Résumé :
- Trump impose un tarif de base de 10% sur toutes les importations, avec 34% pour la Chine et 20% pour l’UE
- Le S&P 500 plonge de 3,2%, sa plus forte chute quotidienne depuis septembre 2022
- Le dollar américain s’effondre de près de 2% en une journée et perd plus de 5,8% depuis le début de l’année
- Les investisseurs anticipent désormais 85 points de base de baisse des taux par la Fed en 2025
- Les rendements des obligations américaines à 10 ans chutent à 4,04%, reflétant une ruée vers les valeurs refuges
- JPMorgan estimait déjà la probabilité d’une récession américaine à 40% cette année, avant même l’annonce
La décision du président américain Donald Trump d’imposer des tarifs douaniers massifs a provoqué un véritable séisme sur les marchés financiers mondiaux. En annonçant un tarif de base de 10% sur toutes les importations, avec des taux bien plus élevés pour certains partenaires commerciaux, le gouvernement américain a ramené le pays à son niveau de protectionnisme le plus élevé depuis 1910. Cette politique commerciale agressive représente un changement radical par rapport aux décennies de libéralisation des échanges et remet en question les fondements mêmes du commerce mondial.
Cette mesure, dont l’ampleur a surpris les analystes, pousse désormais les grands investisseurs à revoir complètement leurs stratégies. La crainte d’un ralentissement économique généralisé gagne du terrain, alors que les marchés boursiers plongent et que le dollar perd rapidement de sa valeur face aux principales devises mondiales. Les 62 000 milliards de dollars investis dans les actifs américains par les investisseurs étrangers et les épargnants retraités se retrouvent désormais menacés par cette nouvelle donne géopolitique et économique.
Le protectionnisme américain atteint des sommets inédits depuis un siècle
Les mesures annoncées par Trump dépassent largement les attentes des marchés. Avec un tarif de base de 10% sur toutes les importations, 34% spécifiquement pour la Chine et 20% pour l’Union européenne, ces nouvelles taxes représentent un bond considérable des barrières commerciales. Pour mettre ces chiffres en perspective, il s’agit du niveau le plus élevé de protection douanière aux États-Unis depuis plus d’un siècle, marquant une rupture historique avec la tendance à la mondialisation des dernières décennies.
Voici les pays les plus durement touchés par ces nouveaux tarifs :
Pays/Région | Taux appliqué | Impact immédiat observé |
Chine | 34% | Baisse du CSI 300 de 1,87% YTD |
Union Européenne | 20% | Baisse du STOXX 600 de 2% après l’annonce |
Vietnam | 46% | Effondrement du dong à un niveau historiquement bas |
États-Unis (effet domestique) | – | Chute du S&P 500 de 3,2% |
Les retombées sont particulièrement sévères pour le Vietnam, qui s’était positionné comme une alternative à la Chine pour de nombreuses chaînes d’approvisionnement mondiales ces dernières années. La taxe de 46% qui lui est appliquée a provoqué un effondrement immédiat de sa monnaie nationale, le dong, à un niveau historiquement bas, menaçant directement la stabilité économique du pays.
Les analystes s’interrogent maintenant sur trois points essentiels :
- S’agit-il d’une simple tactique de négociation présidentielle ?
- Comment les partenaires commerciaux des États-Unis vont-ils riposter ?
- À quelle vitesse ces mesures vont-elles affecter l’économie réelle ?
La réponse à ces questions déterminera si nous assistons à un simple épisode de tensions commerciales temporaires ou au début d’une véritable guerre commerciale mondiale, avec des conséquences potentiellement désastreuses pour la croissance économique globale.
De Tokyo à New York : les indices s’effondrent après l’annonce de Trump
La réaction des marchés a été instantanée et brutale. Les contrats à terme du S&P 500 ont dégringolé de 3,2% juste après l’annonce, enregistrant leur plus forte baisse quotidienne depuis septembre 2022. Cette chute accentue une performance déjà négative de 3,58% depuis janvier et vient brutalement interrompre le rallye boursier alimenté par la fièvre de l’intelligence artificielle qui avait porté les indices américains à des sommets historiques.
Le mouvement de panique s’est propagé à l’échelle mondiale :
- Vietnam : chute de l’indice boursier de près de 7%, reflétant la vulnérabilité particulière de cette économie émergente
- Japon : recul du Nikkei de 3%, tombant à son plus bas niveau depuis août, sous l’effet des craintes pour les exportations japonaises
- Europe : baisse des actions de 2%, malgré une exposition relativement moins directe aux tensions commerciales
Fait notable, l‘indice européen STOXX 600 continue de surperformer avec une progression de 4,36% depuis le début de l’année, contrairement aux indices américains et chinois qui affichent des pertes. Cette résistance relative s’explique en partie par les attentes de stimuli économiques massifs en Allemagne et par l’augmentation des dépenses de défense en Europe, comme l’a souligné Kit Juckes, stratège en chef des devises de Société Générale.
Neil Birrell, directeur des investissements de Premier Miton, a mis en évidence la fragilité sous-jacente de l’économie américaine :
« Les États-Unis montraient déjà des signes de faiblesse récemment et rien dans la situation actuelle ne va l’aider à court et moyen terme. »
Cette observation souligne que les tarifs arrivent à un moment où l’économie américaine était déjà en phase de ralentissement.
L’effondrement du dollar et la ruée vers les obligations
Le dollar américain, traditionnellement considéré comme une valeur refuge en période d’incertitude, a perdu près de 2% face à un panier de devises principales, portant sa dépréciation totale à plus de 5,83% depuis janvier. Cette tendance illustre l’inquiétude généralisée des investisseurs qui estiment que tous les pays souffriront, mais que les États-Unis pourraient encaisser les coups les plus durs.
