec un fournisseur peu fiable », a déclaré sans ambages Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Le message est limpide : l’Europe veut tourner définitivement la page de sa dépendance au gaz russe.
Le plan d’action se déroulera en deux étapes bien distinctes :
- D’abord, interdiction des nouveaux contrats et des contrats courts avec les entreprises russes dès fin 2025
- Ensuite, extinction totale de toutes les importations de gaz russe d’ici fin 2027
Un changement radical quand on sait que la Russie représentait encore 45% des approvisionnements gaziers européens avant 2022. Si ce chiffre est tombé à 19% aujourd’hui, il reste considérable.
Des entreprises européennes dans l’embarras
Cette décision place des géants comme TotalEnergies dans une position délicate. Le groupe français est encore lié à la Russie par plusieurs contrats d’approvisionnement de long terme.
Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, avait d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme dès 2022 : « Faute de sanctions européennes officielles, dénoncer unilatéralement nos contrats de gaz de long terme avec la Russie nous obligerait à verser 40 à 50 milliards de pénalités. »
La question qui se pose maintenant est de savoir comment la Commission européenne va permettre juridiquement aux entreprises de rompre leurs contrats sans s’exposer à des pénalités astronomiques. Pour l’instant, Bruxelles reste muette sur ce point crucial.
L’Amérique en embuscade
Dans ce jeu de chaises musicales énergétique, les États-Unis semblent bien positionnés pour tirer leur épingle du jeu. La Commission a d’ailleurs fait part de sa volonté d’acheter davantage de GNL américain pour remplacer les volumes russes.
Cette mesure répond directement aux demandes du président américain Donald Trump, qui cherche à réduire l’excédent commercial de l’UE avec les États-Unis. Une aubaine pour l’industrie gazière américaine, qui voit s’ouvrir grand les portes du marché européen.
Un défi de taille pour l’Europe
Si la volonté politique est clairement affichée, le chemin pour y parvenir s’annonce semé d’embûches. Les propositions juridiques seront présentées en juin et devront être approuvées par le Parlement européen ainsi que par une majorité qualifiée des pays membres.
Chaque État membre devra élaborer son propre plan national pour l’élimination progressive du gaz russe, et du pétrole dans le cas de la Slovaquie et de la Hongrie, qui dépendent encore fortement des hydrocarbures russes.
La Commission affirme que ces propositions, si elles sont mises en œuvre parallèlement à l’évolution du marché mondial, devraient limiter l’impact sur les prix de l’énergie en Europe. Mais beaucoup d’experts restent sceptiques face à ce pari énergétique.
Une chose est certaine : l’Europe est bien décidée à ne plus permettre « à la Russie d’utiliser l’énergie comme arme », comme l’a souligné le commissaire européen Dan Jorgensen. Reste à savoir si le continent pourra relever ce défi sans mettre à mal son économie déjà fragilisée.