Résumé :
- Le déficit public français devrait atteindre le niveau alarmant de 6,1% du PIB en 2024
- Michel Barnier renonce à présenter un projet de loi de finances rectificative malgré la pression
- Le gouvernement mise tout sur le budget 2025 pour redresser les comptes publics
- Cette décision suscite de vives critiques, notamment de l’ancien ministre de l’Économie, Bruno Le Maire
Le choix controversé de Michel Barnier
Michel Barnier a tranché : pas de loi de finances rectificative pour 2024. Cette décision, qui peut paraître surprenante de prime abord, repose sur plusieurs considérations stratégiques. Tout d’abord, le calendrier parlementaire est déjà extrêmement serré. Le gouvernement peine à boucler le projet de budget pour 2025, qui devrait être transmis à l’Assemblée nationale le 11 octobre, avec un retard de dix jours sur les délais légaux. Dans ce contexte, ajouter un collectif budgétaire à un programme parlementaire déjà tendu semblait techniquement délicat.
Par ailleurs, Bercy estime qu’un tel texte n’est pas « strictement nécessaire » sur le plan budgétaire. Selon les experts du ministère de l’Économie, les mesures déjà prises devraient suffire pour atteindre l’objectif révisé de 6,1% de déficit public annoncé pour 2024. Cette perspective, bien que loin des 4,4% initialement visés, semble satisfaire l’exécutif qui préfère concentrer ses efforts sur le budget 2025.
La décision de Michel Barnier ne fait pas l’unanimité, loin s’en faut. De nombreuses voix s’étaient élevées pour réclamer un collectif budgétaire, à commencer par celle de Bruno Le Maire, l’ancien ministre de l’Économie. Dès le printemps, Le Maire avait plaidé pour l’élaboration d’un PLFR, une position qu’il a maintenue jusqu’à son départ de Bercy. Lors d’une audition parlementaire le 9 septembre, il déclarait :
« Voter un projet de loi de finances rectificative en avril aurait évité d’en élaborer un maintenant, dans des circonstances politiques plus délicates — mais ne pleurons pas le lait renversé. »
D’autres responsables politiques ont également poussé en faveur de cette option. Eric Coquerel (La France insoumise), président de la commission des finances à l’Assemblée nationale, a réclamé que les décisions budgétaires d’urgence passent par un débat au Parlement, plutôt que par des décrets ou des ordonnances. Ces pressions reflètent une inquiétude largement partagée quant à la dérive des comptes publics et la nécessité d’une action rapide et concertée.
🔴Je renouvelle l'exigence d'un projet de loi de finances rectificative auprès du Premier ministre @MichelBarnier.
— Eric Coquerel (@ericcoquerel) September 11, 2024
L’audition des ministres démissionnaires Bruno Le Maire et Thomas Cazenave a renforcé nos inquiétudes sur jusqu'à 26,5 milliards d'annulations de crédits pour 2024. pic.twitter.com/DP5MQZZN9R
Les conséquences de cette décision sur les finances publiques
La situation des finances publiques françaises est préoccupante. Alors que le gouvernement visait initialement un déficit de 4,4% du PIB pour 2024, les dernières estimations sont bien plus alarmantes. Le déficit public risque d’atteindre 6,1% du PIB sur l’ensemble de l’année, un niveau qui témoigne d’une dégradation significative des comptes de l’État.
Cette dérive s’explique par une conjonction de facteurs, notamment une croissance économique plus faible que prévu et des dépenses publiques qui restent élevées. Face à cette situation, le gouvernement a dû revoir ses objectifs à la hausse, passant d’abord à 5,1% avant d’admettre que le déficit dépasserait probablement les 6%.
Malgré l’absence de collectif budgétaire, le gouvernement n’entend pas rester les bras croisés. Plusieurs mesures sont envisagées pour tenter de contenir le déficit. Parmi celles-ci, on trouve :
- Le recours à des mesures réglementaires pour freiner certaines dépenses
- Le report en 2025 de certains crédits votés pour 2024
- L’assouplissement exceptionnel de la règle limitant les reports de crédits dans huit domaines spécifiques
Par ailleurs, le gouvernement n’exclut pas d’inclure dans le projet de budget 2025 quelques dispositions concernant l’exercice 2024, à titre exceptionnellement rétroactif. Une autre option évoquée est le recours à une « loi de fin de gestion », une sorte de mini-collectif budgétaire portant uniquement sur les dépenses. Toutefois, cette dernière option comporte le risque de se heurter à une Assemblée hostile.
Les enjeux politiques et économiques
La décision de Michel Barnier de renoncer à un PLFR s’explique en grande partie par le contexte politique actuel. Avec une Assemblée nationale sans majorité absolue, le gouvernement se trouve dans une situation délicate. Chaque texte budgétaire risque de se transformer en épreuve de force, avec la menace constante d’une motion de censure.
Dans ces conditions, présenter un collectif budgétaire aurait offert de nouveaux angles d’attaque à toutes les oppositions. Le gouvernement Barnier, encore fragile, a préféré éviter ce risque, estimant qu’il valait mieux « mettre le paquet sur le budget 2025 » plutôt que de s’exposer à un possible échec sur un PLFR pour 2024.
En renonçant au collectif budgétaire pour 2024, le gouvernement mise tout sur le budget 2025 pour redresser la barre des finances publiques. Ce budget, qui doit être présenté le 10 octobre, prévoit un « effort budgétaire » conséquent de 60 milliards d’euros, dont 40 milliards de baisses de dépenses.
L’objectif affiché est ambitieux : ramener le déficit à 5% du PIB à la fin de l’exercice 2025. Pour y parvenir, le gouvernement devra naviguer entre la nécessité de réduire les dépenses et celle de ne pas étouffer une reprise économique encore fragile. De plus, il devra convaincre une Assemblée nationale divisée de la pertinence de ses choix, une tâche qui s’annonce ardue dans le climat politique actuel.