Résumé :
- Le gouvernement allemand interdit brutalement le magazine Compact, accusé d’extrémisme
- Plus de 200 policiers perquisitionnent les locaux du magazine et les domiciles de ses collaborateurs
- La ministre de l’Intérieur Nancy Faeser justifie cette action par la lutte contre l’extrémisme de droite
- Des juristes et journalistes s’inquiètent des implications pour la liberté de la presse en Allemagne
- L’affaire soulève un débat national sur les limites de la liberté d’expression
Le gouvernement allemand vient de lancer une opération d’envergure contre un magazine controversé. Le 17 juillet 2024 restera gravé dans les annales de la presse allemande comme le jour où Compact Magazine a été brutalement réduit au silence. Cette décision radicale soulève de nombreuses questions sur l’état de la liberté d’expression dans le pays de Goethe et Schiller.
Que s’est-il réellement passé ce matin-là ? Quelles pourraient être les conséquences à long terme de cette action gouvernementale ? Plongeons au cœur de cette affaire qui secoue l’Allemagne tout entière.
Une aube mouvementée : le raid contre Compact Magazine
6 heures du matin. Jürgen Elsässer, éditeur de Compact Magazine, est brutalement tiré de son sommeil. Des coups violents résonnent à sa porte : plus de 200 policiers cagoulés investissent simultanément son domicile, les bureaux du magazine et les résidences de ses collaborateurs. Cette scène, digne d’un film d’action, marque le début d’une opération d’une ampleur sans précédent dans l’histoire récente de la presse allemande.
🇩🇪BREAKING NEWS:
— Remix News & Views (@RMXnews) July 16, 2024
Massive crackdown on the press in Germany
In what may be the most aggressive move against press freedom since the Second World War, Germany has banned Compact Magazine and raided the office of the publisher, Jürgen Elsässer.
The press was informed ahead of… pic.twitter.com/yLed1UkL7T
Les forces de l’ordre ne font pas dans la dentelle. Disques durs, documents, téléphones : tout est saisi. En quelques heures, l’existence même de Compact Magazine est effacée. Son site web disparaît, ses comptes sur les réseaux sociaux s’évaporent. La chaîne YouTube du magazine, forte de ses 300 000 abonnés et de ses millions de vues, n’est plus qu’un souvenir.
Cette opération éclair révèle la détermination des autorités. Mais comment en est-on arrivé là ?
Les coulisses de l’interdiction
Au cœur de cette action controversée se trouve Nancy Faeser, la ministre de l’Intérieur allemande. C’est elle qui a personnellement ordonné l’interdiction de Compact Magazine, une décision qu’elle assume pleinement et publiquement.
Sur son compte X (anciennement Twitter), Faeser déclare : « Aujourd’hui, j’ai interdit le magazine d’extrême droite ‘COMPACT’. Il agite de manière indicible contre les Juifs, contre les musulmans et contre notre démocratie. Notre interdiction est un coup dur contre la scène d’extrême droite. »
Ces accusations sont graves. Selon les autorités, Compact Magazine aurait violé l’ordre constitutionnel de manière « combative et agressive ». Une rhétorique qui, pour certains, rappelle les justifications utilisées par les régimes autoritaires pour museler la presse dissidente.
Cette action n’est pas tombée du ciel. Depuis 2021, le magazine était dans le collimateur de l’Office de protection de la Constitution, l’agence de renseignement intérieur allemande. Classé comme « entreprise extrémiste confirmée », Compact faisait l’objet d’une surveillance étroite. L’interdiction d’aujourd’hui apparaît comme l’aboutissement d’un long processus.
Compact Magazine : portrait d’un média controversé
Quel est donc ce magazine qui suscite tant d’émoi ? Compact se présentait comme un « magazine pour la souveraineté ». Derrière cette façade anodine se cachait un contenu nettement plus polémique.
Le magazine abordait régulièrement des sujets tels que les « scénarios apocalyptiques », le racisme, et les théories du complot. Il critiquait vertement les « vieux partis » tout en affichant son soutien à l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti d’extrême droite en pleine ascension.
Pendant la pandémie de COVID-19, Compact a connu son plus grand succès. Alors que la confiance dans les médias traditionnels s’érodait, le magazine a su capitaliser sur le mécontentement et la méfiance d’une partie de la population.
À la tête de cette publication controversée se trouve Jürgen Elsässer, un personnage au parcours atypique. Âgé de 67 ans, cet ancien militant d’extrême gauche a effectué un virage à 180 degrés pour fonder Compact dans les années 2010.
Un tollé dans le paysage médiatique et politique
L’interdiction de Compact Magazine a provoqué des réactions en chaîne dans toute l’Allemagne. Sans surprise, l’AfD est montée au créneau pour dénoncer ce qu’elle considère comme une atteinte flagrante à la liberté de la presse.
Alice Weidel et Tino Chrupalla, co-dirigeants du parti, ont déclaré : « L’interdiction du magazine Compact est un coup grave porté à la liberté de la presse. Nous observons ces événements avec une grande inquiétude. Interdire un organe de presse signifie nier le discours et la diversité d’opinion. »
Des constitutionnalistes comme Rupert Scholz, ancien ministre fédéral de la Défense, remettent en question la base juridique de l’interdiction. Selon lui, « la liberté d’opinion jouit d’un statut constitutionnel si élevé qu’elle ne peut être simplement sapée par une décision de l’exécutif ».
Même des journalistes de médias grand public, loin d’être des sympathisants de Compact, s’inquiètent du précédent que cette action pourrait créer. Lars Weisbrod, du prestigieux hebdomadaire Die Zeit, a exprimé ses réserves sur X : « La liberté de la presse est si importante. Je pense qu’en Allemagne, un tribunal devrait toujours décider en premier de l’interdiction d’un média, pas le ministre de l’Intérieur ou l’Office de protection de la Constitution. »