Résumé :
- Le gouvernement allemand bloque la vente de ses parts dans Commerzbank pour contrer UniCredit.
- La banque italienne a acquis discrètement 9% du capital de Commerzbank, visant une fusion.
- Une forte résistance politique et syndicale se mobilise en Allemagne contre cette offensive.
- Andrea Orcel, PDG d’UniCredit, adopte une stratégie patiente face aux obstacles.
L’offensive surprise d’UniCredit sur Commerzbank
Le 11 septembre 2024, UniCredit a frappé un grand coup en annonçant avoir acquis 9% du capital de Commerzbank. Cette opération, menée dans le plus grand secret, a pris de court aussi bien le gouvernement allemand que la direction de la banque francfortoise. Andrea Orcel, le charismatique PDG d’UniCredit, a joué un coup de maître en achetant 4,5% des parts directement à l’État allemand via des enchères ouvertes, complétant sa participation par des achats sur le marché.
Cette acquisition surprise a immédiatement fait l’effet d’une bombe dans les milieux financiers et politiques allemands. La discrétion de l’opération a été perçue comme un affront, laissant transparaître les ambitions d’UniCredit pour le marché allemand.
Derrière cette manœuvre se cache une vision : celle de créer un véritable géant bancaire européen. Andrea Orcel, ancien banquier d’affaires réputé pour son appétit pour les fusions-acquisitions, voit dans Commerzbank une opportunité unique de consolider la présence d’UniCredit en Allemagne.
Le plan d’Orcel est clair : rapprocher Commerzbank de HypoVereinsbank (HVB), la filiale allemande d’UniCredit. Cette fusion donnerait naissance à une entité capable de concurrencer les plus grandes banques européennes et internationales. Pour UniCredit, c’est l’occasion de renforcer sa position sur le marché allemand, l’un des plus importants d’Europe, tout en diversifiant ses activités et en réalisant d’importantes synergies.
La riposte allemande face à la menace italienne
Face à cette offensive italienne, le gouvernement allemand a rapidement réagi. Le 22 septembre, l’Agence fédérale des finances a annoncé qu’elle ne céderait plus de parts dans Commerzbank « jusqu’à nouvel ordre ». Cette décision marque un tournant dans la stratégie de l’État allemand, qui contrôle encore 12% du capital de la banque.
Cette prise de position ferme du gouvernement allemand souligne l’importance stratégique de Commerzbank pour l’économie nationale. En conservant sa participation, Berlin envoie un message clair : il n’est pas question de laisser une banque étrangère prendre le contrôle d’un acteur majeur du système financier allemand.
Le soutien à l’indépendance de Commerzbank dépasse largement les frontières du gouvernement fédéral. Boris Rhein, ministre-président conservateur du Land de Hesse, où se trouve le siège de la banque, a déclaré sans ambages : « Pour moi, les choses sont claires : nous ne pouvons pas accepter de brader nos fleurons ».
La direction de Commerzbank a accueilli « favorablement » ce soutien gouvernemental. Pour Bettina Orlopp, directrice financière de la banque, il est crucial que l’État « conserve » ses parts, donnant ainsi à l’institution le temps de « réfléchir calmement » à la situation et aux options qui s’offrent à elle.
Les syndicats allemands sont également montés au créneau pour s’opposer aux projets d’UniCredit. Stefan Wittmann, représentant du puissant syndicat Verdi au conseil de surveillance de Commerzbank, a exprimé ses craintes quant à un potentiel « bain de sang social » en cas de rachat par la banque italienne.
Ces inquiétudes ne sont pas infondées. Les syndicats pointent du doigt l’expérience de HypoVereinsbank, rachetée par UniCredit en 2005. Depuis cette acquisition, les effectifs de HVB sont passés de près de 30 000 à un peu plus de 10 000 employés. Pour une banque comme Commerzbank, qui compte actuellement 42 000 salariés, la perspective d’une telle restructuration est alarmante.