Faillites bancaires en Chine : bien plus qu’une simple consolidation, le système financier sous haute tension

En juillet 2024 nous vous faisions part de la disparition d'une quarantaine de banques chinoises, une analyse plus approfondie révèle que le phénomène est d'une ampleur bien supérieure et symptomatique de failles structurelles profondes. En 2024, ce ne sont pas 40, mais près de 300 banques rurales qui ont été absorbées ou restructurées dans une vague de consolidation sans précédent. Loin d'être une simple mesure de nettoyage, cette stratégie pilotée par Pékin est une tentative à haut risque pour contenir une crise alimentée par l'effondrement du secteur immobilier et l'endettement colossal des gouvernements locaux.

La situation des banques chinoises
Mis à jour le

Résumé : 

  • Le phénomène de consolidation est bien plus vaste qu’annoncé initialement. Ce ne sont pas 40, mais près de 300 banques rurales chinoises qui ont été fusionnées ou absorbées en 2024, révélant une crise plus profonde au sein du secteur financier.
  • La crise n’est pas seulement due à une mauvaise gestion. Elle est alimentée par deux problèmes majeurs : la crise persistante du secteur immobilier et, surtout, l’endettement colossal et opaque des gouvernements locaux qui ont utilisé ces banques pour financer des projets non rentables.
  • La réponse de Pékin consiste à forcer la fusion de banques faibles pour en créer de plus grandes. Cependant, les experts critiquent cette approche qui risque de créer des « banques zombies » : des entités plus grosses mais tout aussi fragiles, qui masquent les pertes sans les résoudre.
  • Des institutions comme le FMI soulignent que le système chinois manque de mécanismes crédibles pour gérer les faillites bancaires de manière ordonnée. Cette absence de « plan B » explique le recours à des fusions forcées pour éviter une panique.
  • La stratégie actuelle du gouvernement chinois est une tentative de contenir la crise pour éviter un effondrement immédiat, mais elle ne s’attaque pas aux causes profondes (les mauvaises dettes). Le risque d’une crise financière majeure en Chine n’est donc que différé.

Une vague de fusions bien plus large que prévu

Le secteur bancaire rural chinois, composé d’environ 3 800 petites et moyennes institutions, est depuis des années le maillon faible du système financier du pays. Vulnérables, sous-capitalisées et souvent mal gérées, ces banques sont en première ligne face au ralentissement économique. Face à la montée des risques, les autorités financières, menées par la nouvelle Administration Nationale de la Régulation Financière (NFRA), ont orchestré une accélération massive des fusions forcées.

L’objectif affiché est de mutualiser les risques en regroupant les établissements les plus fragiles au sein de nouvelles entités régionales, à l’image de la Liaoning Rural Commercial Bank, née de la fusion de 36 institutions en difficulté. Cependant, cette approche est loin de faire l’unanimité parmi les analystes.

Au cœur de la crise : le double fardeau de l’immobilier et de la dette locale

Les difficultés de ces banques s’expliquent par deux facteurs interconnectés qui rongent l’économie chinoise :

  1. La crise immobilière persistante : L’exposition directe des banques régionales au secteur immobilier, autrefois moteur de la croissance, est devenue une source majeure de pertes. Les prêts accordés aux promoteurs immobiliers en faillite, comme Evergrande, et la baisse de la valeur des biens immobiliers ont fait exploser le taux de prêts non performants (NPL), qui dépasse de loin la moyenne nationale dans de nombreuses banques rurales.
  2. L’endettement abyssal des gouvernements locaux : C’est le problème le plus profond et le plus opaque. Pendant des décennies, les gouvernements locaux ont financé des projets d’infrastructures (routes, ponts, nouveaux quartiers) souvent non rentables via des « véhicules de financement » (LGFV). Ces LGFV se sont lourdement endettés auprès des banques locales, créant une montagne de créances douteuses. Comme le souligne une analyse de Carnegie Endowment, ces investissements non productifs ont généré des pertes latentes massives qui pèsent sur les bilans des banques et la solvabilité des gouvernements locaux.

La réponse de Pékin : une stratégie qui déplace les problèmes plus qu’elle ne les résout

Face à cette situation critique, la stratégie des autorités est double : d’une part, des mesures de relance monétaire de la Banque Populaire de Chine (PBoC) pour injecter des liquidités, et d’autre part, la consolidation forcée du secteur bancaire par la NFRA.

Cependant, cette stratégie est critiquée pour son manque de transparence et son efficacité à long terme. Des experts, s’appuyant sur l’exemple de la Liaoshen Bank (un précédent cas de fusion dans la même province), craignent que ces méga-fusions ne fassent que créer des « banques zombies » plus grandes. En agrégeant des actifs toxiques sans véritable restructuration ni reconnaissance des pertes, on ne fait que masquer le problème. Le risque est de transformer une multitude de petites crises locales en une bombe à retardement systémique.

Une évaluation du système financier chinois par le Fonds Monétaire International (FMI), relayée par le think tank OMFIF, pointe des lacunes réglementaires persistantes : un manque d’indépendance des régulateurs, une opacité des bilans bancaires et, surtout, l’absence d’un mécanisme crédible de résolution des crises bancaires qui permettrait de gérer les faillites de manière ordonnée.

Confiance en berne et risques sociaux

Si les manifestations massives de déposants, comme celles qui avaient secoué la province du Henan en 2022, ne se sont pas répétées à grande échelle en lien avec ces fusions en 2024-2025, la confiance du public est au plus bas. Les rapports de la Banque Mondiale et de diverses institutions financières notent une faible confiance des consommateurs, qui hésitent à dépenser et à investir, ce qui pèse lourdement sur la reprise économique. Cette anxiété est alimentée par la crise immobilière, le chômage des jeunes et l’incertitude générale quant à la solidité du système financier.

Acheter du temps face à l’inévitable

L’accélération des fermetures et des fusions de banques en Chine est bien plus qu’une simple actualisation de l’article de MoneyRadar. C’est le symptôme d’une économie qui peine à sortir d’un modèle de croissance basé sur l’endettement et l’investissement à outrance.

La stratégie actuelle des autorités chinoises s’apparente à une gestion de crise qui vise avant tout à acheter du temps. En évitant une purge brutale et la reconnaissance officielle des pertes colossales, Pékin espère prévenir une panique financière. Cependant, tant que les problèmes structurels, la surcapacité immobilière et la dette insoutenable des gouvernements locaux, ne seront pas traités à la racine, cette consolidation ne sera qu’un répit temporaire. Le système financier chinois reste sous une pression immense, et le risque d’une crise plus profonde n’est que différé.

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