Résumé :
- La victoire du RN aux européennes a entraîné la dissolution de l’Assemblée et la convocation de législatives anticipées
- L’agence de notation Moody’s s’inquiète des conséquences en termes d’instabilité politique et budgétaire de la dissolution
- La note de crédit Aa2 de la France pourrait se retrouver sous pression
En plaçant la liste du Rassemblement National en tête des élections européennes, devant la confédération présidentielle, les Français ont envoyé un message clair de défiance à Emmanuel Macron. Un coup dur qui a poussé le chef de l’Etat à réagir au plus vite en sortant son joker : la dissolution de l’assemblée.
Objectif affiché, redonner une légitimité claire à l’action gouvernementale pour les 5 ans à venir, en remettant les compteurs électoraux à zéro. Mais cette manœuvre n’est pas sans risques, tant sur le plan politique qu’économique.
C’est en tout cas l’avis de Moody’s, qui n’a pas tardé à réagir via une note d’analyse publiée dans la foulée. L’agence de notation américaine y fait part de ses craintes concernant l’impact potentiellement déstabilisateur de ce nouveau choc électoral. Avec à la clé une menace latente pour la précieuse note de crédit française, déjà sous haute surveillance des marchés.
Car les législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet s’annoncent pour le moins incertaines, dans un paysage politique particulièrement morcelé. Un défi de taille pour le prochain gouvernement, qui devra impérativement rassurer sur sa capacité à engager les réformes économiques et budgétaires dont le pays a besoin. Faute de quoi, la sanction pourrait venir des agences de notation, avec une éventuelle dégradation de la note souveraine. De quoi pimenter encore un peu plus cette séquence politique déjà brûlante.
Des élections anticipées risquées politiquement
C’est peu dire que la séquence politique qui s’ouvre est incertaine. Le premier risque pointé par Moody’s est que les élections anticipées des 30 juin et 7 juillet aboutissent à une majorité relative, obligeant le président Macron à composer avec d’autres forces politiques.
Avec un paysage aussi polarisé, « le vainqueur de ces élections n’aura probablement pas de majorité absolue au Parlement », avertit l’agence. En effet, pour atteindre la majorité absolue des 289 sièges, le groupe présidentielle devrait gagner une quarantaine d’élus, tandis que le RN devrait en remporter plus de 200.
Un vrai défi alors que l’extrême droite vient de créer la surprise aux européennes. Le risque serait alors celui d’une instabilité politique chronique, avec la multiplication de motions de censure. D’autant qu’en cas d’échec, l’Assemblée ne pourrait pas être dissoute à nouveau pendant un an. « Cette instabilité politique engendre un risque de crédit », en déduit Moody’s.
Des finances publiques sur la corde raide
La situation budgétaire de la France n’incite guère à l’optimisme. Certes, le gouvernement maintient pour l’instant son objectif de ramener le déficit public à 3% du PIB d’ici 2027. Mais il a dû revoir en forte hausse ses prévisions pour 2024 et 2025, malgré l’annonce en urgence de 10 milliards d’euros de coupes budgétaires cette année.
La faute à un rythme de réduction du déficit bien plus lent que chez nos voisins européens, selon Moody’s. Surtout, la dette publique française, déjà très élevée à 110,6% du PIB en 2023, devrait continuer à gonfler lentement pour atteindre 115% en 2027. De quoi plomber la soutenabilité des finances publiques tricolores.
Il y a donc fort à parier que la Commission européenne accentuera sa pression pour que la France respecte enfin les règles budgétaires communautaires. Mais « compte tenu de l’instabilité du paysage politique, il est tout à fait possible que ces objectifs soient abandonnés », s’inquiète Moody’s.
Selon l'agence Moody's, la dissolution de l'Assemblée «accroît les risques» concernant la maîtrise budgétaire de la France et par conséquent, sa note pourrait être revue à la baissehttps://t.co/0A11D5GWwa
— Le Parisien (@le_Parisien) June 11, 2024
La note de crédit de la France menacée ?
Autant d’incertitudes politiques et budgétaires qui ne sont pas sans conséquences pour la note de crédit de la France. Moody’s maintient pour l’instant la note tricolore à « Aa2 » avec une perspective stable, soit un cran au-dessus de ses concurrentes. Mais cette analyse souligne clairement des risques baissiers.
Pour bien comprendre les enjeux, il est utile de rappeler brièvement ce qu’est une note de crédit. Il s’agit d’une évaluation, par une agence de notation indépendante, de la capacité d’un État à rembourser sa dette. Plus la note est élevée, plus l’agence estime que le risque de défaut est faible. L’échelle de notation va généralement de AAA (le plus sûr) à C ou D (risque élevé de défaut). Cette note détermine largement le taux d’intérêt auquel le pays peut emprunter sur les marchés.
Actuellement, Fitch Ratings et Standard & Poor’s se montrent déjà plus sévères, ayant toutes deux abaissé la note française à « AA-« en 2023 et mai 2024. Les marchés seront donc particulièrement attentifs à l’issue des élections et à la crédibilité du prochain gouvernement dans sa volonté de redresser les comptes publics. Tout « engagement moins fort sur la consolidation budgétaire augmenterait les pressions à la baisse (sur la note)”, prévient Moody’s. De quoi donner des sueurs froides à Bercy…