Le premier face-à-face entre Joe Biden et Donald Trump pour la présidentielle 2024 a plongé l’Amérique dans la stupeur. Entre un président malade qui peine à convaincre et un ex-président qui esquive les questions gênantes, les électeurs américains se retrouvent face à un choix cornélien. Décryptage d’une soirée qui pourrait bien rebattre les cartes de la course à la Maison Blanche.
Résumé :
- Joe Biden, visiblement affaibli par un rhume, a livré une performance décevante qui relance les inquiétudes sur sa capacité à gouverner.
- Donald Trump a multiplié les mensonges et évité les questions embarrassantes, notamment sur l’insurrection du 6 janvier.
- Le débat a révélé deux visions diamétralement opposées de l’Amérique et de son avenir.
- Les affaires judiciaires et la moralité des candidats ont été abordées tardivement, donnant lieu à des échanges tendus.
- La réaction dominante des observateurs est un mélange de résignation et d’incrédulité face aux choix offerts aux électeurs américains.
Le 27 juin 2024, les Américains ont assisté à un spectacle pour le moins déconcertant. Le premier débat présidentiel opposant Joe Biden à Donald Trump, censé éclairer les électeurs sur les enjeux cruciaux de l’élection à venir, s’est transformé en une démonstration des faiblesses des deux candidats. D’un côté, un président en exercice visiblement diminué, peinant à articuler ses idées. De l’autre, un ancien président multipliant les affirmations mensongères et esquivant les questions gênantes.
Ce face-à-face, loin de rassurer une nation déjà profondément divisée, a plutôt suscité une vague de résignation et d’incrédulité. Comment ces deux hommes peuvent-ils être les meilleurs choix pour diriger la première puissance mondiale ? C’est la question que se posent désormais de nombreux Américains, alors que la course à la Maison Blanche entre dans sa phase décisive.
Biden bafouille et relance les spéculations sur sa santé
Joe Biden avait tout à prouver lors de ce débat. Malheureusement pour lui, sa prestation n’a fait que renforcer les doutes sur sa capacité à assumer un second mandat. Visiblement affaibli par ce qui semblait être un rhume, le président a livré une performance en demi-teinte qui risque de hanter sa campagne.
Dès les premières minutes, la voix de Biden est apparue étouffée, ses propos souvent confus. Il a notamment commis une bourde en déclarant : « Nous avons finalement battu Medicare », une phrase qui n’avait aucun sens dans le contexte de la discussion sur la dette nationale. Son adversaire n’a pas manqué de saisir cette opportunité, rétorquant : « Il a effectivement battu Medicare. Il l’a battu à mort, et il est en train de détruire Medicare. »

Plus inquiétant encore, Biden n’a pas réussi à mettre en valeur ses réalisations, notamment son plan d’infrastructures, pourtant l’un des piliers de son bilan. Sur la question cruciale de l’avortement, censée être l’un de ses points forts, il a dévié de manière inexplicable vers le sujet de l’immigration, l’un de ses points faibles.
Cette performance décevante risque de raviver les débats au sein du parti démocrate sur l’opportunité de remplacer Biden lors de la convention. Les inquiétudes des électeurs concernant son âge et son aptitude à gouverner, loin d’être apaisées, n’ont fait que s’amplifier après ce débat.
Quand l’ancien président a réécrit la réalité en direct »
Face à un Biden en difficulté, Donald Trump aurait pu se contenter de laisser son adversaire s’empêtrer dans ses propres erreurs. Au lieu de cela, l’ancien président a choisi de persister dans sa stratégie habituelle : une avalanche de déclarations mensongères et l’évitement systématique des questions embarrassantes.
Trump n’a pas hésité à affirmer, sans aucun fondement, que les démocrates sont favorables à l’avortement « jusqu’à la naissance et même après ». Il a également prétendu, sans preuve, que Nancy Pelosi avait refusé son offre de déployer la Garde nationale le 6 janvier 2021, esquivant ainsi sa propre responsabilité dans l’insurrection du Capitole.
