Résumé :
- Un déficit public qui explose à 6,1% en 2024, bien loin des 4,4% initialement prévus
- Un dérapage colossal de 41,5 milliards d’euros dans les recettes de l’État
- La France devient le troisième pays le plus endetté de la zone euro, derrière la Grèce et l’Italie
- Une solution révolutionnaire proposée : confier les prévisions budgétaires à une institution indépendante
Alors que la France peine à redresser ses comptes publics, une nouvelle alerte vient secouer le paysage économique national. Ce mercredi 6 novembre, Pierre Moscovici, à la tête de la prestigieuse Cour des comptes, dresse un constat alarmant de la situation financière du pays. Face à cette crise, il propose une réforme sans précédent dans l’histoire récente des finances publiques françaises.
Le tableau qu’il dépeint devant la commission des Affaires sociales du Sénat ne laisse place à aucune ambiguïté : la France fait face à l’une des plus graves crises de ses finances publiques, nécessitant des mesures drastiques et immédiates.
L’ampleur inquiétante de la crise financière
Le constat est sans appel : le déficit public français connaît un « dérapage majeur » en 2024. Initialement prévu à 4,4% du PIB, il atteint désormais 6,1%, un niveau qui place la France parmi les mauvais élèves de la zone euro. Cette situation se traduit par un écart de 41,5 milliards d’euros dans les recettes prévues, qui ne s’élèvent plus qu’à 1250,7 milliards contre 1292,2 milliards anticipés.
Plus inquiétant encore, la dette publique française poursuit son ascension inexorable, atteignant 112,8% du PIB, soit une augmentation de 2,9 points. Cette progression place désormais l’Hexagone au troisième rang des pays les plus endettés de la zone euro, juste derrière la Grèce et l’Italie, une position peu enviable pour la deuxième puissance économique de l’Union européenne.
Une spirale de déficit qui s’accélère
L’analyse détaillée des comptes publics révèle une situation particulièrement préoccupante du côté des dépenses. Le pays fait face à une augmentation imprévue de 15 milliards d’euros, dont la répartition illustre les défis structurels auxquels la France est confrontée. Si l’État parvient à réduire légèrement ses dépenses, la Sécurité sociale voit les siennes augmenter de 3,5 milliards d’euros, tandis que les collectivités territoriales accusent une hausse bien plus importante de 13,4 milliards.
La Sécurité sociale cristallise particulièrement les inquiétudes. Selon les projections, son déficit annuel devrait atteindre 19,9 milliards d’euros en 2028, avec une concentration particulière sur la branche maladie (16 milliards) et la branche vieillesse (6 milliards). Cette dégradation trouve son origine dans des facteurs structurels bien identifiés : le vieillissement de la population et le développement des maladies chroniques.
La situation est d’autant plus préoccupante que les mécanismes traditionnels de financement montrent leurs limites. La Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) a atteint son point de saturation en 2023, contraignant la Sécurité sociale à recourir à des emprunts à court terme plus coûteux via l’Acoss pour financer ses futurs déficits.
🔴 Situation financière de la #SécuritéSociale : le Premier président de la Cour @pierremoscovici est auditionné ce matin par la commission des affaires sociales du @Senat.
— Cour des comptes (@Courdescomptes) November 6, 2024
Audition à suivre en direct ici ➡️ https://t.co/uY2E1Uuf5U pic.twitter.com/anEzhfJOuX
La solution Moscovici : une révolution dans la gestion des finances publiques
Face à cette situation critique, Pierre Moscovici avance une proposition audacieuse, jamais évoquée publiquement jusqu’alors : confier les prévisions budgétaires à une institution indépendante. Cette suggestion, qui pourrait être confiée au Haut Conseil des finances publiques (HCFP), marquerait une rupture profonde avec les pratiques administratives françaises traditionnelles.
« Cette proposition n’est pas totalement baroque », argumente Moscovici, soulignant qu’elle s’inspire des pratiques déjà en vigueur chez certains de nos partenaires européens. Le premier président de la Cour des comptes pointe notamment du doigt une baisse de la qualité des prévisions, résultat d’un « jeu de ping-pong entre l’administration et le politique ».
Cette réforme s’accompagnerait d’une approche plus prudente dans l’élaboration des textes financiers. Le HCFP appelle notamment à retenir des « hypothèses prudentes », particulièrement en matière de prévision des recettes et de modération des dépenses des collectivités locales. Une nécessité d’autant plus criante que le retour du déficit sous la barre des 3% est désormais repoussé à 2029, contre 2027 initialement prévu.