La dépréciation du dollar s’accompagne d’un renforcement marqué des autres devises majeures :
- Euro : hausse de 6,4%, dépassant la barre symbolique de 1,10 dollar
- Yen japonais : appréciation de 7,07%, la plus forte parmi les principales devises
- Peso mexicain : progression de 3,85% malgré la proximité économique avec les États-Unis
- Dollar canadien : gain de 1,8%, plus modeste en raison des liens commerciaux étroits avec les États-Unis
Parallèlement, on observe une ruée vers les bons du Trésor américain, faisant chuter les rendements des obligations à 10 ans à 4,04%, leur niveau le plus bas depuis octobre et nettement inférieur au taux pré-électoral de 4,29%. Ce mouvement traduit :
- L’anticipation d’un ralentissement économique significatif
- La recherche désespérée de valeurs sûres
- Les craintes grandissantes d’une récession imminente
Jacob Falkencrone, responsable de la stratégie d’investissement chez Saxo, explique :
« la hausse du taux de tarif américain est une taxe sur la consommation et les coûts des entreprises, particulièrement pour les industries dépendant des importations. Le résultat ? Des prix plus élevés, des marges réduites, une croissance plus faible — et un risque accru de récession. »
La réaction des banques centrales et le spectre de la récession
Face à ces développements, les marchés tablent désormais sur des baisses de taux d’intérêt plus importantes et plus rapides. Les traders prévoient plus de 85 points de base de réduction des taux par la Réserve fédérale américaine cette année, contre environ 70 points avant l’annonce de Trump. Ce changement d’anticipations reflète la conviction croissante que la Fed devra agir de manière plus agressive pour contrer le ralentissement économique induit par les tarifs.
Ces attentes de baisses de taux se sont également renforcées pour les autres grandes banques centrales :
- Banque Centrale Européenne : -70 points de base attendus (contre -58 avant)
- Banque d’Angleterre : -62 points de base attendus (contre -53 avant)
Ce revirement des attentes est particulièrement significatif, car il intervient à un moment où les banques centrales luttaient encore contre l’inflation persistante. Les nouvelles taxes à l’importation pourraient d’ailleurs raviver les pressions inflationnistes, créant un dilemme pour les banquiers centraux : soutenir la croissance ou combattre l’inflation.
Ces anticipations reflètent la peur grandissante d’une récession. JPMorgan estimait déjà à 40% la probabilité d’une récession américaine cette année, avant même l’annonce des nouveaux tarifs. William Davies de Columbia Threadneedle Investments a clairement exprimé ses inquiétudes en déclarant :
« Nous ne savons pas où ces tarifs vont finir, mais c’est négatif pour la croissance mondiale. »
Reinout De Bock, responsable de la stratégie des taux européens chez UBS, ajoute une nuance importante : il reste difficile pour le marché de provoquer un « rallye super-agressif » sur les obligations américaines quand l’inflation demeure élevée et pourrait encore augmenter, compte tenu de l’incertitude concernant l’impact des tarifs sur la croissance des prix.
Stratégies de survie : comment les investisseurs s’adaptent
Dans ce climat d’incertitude, les investisseurs ajustent rapidement leurs portefeuilles. Certains se tournent vers l’Europe, anticipant un possible rebond si les États-Unis assouplissaient leur position par la suite. D’autres, comme Gabriel Sacks d’Aberdeen, s’intéressent aux actions chinoises, pariant sur une intensification des mesures de relance économique par Pékin face aux tarifs de 34%.
De nouvelles stratégies émergent :
- Investissement dans les actions britanniques orientées vers le marché national
- Renforcement des positions sur les obligations américaines, britanniques et allemandes
- Diversification vers des actifs moins exposés aux tensions commerciales
- Pari sur l’or et autres valeurs refuges traditionnelles
- Réduction de l’exposition aux secteurs dépendant fortement des importations
James Henderson de Janus Henderson Investors a notamment identifié des opportunités dans les secteurs britanniques comme la distribution alimentaire, potentiellement moins affectés par les tensions commerciales mondiales. Le Royaume-Uni, qui ne sera frappé que par un tarif de 10% sur ses exportations vers les États-Unis, pourrait se trouver dans une position relativement favorable par rapport à d’autres partenaires commerciaux.
Sheldon MacDonald, directeur des investissements de Marlborough, a quant à lui adopté une approche plus défensive en se retirant des marchés boursiers américains pour prendre des positions fortes sur les obligations américaines, britanniques et allemandes. Selon lui, les risques de récession vont « mettre le feu » aux opérations obligataires, offrant des opportunités significatives dans ce segment.
Au-delà des réactions immédiates des marchés, les nouveaux tarifs douaniers de Trump bouleversent les fondements de la mondialisation. Après des décennies de baisse des barrières commerciales, cette politique protectionniste force les entreprises à repenser leurs chaînes d’approvisionnement, privilégiant désormais les pays alliés ou géographiquement proches pour réduire leurs risques.
Les consommateurs américains feront les frais de ces mesures par des prix plus élevés sur les produits importés, freinant potentiellement les dépenses des ménages. Pendant ce temps, les économies émergentes exportatrices comme le Vietnam subissent déjà les conséquences avec l’effondrement de leur monnaie et de leurs marchés boursiers.
Les réponses des partenaires commerciaux des États-Unis, en particulier la Chine et l’Union européenne, détermineront si ces tensions se transformeront en véritable guerre économique mondiale. L’incertitude règne, mais une chose est sûre : le paysage économique mondial vient d’entrer dans un renouveau de protectionnisme aux conséquences encore imprévisibles.