Résumé :
- Donald Trump menace directement les intérêts économiques européens avec de nouvelles taxes à l’importation
- Le revenu par habitant en Europe croît deux fois moins vite qu’aux États-Unis depuis 2000
- Mario Draghi propose un plan d’investissement massif équivalent à un nouveau plan Marshall
- L’opposition des pays « frugaux » menace la mise en œuvre rapide des réformes
Un diagnostic alarmant pour l’Europe
Le constat dressé par Mario Draghi est sans appel : l’Europe s’enfonce dans un dangereux déclin économique face à ses principaux concurrents. « Le revenu par habitant a augmenté presque deux fois plus aux États-Unis qu’en Europe depuis 2000 », souligne l’ancien Premier ministre italien dans son rapport. Une situation qui risque de s’aggraver avec le retour de Donald Trump à la présidence américaine, ce dernier ayant déjà promis de s’attaquer frontalement aux excédents commerciaux de l’UE.
« Il ne fait aucun doute que la présidence de Trump marquera une grande différence dans les relations entre les États-Unis et l’Europe », avertit Draghi, ajoutant que sans changements radicaux, l’UE est condamnée à « une lente agonie ».
Un plan de relance plus ambitieux que le plan Marshall
Pour inverser cette tendance, Mario Draghi propose une stratégie industrielle ambitieuse à l’échelle européenne. Le plan prévoit des investissements massifs dans trois secteurs clés : l’innovation numérique, la transition verte et les industries de défense. Cette approche « très prudente » et adaptée « secteur par secteur » vise à rétablir des conditions de concurrence équitables face aux géants américains et chinois.
L’exemple des surtaxes jusqu’à 35% imposées aux voitures électriques chinoises illustre cette nouvelle doctrine de protection des intérêts européens. Une approche que la Commission semble prête à généraliser à d’autres secteurs stratégiques.
Au-delà des investissements, Draghi préconise une refonte en profondeur du cadre réglementaire européen. Premier chantier : l’adaptation des règles de concentration pour favoriser l’émergence de champions européens. Dans le secteur des télécommunications notamment, il recommande de « faciliter » les fusions pour créer des opérateurs capables de rivaliser à l’échelle mondiale.
Les PME ne sont pas oubliées. Face au « poids croissant » de la réglementation qui les handicape, le rapport propose des exemptions spécifiques pour alléger leur fardeau administratif.
EU leaders have endorsed a 'New Competitiveness Deal' but avoided the issue of joint debt, which Mario Draghi has described as "indispensable" for the bloc's economic future. #EuropeNews https://t.co/t26DsqR4z2 pic.twitter.com/1HhqWO44S7
— euronews (@euronews) November 8, 2024
Les obstacles à surmonter
L’ambition a un prix : entre 750 et 800 milliards d’euros par an, soit un effort supérieur au plan Marshall qui avait permis la reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale. Un montant qui fait déjà grincer des dents en Allemagne et dans les pays « frugaux » du nord de l’Europe, farouchement opposés à tout nouvel endettement commun.
Des solutions alternatives sont évoquées, comme un recours accru au budget de l’UE ou à la Banque européenne d’investissement, ainsi qu’une mobilisation de l’épargne privée des Européens. Mais leur faisabilité reste à démontrer.
Si la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, insiste sur l’urgence de « se concentrer sur la croissance économique », les divisions politiques menacent la mise en œuvre rapide des réformes. Les premières propositions concrètes ne sont pas attendues avant plusieurs mois, et leur application pourrait s’étaler sur plusieurs années.
Pour Sylvie Matelly, directrice de l’Institut Jacques Delors, le risque est réel de voir les États « produire de belles déclarations » sans passage à l’acte, notamment face à la réticence allemande à « changer de paradigme sur la dette ».