L’astuce qui permet aux Chinois de frauder les droits de douane de Trump

Vous pensiez que les tarifs douaniers imposés par Trump allaient mettre fin aux importations chinoises à bas prix ? Détrompez-vous. Un système de fraude ingénieux permet aux exportateurs chinois de contourner ces barrières et d'inonder le marché américain de produits à des prix défiant toute concurrence. Et le pire dans cette histoire ? Ce sont les entreprises américaines qui pourraient en payer le prix fort.

La stratégie chinoise pour frauder les droits de douane
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Résumé :

  • Des exportateurs chinois contournent massivement les droits de douane américains en utilisant un système frauduleux basé sur des sociétés écrans, la sous-déclaration des valeurs et le mauvais étiquetage des marchandises.
  • Ce système permet aux fournisseurs chinois de proposer des prix pré-tarifs aux acheteurs américains tout en générant des pertes fiscales estimées entre 110 et 130 milliards de dollars en 2023.
  • Les entreprises américaines qui profitent de ces combines, même sans être listées comme importateurs officiels, s’exposent à des risques civils et pénaux considérables.
  • Le service des douanes américaines (CBP) manque de ressources pour contrôler efficacement le volume massif d’importations, ne vérifiant qu’une fraction des cargaisons entrantes.
  • Les États-Unis et la Chine ont récemment annoncé une pause de 90 jours sur l’essentiel des surtaxes douanières qu’ils s’imposent mutuellement, mais cette trêve ne résout pas le problème de fond.

La combine qui fait trembler Washington

Imaginez une seconde : vous êtes un acheteur américain et votre fournisseur chinois vous propose exactement le même prix qu’avant les tarifs massifs imposés par Trump. Trop beau pour être vrai ? C’est pourtant ce qui se passe actuellement, et derrière cette offre alléchante se cache une mécanique bien rodée.

« C’est un secret de polichinelle dans le secteur », affirme sans détour Ash Monga, fondateur et PDG d’Imex Sourcing Services, une société basée à Guangzhou spécialisée dans la gestion des chaînes d’approvisionnement. Et ce secret a un nom : la sous-déclaration systématique.

Le mécanisme est aussi simple qu’efficace. Les exportateurs chinois utilisent le régime « delivered-duty-paid », où ils prennent en charge tous les frais, y compris les droits de douane. Mais voilà le truc : ils sous-estiment délibérément la valeur des marchandises et modifient les étiquettes pour réduire considérablement les droits à payer.

Des sociétés fantômes qui disparaissent dans la nature

La clé de voûte de ce système frauduleux ? Des sociétés écrans créées à la chaîne qui servent d' »importateurs officiels ». Ces entités déposent la caution minimale de 50 000 dollars exigée par les douanes américaines, puis s’évaporent dès que cette somme est épuisée.

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« Souvent ces entreprises ne prennent même pas la peine de déclarer faillite. Elles coupent simplement leurs téléphones, ferment leurs comptes email, et choisissent n’importe quelle adresse postale à leur disposition pour ouvrir une nouvelle structure »

David Forgue, associé du cabinet d’avocats Barnes, Richardson & Colburn à Chicago.

Le plus ahurissant ? « Ouvrir une société écran est facile, cela prend quelques heures. Vous pouvez en ouvrir autant que vous voulez. Le coût se chiffre en centaines de dollars, donc tout ce processus est simple à exécuter et peut être reproduit à l’infini« , ajoute Monga.

Un phénomène qui explose sur les réseaux sociaux chinois

Sur Xiaohongshu, l’équivalent chinois d’Instagram, une simple recherche pour « double dédouanement et toutes taxes comprises » fait apparaître une multitude d’annonces promettant des livraisons bon marché pour des meubles, réfrigérateurs et autres articles ménagers vers les ports américains, tous frais de douane inclus.

L’ampleur du phénomène est telle qu’un fabricant d’éclairage basé à Shenzhen a confié au journal Nikkei qu’il ne payait que 1 à 2 yuans supplémentaires (entre 12 et 24 centimes d’euros) par kilogramme de guirlandes exportées aux États-Unis, alors que les droits de douane ont grimpé de 145% !

Les entreprises américaines jouent avec le feu

Vous pensez que seuls les exportateurs chinois sont dans l’illégalité ? Erreur. Les entreprises américaines qui bénéficient de ces combines, sciemment ou non, s’exposent à des risques considérables.

« Il est effrayant de constater que 90% des entrepreneurs croient que s’ils ne sont pas listés comme importateurs officiels, ils sont en quelque sorte immunisés contre toute responsabilité civile ou pénale », s’alarme Dan Harris, avocat associé du cabinet Harris Sliwoski à Seattle.

La réalité est bien différente. Harris observe une augmentation inquiétante des cas où ses clients font face à des factures douanières inattendues et des cargaisons saisies, lorsque les vendeurs étrangers ne règlent pas les droits d’importation.

Quant à l’argument d’ignorance, il ne tient pas la route : « Il est impossible qu’une entreprise américaine qui payait 20 dollars pour ses produits n’en paie que 25 » alors que les droits de douane ont explosé, tranche Harris.

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Des pertes colossales pour le Trésor américain

L’ampleur de cette fraude donne le vertige. Selon Goldman Sachs, les tarifs imposés par Trump lors de son premier mandat ont généré une évasion fiscale estimée entre 110 et 130 milliards de dollars en 2023. À titre de comparaison, le total des droits et taxes collectés par les douanes américaines (CBP) sur la même période s’élevait à 92,3 milliards de dollars.

Le CBP est submergé. « Il y a un volume massif d’échanges en provenance de Chine et d’autres pays… il n’y aurait tout simplement pas assez de ressources pour tout contrôler », reconnaît Alex Capri, ancien agent des douanes américaines à Los Angeles.

Malgré tout, l’agence tente de réagir. Entre le 5 et le 9 mai, le CBP a sécurisé plus de 630 millions de dollars de revenus supplémentaires grâce à des contrôles ciblés de plus de 2 000 expéditions suspectées de fraude.

Un répit temporaire

Dans ce climat tendu, les États-Unis et la Chine ont annoncé une pause de 90 jours sur l’essentiel des surtaxes douanières qu’ils s’imposent mutuellement. Une trêve bienvenue, mais qui ne résout pas le problème de fond.

Pour les entreprises respectueuses des règles, la situation est intenable. « Les consommateurs choisissent généralement les options les moins chères et il sera très difficile de rivaliser avec des personnes qui font des affaires illégalement« , déplore Cze-Chao Tam, fondatrice de Trinity International, une entreprise californienne d’articles ménagers qui s’approvisionne en Chine.

Face aux droits pouvant atteindre 55%, Tam négocie des hausses de prix avec ses acheteurs clés. « Nos acheteurs ne vont pas accepter une répercussion totale », dit-elle, s’attendant à voir les marges de son entreprise se réduire comme peau de chagrin.

Alors que Trump affirme que le gouvernement fédéral engrange 2 milliards de dollars par jour grâce aux droits de douane, la réalité de cette guerre commerciale semble bien plus complexe. Entre évasion fiscale massive et entreprises américaines prises en étau, les véritables gagnants de cette bataille restent à déterminer.

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