Plus inquiétant encore, Trump a laissé planer la menace de poursuites judiciaires contre Biden en cas de victoire, déclarant : « Il pourrait être un criminel condamné dès qu’il quittera ses fonctions. Joe pourrait être un criminel condamné avec toutes les choses qu’il a faites. Il a fait des choses horribles. »
Malgré ces controverses, la stratégie de Trump semble porter ses fruits auprès de sa base électorale, qui reste largement imperméable aux fact-checking et aux critiques des médias traditionnels.

Le duel des rêves américains qui divise le pays
Au-delà des performances individuelles, ce débat a mis en lumière deux visions radicalement opposées de l’Amérique et de son avenir.
Trump a dépeint un pays en plein déclin, affirmant sans détour : « Joe, notre pays est en train d’être détruit. […] Il est le pire président de l’histoire de notre pays. Il a détruit notre pays. » Cette rhétorique pessimiste, déjà au cœur de sa campagne de 2016, semble toujours trouver un écho auprès d’une partie de l’électorat américain.
À l’opposé, Biden a tenté de projeter une image plus (trop?) optimiste des États-Unis sur la scène mondiale : « Nous sommes le pays le plus admiré au monde. Nous sommes les États-Unis d’Amérique. Il n’y a rien au-delà de notre capacité. Nous avons la meilleure armée de l’histoire du monde, la meilleure de l’histoire du monde. Personne ne pense que nous sommes faibles. Personne ne veut nous chercher des noises, personne. »
Ces visions antagonistes reflètent la profonde division qui traverse la société américaine, chaque camp semblant vivre dans une réalité parallèle.
Morale contre loi : Le face-à-face explosif qui a mis Trump dos au mur
Curieusement, les affaires judiciaires de Trump n’ont été abordées que tardivement dans le débat, une occasion manquée pour Biden de marteler l’un des points faibles de son adversaire.
Lorsque le sujet a finalement été évoqué, Biden a attaqué Trump sur sa moralité, faisant référence à l’affaire Stormy Daniels : « Vous avez la morale d’un chat de gouttière », a-t-il lancé à Trump. Ce dernier a répondu par une phrase qui restera sans doute dans les annales des débats présidentiels : « Je n’ai pas eu de relations sexuelles avec une star du porno. »
Cet échange, aussi surréaliste soit-il, souligne l’importance des questions éthiques et judiciaires dans cette campagne. Les 34 chefs d’accusation pour falsification de documents commerciaux dont Trump a été reconnu coupable dans l’affaire du paiement à Stormy Daniels pèsent lourd dans la balance, tout comme ses autres affaires en cours.
Les démocrates en quête d’un plan B ?
La performance décevante de Biden lors du débat ravive les inquiétudes au sein du parti démocrate. En coulisses, une question délicate émerge : faut-il envisager de remplacer Joe Biden comme candidat à la présidentielle ?
Selon le Boston Herald, certains consultants démocrates évoquent la possibilité d’un changement de candidat avant la convention, surtout si Biden commet une erreur de taille dans les prochaines semaines.
Une « short list » de remplaçants potentiels circule déjà :
- Kamala Harris, la vice-présidente actuelle, malgré son impopularité
- Michelle Obama évidemment
- Gretchen Whitmer, gouverneure du Michigan
- Pete Buttigieg, ministre des Transports
- Gavin Newsom, gouverneur de Californie
- Hillary Clinton, bien que son âge (76 ans) rende cette option peu probable
Le New York Times va jusqu’à suggérer que se retirer serait « la meilleure chose que Biden puisse faire » pour les chances démocrates. Cependant, un tel changement reste un pari risqué à quelques mois de l’élection.
Malgré ces spéculations, Biden conserve des soutiens importants. Le gouverneur du Maryland, Wes Moore, le considère toujours comme « le meilleur candidat à la présidence ».